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Le bloc-notes

Manœuvres de printemps

Le bloc-notes | publié le : 01.06.2004 | Raymond Soubie

Un mistigri : les 35 heures

L'affaire des 35 heures est l'objet de déclarations successives et contradictoires des leaders de la majorité, ministres et parlementaires. Faut-il « réformer la réforme » ou ne rien faire ? On doit ajouter à cette première question une seconde : peut-on le faire ?

Il est clair que le dispositif Aubry, qui a eu des mérites comme la compensation accordée en matière de modulation ou l'impulsion donnée aux négociations de branche et d'entreprise, serait aujourd'hui abordé autrement, y compris par ses auteurs, si on pouvait refaire l'histoire. Politiquement et socialement, la réforme est apparue comme plus favorable aux cadres qu'aux non-cadres. Si elle a contribué à créer des emplois, cela a été un fusil à un coup et à l'effet marginal, l'essentiel ayant été dû à la forte croissance de ces années-là. Il reste que les politiques n'ont aucune envie d'être impopulaires ni de tirer les conséquences pratiques de leurs critiques. Les entreprises, pour leur part, préfèrent s'en tenir aux accords passés. Elles se voient mal les dénoncer et les renégocier.

Le sujet pourrait évoluer si deux situations contraires survenaient. La première serait celle d'une forte reprise avec des entreprises ayant du mal à produire, notamment en raison des 35 heures. Dans le couple enjeu-risque social, l'enjeu deviendrait alors lui-même prépondérant. Le second cas serait, à l'opposé, le constat ex post que la France aurait manqué l'opportunité de la forte croissance mondiale. La gravité de ce constat conduirait inéluctablement à poser la question des freins à la croissance. Le thème des 35 heures serait alors forcément abordé. Mais ces cas de figure demeurent aujourd'hui hypothétiques : le moment d'une vraie « réforme de la réforme » n'est pas encore venu.

L'assurance maladie : une réforme ambitieuse ?

Il est difficile de se prononcer sur la portée exacte de la réforme de l'assurance maladie. Le projet comporte trois volets : la « gouvernance » du système, une meilleure organisation des soins, des mesures financières de rapport immédiat faisant appel à la contribution des contribuables, des assurés et des entreprises.

Sur le premier point, la réforme ne sera utile que si elle aboutit à la création à la tête de la future Union des caisses d'un exécutif fort et doté de responsabilités étendues. Pour le reste, on voit mal des partenaires sociaux enthousiastes à l'idée de s'impliquer dans la coresponsabilité de mesures vraisemblablement impopulaires. Il est étonnant, par ailleurs, que des voies plus novatrices, comme celle de la régionalisation, n'aient pas été plus sérieusement examinées. Si l'on veut réguler et optimiser le système de soins au plus près du terrain, il n'y a pas d'autre solution. Tout mammouth public est impuissant.

Sur le second sujet, l'organisation du système des soins, le consensus est large. Bien des travaux ont montré qu'on peut améliorer la qualité en luttant contre les dysfonctionnements et par la même occasion réduire la progression des coûts. La promotion des filières et réseaux de soins, le dossier médical partagé, les références médicales, par exemple, sont des mesures de bon sens. Mais elles sont reconnues comme telles depuis plus de dix ans : reste à passer des principes à l'action. C'est là que le bât blesse, car le défaut du système est moins dans une absence de gouvernance claire que dans la faiblesse de ses capacités de gestion. Ne nous faisons pas trop d'illusions. Les économies résultant d'une meilleure organisation de la gestion prendront des années.

Enfin, le plan n'est pas bouclé sans recettes financières immédiates. Certes, le gouvernement, avec la bonne vieille méthode du recours à la dette et de la prolongation de la CRDS, va « éponger » les déficits accumulés. Mais, pour faire face aux déficits futurs, il n'est pas sûr que l'accroissement des contributions des contribuables, des assurés et des entreprises suffise.

Recul du paritarisme

Décidément, le paritarisme perd du terrain, à l'Unedic, mais aussi à l'assurance maladie, où le conseil d'administration va devenir un simple conseil d'orientation. Cette évolution met en péril un élément important de la régulation des relations sociales sur le plan national.

La raison en est simple. Les déficits de tous ces régimes exigent des mesures impopulaires et les syndicats qui les assument ne sont pas payés de retour. Il ne va plus y avoir beaucoup d'enthousiasme à cogérer des systèmes en déficit. Si la croissance soutenue, qui permettrait de mettre l'huile nécessaire dans les rouages, ne survient pas, on risque d'assister à une réétatisation d'une grande partie du champ paritaire.

Auteur

  • Raymond Soubie