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Cap sur le marché des RH

Dossier | publié le : 01.06.2004 | A.-C.G.

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Cap sur le marché des RH

Crédit photo A.-C.G.

Les sociétés de travail temporaire pensent avoir trouvé un nouvel eldorado dans les services aux ressources humaines. Moins sensibles aux aléas de l'économie, ces activités ont aussi l'avantage de redorer le blason d'entreprises dont l'image est associée à la précarité. Reste à trouver des synergies entre ces nouveaux métiers et l'activité de base de l'intérim.

Son arrivée sur le marché français, au début du printemps, s'est effectuée sans tambour ni trompette ! Accea, petite sœur du réseau Creyf's Interim, nouvelle marque de la holding belge Solvus Resource Group, entend s'attaquer au marché convoité des ressources humaines. « Nous nous définissons comme des fournisseurs de solutions RH, explique Alain Dehaze, P-DG du groupe Solvus. Nous ne nous cantonnons plus au travail temporaire généraliste depuis 1995. » Arrivé dans l'Hexagone en 2001, Solvus Resource Group gère pas moins de quatorze marques différentes dans trois métiers : l'intérim, avec Creyf's, sixième réseau français d'agences de travail temporaire, la régie et le conseil RH. « Sur le marché français, nous ciblons les PME qui n'ont pas de services RH propres, explique, pour sa part, Roland Masota, directeur d'Accea en France, ex-DRH de Creyf's Interim. Nous leur proposons nos compétences en matière de recrutement, de sélection, d'évaluation et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. » Un programme ambitieux pour une entité qui emploie actuellement quatre consultants à Paris et compte, en dépit d'une conjoncture morose, ouvrir deux bureaux en province en 2005.

Les mastodontes montrent un appétit dévorant

Les services aux ressources humaines sont devenus ces dernières années un marché très disputé. Aux acteurs traditionnels des RH s'ajoutent désormais de nouveaux venus, parmi lesquels les groupes d'intérim. Les trois mastodontes français (Adecco, Manpower et Vedior) montrent d'ailleurs dans ce domaine un appétit dévorant et comptent bien s'offrir les plus belles parts du gâteau. Cabinets de recrutement, d'outplacement, de conseil en gestion de carrière, de rémunération, organismes de formation sont désormais leurs nouvelles proies. « Les entreprises d'intérim sont coincées par le principe d'exclusivité qui régit la profession sur le plan juridique, explique François Roux, délégué général du Syndicat des entreprises de travail temporaire (Sett). 30 % des missions que nous proposons aux intérimaires mènent à l'emploi durable. Les ETT ne peuvent pas facturer ce service, donc elles créent des filiales ad hoc. »

Amorcé en France par Adecco il y a plus de dix ans avec le rachat du cabinet de chasse de têtes Alexandre Tic, le mouvement de diversification qui touche l'ensemble de la profession s'est sensiblement accentué depuis deux ans. Le groupe suisse issu de la fusion d'Ecco et d'Adia s'est, par exemple, positionné sur quatre activités en dehors de l'intérim : le conseil et l'externalisation des ressources humaines, le conseil et l'ingénierie, la gestion de carrière et l'e-recrutement. « Nous n'avons jamais pensé qu'il fallait rester arc-bouté sur la seule activité du travail temporaire, assure Jacques Delsaut, directeur marketing-vente du groupe Adecco en France. D'autant plus que l'intérim ne marche bien que sur une population de personnes peu qualifiées. En revanche, lorsqu'il s'agit d'aller chercher des ingénieurs, c'est moins évident. Pour attirer ces profils, nous avons besoin de structures propres. » Dans ce but, Adecco a lancé Ajilon, il y a deux ans. L'entreprise intervient à la fois sur le marché des SSII (Ajilon IT), des bureaux d'études (Ajilon Engineering) ou encore des centres d'appels (Ajilon Sales and Marketing).

Absorber les chocs économiques

Ses deux grands concurrents, Manpower et Vedior, ont adopté plus récemment cette stratégie de diversification. Vedior a pris le tournant il y a deux ans, en créant son propre cabinet de chasse de têtes à Paris, Advancers Executive. Récemment, il s'est offert Amplitude, un organisme de formation d'une vingtaine de salariés, dont Philippe Salle, P-DG du groupe Vedior France, espère bien tripler voir quadrupler la taille dans les prochains mois. De son côté, le groupe Manpower a pris le contrôle en début d'année du cabinet américain Right Management Consultants, spécialiste de l'outplacement et du conseil en gestion de carrière. Un rachat qui a fait tomber dans l'escarcelle de la filiale française le cabinet Garon Bonvalot. Des opérateurs de taille plus modeste sont également de la partie. Randstad a créé une nouvelle filiale spécialisée dans le recrutement, le tri de CV et l'évaluation. Le groupe Plus Intérim officie, pour sa part, dans l'outplacement avec le cabinet Eos.

Avec ces diversifications à tout-va, les groupes de travail temporaire espèrent tout d'abord absorber les chocs économiques. Les indicateurs de l'emploi intérimaire, signaux avant-coureurs d'une reprise, sont dans le rouge depuis plusieurs années, et 2004 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Du coup, la formation ou l'outplacement, moins sensibles à la conjoncture, voire contra- cycliques, sont perçus comme de possibles amortisseurs.

Pour les groupes de travail temporaire, l'enjeu est désormais de créer des synergies entre leurs différentes activités. Une offre multiservice sur laquelle Adecco investit beaucoup. « Nous nous intéressons à des problématiques globales d'entreprises. Une société qui déménage aura à gérer un reclassement si les salariés ne suivent pas, puis sans doute le recrutement et la formation de nouveaux personnels. Le groupe peut accompagner les entreprises sur tous ces processus », argumente Jacques Delsaut, d'Adecco. De la même façon, le groupe helvétique compte bien chaperonner les salariés, du début à la fin de leur carrière, avec tous les aléas que comporte une vie professionnelle. Pour démultiplier cet esprit cross selling au sein du groupe, le géant du travail temporaire a chargé trois personnes, à temps complet, de porter la bonne nouvelle au sein de ses différentes entités. Il a investi pas moins de 100 millions d'euros pour créer une base de données géante, sorte de vivier de compétences commun à l'ensemble de ses activités RH.

Chez Manpower, la recherche de synergies avec le cabinet d'outplacement Right Garon Bonvalot reste pour le moment moins ambitieuse. « Dans les villes où nous avons des implantations communes, nous pourrons faire remonter aux bureaux de Right des informations sur les bassins d'emploi, avance Jean-Pierre Lemonnier, président du directoire de Manpower France. De son côté, le cabinet d'outplacement proposera, comme il le faisait déjà avant le rachat, les services de Manpower comme moyen de retrouver un emploi. »

Des habits neufs d'acteurs de l'emploi

Cette diversification est également l'occasion rêvée pour l'ensemble de la profession de véhiculer une autre image que celle de la précarité des missions d'intérim et de s'offrir des habits neufs d'acteurs de l'emploi. Ce n'est pas un hasard si Randstad vient d'abandonner la référence à l'intérim dans son logo pour une appellation plus neutre : Randstad Work Solutions. Reste que, pour le moment, ces nouvelles activités ne pèsent pas bien lourd dans la balance. À Vedior, les services RH représentent 1 % du chiffre d'affaires. Pour son P-DG, Philippe Salle, l'objectif est de les faire passer à 5 ou 10 % du chiffre d'affaires. Chez Solvus, l'activité de conseil d'Accea représente 2 % du chiffre d'affaires du groupe (1,5 milliard d'euros en 2002), contre 88 % pour l'activité de travail temporaire. « La différence avec le travail temporaire c'est que, sur des activités de conseil, nous facturons en honoraires. C'est financièrement plus rentable que l'intérim où nos marges restent plus faibles », décrypte Alain Dehaze.

La fin du monopole de l'ANPE annoncée en décembre dernier et le projet de loi sur l'emploi porté par François Fillon puis Jean-Louis Borloo, le nouveau ministre du Travail, renforcent les groupes de travail temporaire dans leur stratégie de conquête et de diversification. L'idée serait, pour eux, de sortir définitivement de leur pré carré et de se positionner comme des agences pour l'emploi. « Nous espérons que le nouveau projet de loi permettra une intervention plus large de nos entreprises, explique François Roux, au Sett. Tous les autres pays se sont construit une staffing industry qui ne fait plus de nuances entre le recrutement, le placement et le travail temporaire. La France reste l'exception. » Pour Philippe Salle, de Vedior, « cette ouverture du marché du placement permettra de fluidifier l'emploi et d'œuvrer dans l'intérêt de tous. Mais la fin du monopole n'interviendra pas avant début 2006, lorsque le contrat qui lie l'Unedic à l'ANPE arrivera à terme ».

Le tertiaire dans la ligne de mire

En attendant, les entreprises de travail temporaire cherchent à se diversifier sur leur propre marché. Si l'intérim de masse reste majoritairement industriel, le secteur tertiaire, encore très attaché aux CDD, aiguise leur appétit. « C'est l'avenir pour l'intérim, assure Gilbert Lefèvre, chercheur au CNRS. En France, c'est encore un marché de niches, mais aux Pays-Bas il représente pas moins de 50 % du marché de l'intérim. Et la désindustrialisation pousse les groupes de travail temporaire à explorer de nouvelles pistes. » Cadres (voir page ci-contre), seniors, jeunes diplômés… ces nouveaux profils d'intérimaires sont déjà leur point de mire depuis quelques années. En Belgique, Creyf's a ainsi créé un département dédié aux seniors. « Certaines régions réalisent 10 % de leur chiffre d'affaires sur des profils de managers aussi bien que d'ouvriers qualifiés, assure Alain Dehaze, P-DG de Solvus. Nous allons vers une pénurie de main-d'œuvre qui va pousser les entreprises à se tourner vers ces personnes qu'elles jugent, pour le moment, trop chères et moins productives. »

En France, rares sont les initiatives dans ce domaine. À Toulouse, une entreprise de travail temporaire indépendante s'est lancée sur le créneau. Du côté des grands groupes, une agence Adecco (celle de Boulogne-Billancourt) tente actuellement de faire vivre un département senior depuis 2001. Les missions confiées aux intérimaires seniors représentent environ 10 % du planning de l'agence. « Nous proposons aux entreprises d'anticiper les effets du papy-boom attendu dans deux ans, mais aussi de conserver une mixité des âges et de ne pas céder au jeunisme à tous crins, explique Danièle Lepeu, responsable de l'agence Adecco de Boulogne. Mais ce discours est loin d'être entendu par des entreprises qui gèrent leur pyramide des âges comme un coût. » Dommage ! car le réveil risque d'être brutal

Une galaxie de marques RH

Adecco

– Travail temporaire : Adecco, Adia, Quick Médical Service.

– Conseil et externalisation RH : RH Facilities, APS, Capio.

– Externalisation de services et gestion de projets : Ajilon IT Consulting, Ajilon Engineering, Ajilon Sales & Marketing, Ajilon Recruiting.

– Gestion de carrière et mobilité : Lee Hecht Harrison, Alexandre Tic, Novitec, Oberthur Consultants.

– E-recrutement : Jobpilot.fr.

Manpower France

– Travail temporaire : Manpower, Suppley.

– Gestion de carrière : Right Management Consultants-Garon Bonvalot.

– Gestion de projet : Elan IT.

Vedior France

– Travail temporaire : VediorBis, Expectra, Exselsia, Atoll, JBM, Pharm'appel, L'Appel médical.

– Services RH : Advancers Executive, Advisio Services, Amplitude, CapSecurConseil, Sapphire Technologies.

Auteur

  • A.-C.G.