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Repères

D'abord une affaire de méthode

Repères | publié le : 01.05.2004 | Denis Boissard

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D'abord une affaire de méthode

Crédit photo Denis Boissard

Nous voilà rassurés. « Je garde le cap des réformes », a proclamé Jean-Pierre Raffarin III dans son discours de politique générale. C'est bien le moins que l'on pouvait attendre d'un chef de gouvernement, encore que l'on puisse s'interroger sur la capacité d'un homme aussi lourdement déstabilisé par un scrutin calamiteux pour sa majorité à conduire les adaptations que nécessite notre pays. Mais la question aujourd'hui posée est moins que faire – l'accroissement continu de la dette publique de la France, le niveau très élevé de ses prélèvements obligatoires, la langueur de sa croissance de moyen terme comparée à celle des États-Unis ou de certains de ses voisins européens imposent à l'évidence la mise en œuvre de réformes structurelles – que comment faire.

Si la société française n'est pas bloquée – l'adoption, même chaotique, de la réforme des retraites montre bien, comme les sondages, que la majorité de nos concitoyens est consciente de la nécessité des réformes –, sans doute a-t-elle, du fait de son histoire, de sa culture et de ses valeurs, plus de mal que d'autres à admettre les bouleversements et les efforts individuels que celles-ci imposent. Aussi la méthode est-elle essentielle dans la réussite de la réforme.

Première priorité : donner du sens,

des perspectives à l'action réformatrice. Les responsables du pays doivent assumer pleinement leur rôle politique en expliquant le pourquoi de la réforme et en lui assignant des objectifs positifs. On mobilise plus efficacement les fonctionnaires sur l'amélioration de la qualité du service à l'usager que sur la réduction du train de vie de l'État. S'abriter derrière des contraintes communautaires ou budgétaires suscite logiquement l'irritation des Français. Avancer masqué, réformer sans le dire sous-estime leur clairvoyance. « Le premier devoir, affirmait Pierre Mendès France, c'est la franchise. Informer le pays, le renseigner, ne pas ruser, ne pas dissimuler ni la vérité ni les difficultés ; ne pas éluder ou ajourner les problèmes, car dans ce cas ils s'aggravent. »

Autre impératif : faire œuvre de pédagogie.

Pour lever les blocages, les a priori, les doutes sur la nécessité même de la réforme, il faut en amont prendre le temps d'établir un diagnostic aussi peu contestable que possible, de comparer la situation de la France à celle des pays plus performants sur le même sujet, et de dialoguer sur cette base avec les différents acteurs. Le travail préparatoire effectué par le COR n'a pas été pour rien dans l'aboutissement de la réforme des retraites, si longtemps différée. Espérons que celui réalisé par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie contribuera au succès de la réforme de notre système de santé, tout aussi nécessaire que la première.

Souhaitable aussi, mais difficilement réalisable : s'efforcer d'obtenir un consensus politique minimal sur les axes de la réforme. Entre une droite plus colbertiste que libérale et une gauche qui se revendique comme « moderne », il devrait y avoir – comme chez certains de nos voisins européens – un terrain d'entente sur la nécessité de certaines réformes d'intérêt général et sur les grandes lignes de ces réformes, chacun gardant son libre arbitre quant à la façon de positionner le curseur entre efficacité économique et équité sociale. La gauche, qui ne pourra indéfiniment surfer sur les mécontentements, aurait objectivement intérêt à ne pas rééditer le combat d'arrière-garde qu'elle a mené sur les retraites (la réforme ressemblait furieusement à ce qu'elle préparait avant la présidentielle) et à saisir la perche que lui tend le gouvernement concernant l'assurance maladie. Encore faut-il qu'elle ne berce pas les Français d'illusions en leur laissant croire, comme François Hollande au soir des régionales, que ces réformes peuvent se conduire sans toucher aux avantages acquis.

Autre condition indispensable : garantir l'équité sociale.

Imprégnés d'égalité républicaine et un brin corporatistes, les Français sont très sensibles à ce que les efforts nécessités par l'action réformatrice soient équitablement répartis. À juste titre, ils s'insurgent que l'on fasse d'une main des économies sur le dos des jeunes chercheurs ou des chômeurs en fin de droits alors que, de l'autre, on distribue de façon clientéliste des cadeaux aux buralistes ou aux restaurateurs.

Dernière nécessité : renvoyer, dès que c'est possible, la réforme au plus près du terrain. Il est par exemple illusoire de croire à un grand soir de la réforme de l'État. Mais il y a place pour de multiples réformes managériales conduites au sein des établissements publics, à l'instar de celle actuellement menée au musée du Louvre par Henri Loyrette, ou des administrations, comme celle qui continue d'être mise en œuvre sans tambour ni trompette à Bercy. On lira sur ce point, avec profit, le salutaire vade-mecum (bientôt disponible sur le site www.entempsreel.org) rédigé par François Villeroy de Galhau, l'un des artisans de cette dernière réforme, au profit de tous les acteurs qui veulent sortir du sempiternel « y'a qu'à, faut qu'on ».

Auteur

  • Denis Boissard