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Apprendre à contrôler son moi intérieur profond

Enquête | publié le : 01.06.2004 | F.R.

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Apprendre à contrôler son moi intérieur profond

Crédit photo F.R.

Le développement personnel a toujours le même succès. Les salariés et, plus particulièrement les encadrants, sont invités à aller s'inspecter le nombril pour améliorer leur management. Les méthodes psy foisonnent au point parfois de se contredire.

Connais-toi toi-même

Salle aux murs blancs et moquette grise avec, dans un coin, quelques peluches, une marionnette clown, un tournesol en plastique, un manuel de coaching… Bienvenue au Dôjô, le temple du développement personnel. Ce vendredi matin, nous sommes neuf participants assis en cercle pour réfléchir, grâce à la PNL, aux diverses croyances que nous avons tous en nous. Inventée dans les années 70 par des psys américains, la programmation neurolinguistique se définit comme un ensemble de modèles descriptifs des structures de la subjectivité de l'expérience humaine. En fait, une approche du comportement humain qui emprunte des petits morceaux à différentes théories telles que la psychologie, les neurosciences ou l'intelligence artificielle. La PNL, qui fait toujours autant recette, est un des savoir-faire du Dôjô. L'organisme compte parmi ses clients diverses sociétés ou organismes : Aventis Pharma, Oracle, Kiabi, TotalFinaElf, La Poste, Wanadoo Portail, l'ANPE, etc.

Ce jour-là, le public est surtout composé de consultants, de formateurs, mais aussi de chômeurs. Beaucoup cultivent l'ambition de devenir coach psychothérapeute. Odile Bernhardt, ex-responsable RH devenue formatrice et présidente de l'Association française de PNL, nous accueille en nous expliquant le but de ces trois jours de formation : « Les croyances, ce sont ces assentiments qui excluent tout doute, mais sans justification rationnelle valable pour tous. Par exemple, en ressources humaines, l'une des croyances répandues consiste à penser que l'expérience vaut plus que tout. Autrement dit, c'est en forgeant que l'on devient forgeron. Nous baignons dans un océan de croyances, certaines sont aidantes, d'autres limitantes. Nous allons les confronter pour les transformer. »

En guise d'exemple, Odile demande à chacun de citer un plat qu'il n'a jamais voulu goûter. Huîtres, poisson cru, cervelle, tout y passe. Madeleine, un petit bout de femme d'une cinquantaine d'années, évoque les yaourts à la griotte. À l'heure de la pause, le petit groupe se retrouve dans la cuisine. Les murs sont décorés de dessins humoristiques et d'un petit panneau portant l'inscription : « La maison n'accepte pas l'échec. » Assis autour d'une tasse de café, les stagiaires se racontent leur dernier stage sur le sensitive gestalt massage, un dérivé de la médecine douce.

Retour dans la salle pour entrer dans le vif du sujet. Odile propose un exercice de « mise à jour » d'une croyance « aidante ». Estelle, 25 ans, le jean taille basse, la mèche de cheveux couvrant la moitié du visage, s'y colle. Elle croit au vieil adage selon lequel « quand on veut, on peut ». Odile prend la pose empathique : jambes croisées, le buste légèrement penché en avant, le petit sourire d'encouragement, d'une voix douce elle lui demande : « Comment sais-tu que c'est vrai ? » Estelle : « Quand je veux obtenir quelque chose, je mets tout en œuvre pour réussir. Par exemple, je voulais quitter mon travail pour suivre cette formation et je l'ai fait. » Odile acquiesce par des petits hochements de tête, reformule systématiquement les propos d'Estelle, avant d'enchaîner : « Quel autre exemple ? » Estelle : « Quand je veux faire un service smatché au volley-ball, je m'applique. » Odile : « OK, et si tu t'installes dans cette croyance, en termes de représentation, c'est comme quoi ? » Estelle : « Je me sens forte comme Superman. » Odile : « OK, et il est où Superman, dans l'espace ? » Estelle, lève la main et montre le plafond : « Oui, il est là-haut. » Odile : « OK et, en termes d'énergie, c'est comme quoi ? » Estelle : « C'est l'image d'un flot de lumière qui part de ma main et m'enveloppe. » L'entretien s'arrête. Une main se lève : « C'est quoi l'intérêt ? » demande un participant. « C'est une mise à jour sémantique et sensorielle pour aider à modifier une croyance », répond en bon jargon PNLien la formatrice. La rationalité d'un tel exercice laisse sceptique, mais peu importe car, comme le précise Odile, « les principes de base de la PNL sont des croyances ».À quand le logiciel de décryptage ?

Les gourous du courroux

Ne chatouillez plus Alain Collery. Cet ancien dirigeant de start-up, aujourd'hui reconverti dans le coaching, est capable de montrer les dents. « Petit, j'étais du genre premier de la classe qui se laissait marcher sur les pieds. Idem dans mes relations professionnelles où jamais je n'avais piqué une gueulante. » Ce changement, Alain Collery le doit à Stephen Vasey, installé en Suisse, qui a bâti sa réputation avec des stages où le quidam apprend ici à laisser éclater sa colère. « Cette émotion est généralement bannie de nos comportements, détaille Stephen Vasey. Au travail, les conflits restent larvés. La colère devient passive et s'exprime de manière feutrée, ce qui est très mauvais. »

Mieux vaut donc une bonne engueulade. Les formations attireraient de plus en plus de chefs d'entreprise ou des chefs d'équipe. Pas pour apprendre à se défouler sur leurs collaborateurs, mais plutôt pour utiliser la colère à bon escient afin d'en faire un acte de management. Alain Collery, un inconditionnel, a déjà suivi les stages niveaux 1 et 2. « Je suis en mesure de visualiser en autohypnose une belle engueulade. » Ce « maître de colère » pense aujourd'hui à développer ce genre de formation en France en s'appuyant sur les mêmes fondamentaux : « honorer et célébrer la colère ». Allez hop ! laissez la moutarde vous monter au nez !

Gère tes émotions

Vous crevez le plafond du QI, mais êtes-vous aussi un champion du QE ? Pour le psy-gourou américain Daniel Goleman, inventeur de l'intelligence émotionnelle, la réussite professionnelle dépendrait moins de l'intelligence ou des diplômes que d'un savoir-faire à repérer et à diriger ses émotions. « Un message passe plus facilement lorsqu'il est accompagné de l'expression d'un sentiment, explique Anne Cherret, spécialiste du QE et responsable du cabinet United Partners. Prenez le cas de Jean-Marie Messier qui, pendant un discours sur la fusion Vivendi Universal, laisse échapper une larme. » De quoi rendre le personnage tout de suite plus sympathique.

Dans les catalogues des organismes de formation, les stages qui se donnent pour objectif d'apprendre à « tirer profit de ses émotions afin de gagner en efficacité personnelle » se vendent à la pelle, à la rubrique développement personnel. On y apprend notamment à distinguer les émotions positives de celles qui sont négatives car toutes ne sont pas bonnes à exprimer. La colère, par exemple, celle qui vous fait taper du poing sur la table ou claquer les portes, est très mal vue. « Au lieu de laisser cours à l'explosion, poursuit Anne Cherret, il est préférable de rester calme et de verbaliser ce que l'on ressent. » Exemple : vous apprenez que votre collaborateur, censé travailler sur un dossier ultracapital, était en fait en RTT à la campagne. Au lieu de vous mettre dans tous vos états, dites-lui plutôt sur un ton neutre : ce que j'apprends là me met très en colère. « En deux jours de temps et grâce aux nombreux exercices pratiques et jeux de rôle, les participants en ressortent convaincus et changés, souligne la bonne fée du QE. Cela devient pour eux comme une seconde nature. » Trop fort !

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  • F.R.