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Enquête

1997/2004 LE CULTE DE LA PERFORMANCE

Enquête | publié le : 01.11.2004 | Catherine Lévi

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1997/2004 LE CULTE DE LA PERFORMANCE

Crédit photo Catherine Lévi

Boom technologique et mondialisation aidant, création de valeur et productivité deviennent des leitmotiv. Sacrés « business partners », les DRH informatisent leurs services à tout-va… sans oublier les enjeux sociétaux qui pointent le bout du nez.

Alternance politique et retournement conjoncturel : 1997 marque un tournant dans une décennie morose. Alors que la récession semble à son comble et que l'emploi reste en berne, la révolution Internet couve. Entre 1999 et 2001, les start-up explosent. Ces microentreprises accrochées au wagon des nouvelles technologies inaugurent un style de management moderne, réactif, avec des organisations plates. Portés par une Bourse euphorique, leurs jeunes dirigeants prennent tous les risques. Les stock-options coulent à flots.« Cette période porte l'espoir d'une entreprise renouvelée et montre que les grands groupes ne savent pas gérer les jeunes », estime Claire Isnard, directrice générale du cabinet Hewitt. Des grandes entreprises tentent alors de copier le modèle de la Net économie.

La révolution n'est pas seulement technologique. « Les marchés se globalisent, les cycles économiques sont de plus en plus rapides, la durée de vie des produits se raccourcit sensiblement et l'information circule de plus en plus vite », constate Claude Mathieu, DRH de Messier-Dowty. « Nous sommes entrés dans l'ère du changement permanent, à nous de nous adapter », abonde Bernard de Talancé, DRH de la Société générale. Même si le soufflé retombe, fin 2001, avec l'éclatement de la bulle Internet, les nouvelles technologies étendent leur empire. Les contraintes de temps et d'espace étant réduites, les grandes entreprises s'internationalisent à tout-va. Elles décloisonnent leurs services, font de l'information un atout concurrentiel grâce auknowledge management. Elles réalisent aussi de fantastiques gains de productivité grâce à une informatisation croissante et se recentrent sur des activités à plus forte valeur ajoutée. La recherche de performance est d'autant plus forte que l'actionnaire fait monter les enchères. La concurrence s'exacerbe. Les grandes entreprises françaises multiplient les acquisitions. Dorénavant, une bonne partie de leurs effectifs sont à l'étranger. « Nous sommes passés en quelques années de 45 000 à 90 000 salariés, dont 50 % hors des frontières, contre 15 à 20 % précédemment », explique Bernard de Talancé. Pour être réactifs, ces mastodontes réduisent le nombre de niveaux hiérarchiques, adoptent des modes de fonctionnement matriciel, s'organisent enbusiness units, multiplient les équipes de projet. « Les méthodes de management anglo-saxonnes triomphent. Les entreprises parlent dorénavant le globish [global english] », note Jérôme Duval-Hamel, vice-président RH de SFR Cegetel. Bref, la métamorphose est complète.

Contribuer à la création de valeur

Intronisé partenaire du business, le DRH doit accompagner les mutations et contribuer à la création de valeur. « Plus moderne, plus rigoureuse, plus méthodique et plus directement articulée à la politique générale et à la stratégie, la DRH a enfin droit de cité », souligne Florian Sala, professeur de management et de gestion des ressources humaines au Ceram Sophia-Antipolis. Elle épaule les directions générales dans leurs décisions stratégiques et leur déclinaisons organisationnelles. Elle aide les opérationnels à s'approprier les aspects RH. À cette fin, les DRH groupe recentrent leur rôle sur les grandes orientations et décentralisent sur le terrain une partie de leurs prérogatives. Objectif : faire des salariés des acteurs de la performance.

Les nouvelles technologies ont élevé les qualifications et déplacé la valeur ajoutée sur les hommes. De nouveaux métiers apparaissent. La notion de capital humain passe dans le langage managérial. Les DRH portent une attention particulière aux ressources clés que sont les hauts potentiels. Ces derniers bénéficient de parcours à la carte et de formations pointues. Véritables marques de fabrique, les universités d'entreprise connaissent un véritable boom.

Les DRH font peau neuve

Mais les exigences de performance portent également sur les salariés lambda, qui commencent à bénéficier de démarches de développement personnel. Elles sont initiées à l'occasion des entretiens annuels d'évaluation où sont aussi fixés les objectifs de progrès. La rémunération est de plus en plus individualisée pour tenir compte des efforts de chacun. « Les entreprises sortent d'une gestion de masse, même si la reconnaissance personnelle porte davantage sur les cadres que sur les autres catégories professionnelles », constate Claire Isnard. « En 1997, les DRH ne sont pourtant pas favorables à la prise en compte de la dimension personnelle dans leur gestion, ils ont peur de perdre les grands équilibres collectifs », rappelle Jérôme Duval-Hamel. Depuis, nécessité a fait loi. Car les jeunes générations, en particulier, revendiquent une gestion à la carte tenant compte de leurs aspirations. Engagées dans la guerre des talents, les entreprises leur déroulent le tapis rouge. En revanche, elles ne s'occupent guère de leurs seniors.

Pour remplir leur rôle de business partners, les DRH font peau neuve : nouveaux modes de fonctionnement, nouvelles compétences. Elles se dotent d'outils et de méthodes modernes qui leur permettent d'optimiser leurs efforts et par la même occasion de réduire leurs coûts de fonctionnement. Tout ce qui n'est pas vital est externalisé, tout ce qui peut être informatisé l'est. Le passage à l'an 2000 constitue la véritable rampe de lancement des grands chantiers informatiques.

Pour autant, les DRH n'en ont pas fini avec leurs prérogatives gestionnaires. Fin 1997, l'annonce d'une loi sur les 35 heures décidée par le gouvernement Jospin pour partager le travail et favoriser les créations d'emplois fait l'effet d'un pavé dans la mare. En dépit du tollé du patronat, les entreprises de plus de 20 salariés se plient aux lois Aubry 1 et Aubry 2 et profitent de l'occasion pour réaliser de nouveaux gains de productivité et mettre en place des organisations plus flexibles, même si ce casse-tête administratif n'est pas du tout de leur goût. Mais le retour de la croissance dans le secteur marchand dès 1998 met en sourdine leur rancœur. En mai 2000, le chômage est passé sous la barre symbolique des 10 %. Une embellie de courte durée puisque, dès 2002, restructurations et fusions repartent à la hausse. Et le spectre des délocalisations surgit, même si c'est à partir de 2003 que le phénomène va vraiment se faire sentir.

L'entreprise socialement responsable

Au tournant du XXIe siècle, les entreprises sont également rattrapées par des enjeux sociétaux. La pression de la société civile s'accroît. Au nom du développement durable, il s'agit de satisfaire tous les stakeholders, actionnaires, clients, fournisseurs, salariés et collectivité. L'éthique est dans toutes les bouches. La loi NRE de mai 2001, qui fait obligation aux entreprises de publier des informations sociales et environnementales dans leurs rapports d'activité, intronise l'entreprise socialement responsable. Définition d'indicateurs, publication de rapports sociaux, nomination de responsables en titre, remise en cause des pratiques, une nouvelle dynamique est en marche.

Les DRH doivent gérer d'autres sujets d'actualité : les handicapés, la parité, la diversité. Et ils se préparent enfin à affronter le défi démographique. Même si l'économie n'est pas au beau fixe, les entreprises recrutent des jeunes pour assurer la relève et mettent en place des démarches de marque employeur afin de les attirer. En revanche, elles pèchent dans la gestion des seniors. La nouvelle réforme de la formation professionnelle représente également une contrainte. « À droite comme à gauche, en France, on ne sait pas faire simple », juge Bernard de Talancé. Coincés entre des enjeux internationaux et des contraintes hexagonales, les DRH n'ont pas la partie facile.

1997

Lors de la conférence réunie le 10 octobre à Matignon, Lionel Jospin annonce aux partenaires sociaux le dépôt d'une loi d'orientation et d'incitation fixant la durée légale do travail à 35 heures. En février 1999, la RTT sera généralisée aux entreprises de plus de 20 salariés.

1999

Cette année marque le début du boom d'Internet en Europe. Ce phénomène consacre le rôle incontournable des NTIC et contribue à l'intensification du travail et à l'internationalisation croissante des entreprises.

2000
Jean-Baptiste de Foucauld, ancien commissaire au Plan

Le rapport Balligand-de Foucauld propose, en janvier, d'étendre l'épargne salariale à l'ensemble des salariés et de moraliser les règles d'attribution des stock-options. Dans un contexte d'explosion des valeurs boursières, technologiques en particulier, les abus étaient nombreux.

En mai, Martine Aubry suscite un tollé patronal en proposant, dans son projet de loi de modernisation sociale, de renforcer le droit d'information des CE et d'élargir le pouvoir de saisine du juge en cas d'annonce de plan social. Les dispositions relatives à une nouvelle définition du licenciement économique seront, toutefois, censurées par le Conseil constitutionnel, au grand dam du PCF.

2001

La création de valeur pour l'actionnaire n'est plus le seul credo. Il faut aussi satisfaire tous les stakeholders, les parties prenantes de l'entreprise. La loi NRE de mai 2001 oblige les groupes cotés à intégrer des informations sociales et environnementales dans leurs rapports d'activité.

2002

François Fillon suspend pour dix-huit mois, en décembre, le volet économique de la loi de modernisation sociale votée en début d'année et assouplit la législation sur les 35 heures. Les annonces de restructurations se multiplient à Metaleurop, Daewoo, Air Lib et Danone, qui déclenche une tempête médiatique en annonçant la fermeture des usines LU de Calais et de Ris-Orangis.

Auteur

  • Catherine Lévi