logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le bloc-notes

Une rentrée sociale très politique

Le bloc-notes | publié le : 01.09.2004 | Bernard Brunhes

Chômeurs : toujours 10 %

C'est Jean-Claude Mailly, le nouveau secrétaire général de Force ouvrière, qui a tiré le premier : avant même le 15 août, il s'est exprimé dans les Échos. Le principal thème était le pouvoir d'achat. Pas étonnant : on n'a en effet jamais vu une organisation syndicale renoncer à réclamer une hausse de rémunération.

Mais, en cette rentrée, l'équation est complexe.

La bonne surprise est la reprise économique avec cette croissance de 2,5 % que l'on n'osait espérer il y a encore peu de mois. La mauvaise nouvelle, c'est ce chômage endémique qui tangente à nouveau les 10 %, ce pourcentage symbolique dont la France n'a jamais réussi à s'éloigner franchement et durablement depuis vingt ans et qui mine la société française.

Le FMI et l'OCDE nous disent d'augmenter le taux d'activité et d'emploi. Facile à dire. Tant qu'il s'agit d'augmenter le taux d'emploi de la population – c'est-à-dire d'abord de retarder l'âge réel de la retraite – tout le monde est d'accord… sur le principe. Mais sur le terrain, on aime encore beaucoup les préretraites.

Et quand on parle d'allonger la durée hebdomadaire ou annuelle du travail le débat se complique. En France, la législation sur la durée du travail est devenue pour certains le bouc émissaire et l'explication de tous les maux économiques et sociaux dont souffre le pays. Une explication un peu rapide qui permet de faire l'impasse sur des problèmes structurels. On peut par exemple se demander s'il est raisonnable de prétendre éviter durablement des délocalisations en jouant sur le temps de travail lorsque l'on sait que les écarts de coût salarial entre les Européens de l'Ouest et les nouveaux pays de l'Union dépassent largement les 20 %, voire les 30 %.

On peut espérer que le débat sur le temps de travail, encore terriblement marqué par des slogans politiques, prendra une autre tournure.

Réformes en panne

Sur les 35 heures, on est en plein débat politique, plus qu'économique. Et il est plusieurs autres dossiers sociaux brûlants également très politiques.

La réforme de l'assurance maladie n'a résolu qu'une partie du problème ; elle a corrigé une partie seulement du déséquilibre comptable ; et, sur de nouvelles pistes, elle s'est engagée avec une grande prudence. Elle n'a pas abordé l'essentiel : les réformes touchant les professions de santé, qu'on a eu peur de mécontenter, et les grandes questions fondamentales posées par le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie sur la prévention, la qualité des soins ou les critères de prise en charge des dépenses par la solidarité nationale.

Dans d'autres domaines de l'action publique concernant le social, notamment l'adaptation du secteur public au credo libéral européen, le gouvernement avance à pas comptés. Sur la réforme de l'État et la décentralisation, les grands desseins n'ont encore pas porté leurs fruits.

En un mot, à mi-parcours du quinquennat présidentiel, les chantiers sociaux ouverts sont encore en travaux et l'automne risque de se passer en valses hésitations et conflits dispersés, sur fond de chômage persistant, de délocalisations médiatisées, de services publics inquiets, de syndicats divisés et de gouvernement affaibli par la conjoncture politique.

L'Europe sociale ?

La grande affaire de 2005 devrait être le référendum sur la Constitution européenne. Chacun prépare ses armes. La gauche, comme la droite, est divisée. Mais on ne peut, une fois de plus, que regretter la faiblesse des arguments et de la réflexion sur l'Europe sociale, pourtant au cœur des prises de position de la gauche.

La fixation d'un salaire minimum ou l'alignement des niveaux de protection sociale sont de généreux projets. Mais s'ils intéressent à la fois les salariés des pays en retard, qui ne peuvent qu'y gagner, et les entrepreneurs des pays en avance, qui y voient un moyen d'échapper au dumping, ils n'enchanteraient ni les salariés des pays riches ni les entrepreneurs des pays pauvres. Quant à l'harmonisation des systèmes de sécurité sociale, de retraite ou d'indemnisation du chômage, elle est si difficile à réaliser que l'Europe des 6, puis des 9, puis des 12, puis des 15 ne s'y est guère attaquée. Alors, l'Europe des 25 !

C'est une fois l'élargissement réussi et la Constitution adoptée que l'Union européenne pourrait se donner un nouvel horizon : un grand dessein d'Europe sociale, à construire progressivement, pour protéger en le renouvelant le « modèle social européen ». Mais, pour atteindre ce nouveau palier, il ne faut pas rater la première marche : l'adoption de cette Constitution, certes imparfaite, mais qui permettra que l'Union à 25 soit effectivement et démocratiquement gouvernée.

Auteur

  • Bernard Brunhes