La loi oblige, depuis 2002, les entreprises à prévenir les phénomènes de violence au travail. Difficile, néanmoins, de s'y attaquer de front.
Adecco n'y est pas allé par quatre chemins ! En mars dernier, la direction du groupe de travail temporaire a décidé de fermer son agence de la gare du Nord. Motif : les agressions quotidiennes et de plus en plus violentes subies par ses collaborateurs. « Il en allait de notre responsabilité d'employeur, explique Gilles Quinnez, le DG. Depuis deux ans, nous portons une attention particulière à cette question. Nous avons mené une étude sur 15 agences pour en comprendre les raisons. La violence s'explique en grande partie par la nature de notre activité qui est de trouver un emploi à des personnes qui en sont privées. 55 % des agressions viennent d'intérimaires qui ont déjà travaillé pour nous et qui ne comprennent pas pourquoi nous ne leur trouvons plus de job. »
Agressions physiques, mais également harcèlement moral, sexuel, stress… la liste des violences en entreprise s'égrène comme un chapelet sans fin. « Le phénomène est complexe et multiforme, prévient Sylvie Roussillon, psychologue et professeur en ressources humaines à l'EM Lyon. Les violences peuvent venir de l'intérieur de l'entreprise comme de l'extérieur. À chaque fois, elles se nourrissent des contradictions de notre société et y trouvent un terrain fabuleux pour s'y reproduire. » Exhortées par la loi de modernisation sociale de janvier 2002 à mettre sur pied des politiques de prévention, de plus en plus d'entreprises s'attaquent au phénomène. « Auparavant, seuls certains secteurs comme le transport urbain étaient sensibilisés à la violence. Ce qui est nouveau, c'est que l'ensemble des entreprises se sentent désormais concernées, même les collectivités territoriales, qui s'adressent à nous », constate Yves Grasset, directeur de l'association stéphanoise Violence, Travail, Environnement (VTE).
Reste que les entreprises ont du mal à s'attaquer de front à la violence générée par leur propre organisation et préfèrent souvent traiter les violences externes. « C'est une façon d'entrer dans une culture de la transparence et de prendre l'habitude de lever les tabous, note Yves Grasset. Donc un premier pas vers le traitement de la violence interne. » VTE a signé il y a trois ans une convention avec le groupe Casino pour accompagner les salariés victimes de violences externes, principalement des hold-up. La convention garantit, par exemple, la présence d'un psychologue auprès des salariés dans les 48 heures suivant une agression.
Adecco, pour sa part, a ouvert une cellule d'écoute pour leur permettre d'exprimer leur mal-être dans ce type de situation. « Au début, nous avons eu beaucoup d'appels, souligne Gilles Quinnez. Après trois, quatre mois, ils se sont taris. Non que la violence ait disparu, mais le dispositif a contribué à apaiser le phénomène en interne. » Le groupe a également mis en place des modules de formation pour permettre à ses salariés les plus exposés de mieux gérer les agressions et se demande s'il ne va pas s'intéresser, lors du recrutement, à la capacité de résistance psychologique des candidats aux agressions.