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Enquête

PRIORITÉ AUX CONDITIONS DE TRAVAIL

Enquête | publié le : 01.05.2004 | Jean-Paul Coulange

Sacrée surprise : la qualité de la vie au travail compte autant que la feuille de paie pour les salariés. Bien davantage que le temps libre.

Pas touche à mes conditions de travail ! Tel est le message qu'adressent les salariés dans le sondage réalisé par CSA pour Liaisons sociales Magazine, l'Anact et France Info. Car, si plus de la moitié d'entre eux (54 %) – et près de deux tiers des ouvriers – citent, sans surprise, le niveau de rémunération parmi les éléments les plus importants de leur emploi, une proportion presque équivalente (52 %) y met les conditions de travail. Loin devant l'intérêt du métier, et très loin devant le temps libre, évoqué par moins d'une personne sur cinq. En plein débat sur les 35 heures, voilà un résultat qui mérite d'être souligné.

Ce sont les femmes qui se montrent le plus soucieuses des conditions dans lesquelles elles travaillent (avec 9 points d'écart par rapport aux hommes, à 57 % contre 48 %), alors qu'elles ne sont qu'une sur six à classer le temps libre en tête de leurs préoccupations. Plus on descend dans l'échelle sociale, plus les conditions de travail sont jugées prioritaires : les ouvriers et employés y sont ainsi beaucoup plus sensibles que les cadres (respectivement 56 %, 52 % et 46 %).

Santé et sécurité avant la charge de travail

Dans ce vaste registre de la « qualité de vie au travail », thème de la semaine organisée à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 7 mai par l'Anact, les salariés savent parfaitement faire le distinguo. Sont jugés « très importants » par un peu plus des trois quarts des personnes interrogées – et par plus de 80 % des ouvriers et des salariés de l'industrie – la santé et la sécurité au travail. Juste après vient la reconnaissance du travail, surtout mise en avant par les femmes (73 %) et les seniors (75 % des plus de 50 ans).

Les deux tiers des salariés citent ensuite comme « très importants » les relations avec leurs collègues, avec les clients ou encore le climat social dans l'entreprise, critère primordial pour les femmes (65 %), les plus de 35 ans (de 64 à 68 % selon l'âge) et les salariés de l'industrie (68 %). Les possibilités d'évolution (surtout chez les hommes), l'autonomie et les responsabilités dans le travail (principalement dans le privé), les relations avec le n + 1 (avant tout pour les femmes et les ouvriers) obtiennent les suffrages de la majorité des salariés.

En revanche, moins de la moitié d'entre eux estiment très importantes l'ampleur de la charge de travail, la possibilité de choisir ses jours de congé ou la prévisibilité de ses horaires. La flexibilité a fait du chemin dans les mentalités. Avec, toutefois, des écarts importants selon les catégories socioprofessionnelles, le sexe ou les secteurs d'activité. Un critère apparemment secondaire comme le cadre de travail apparaît, ainsi, très important à la majorité des ouvriers (54 %), mais seulement à un tiers des cadres. La question de la charge de travail est surtout plébiscitée par les femmes (46 %), les ouvriers et employés (46 % et 44 %), plus que par les hommes et les cadres (39 % et 31 %).

La charge de travail augmente trop

Entre ce que les salariés estiment très ou plutôt important et ce qu'ils jugent satisfaisant au quotidien, il y a parfois un fossé : l'écart s'élève à… 30 points pour la reconnaissance du travail accompli, 34 points s'agissant des possibilités d'évolution professionnelle, 23 points pour l'état du climat social, 15 points pour les relations avec la hiérarchie et 11 points pour le critère de la charge de travail. Autant dire que, sur bon nombre de points, la qualité de la vie au travail peut encore être grandement améliorée.

C'est clairement sur la reconnaissance des performances de leurs collaborateurs que les managers ont le plus de progrès à faire : la quasi-totalité (97 %) des personnes interrogées citent en effet la reconnaissance de leurs efforts comme un critère important, mais seulement les deux tiers estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur. Un management particulièrement déficient dans le secteur public : quatre salariés sur dix (41 %) s'y plaignent d'un manque de reconnaissance. Une forte proportion de mécontents que l'on retrouve également chez les plus diplômés et dans les grandes entreprises, celles qui occupent plus de 500 personnes.

S'agissant des possibilités d'évolution professionnelle, le secteur public est à nouveau à la traîne avec 42 % d'insatisfaits. Un niveau élevé d'insatisfaction que l'on observe aussi chez les plus jeunes, les plus qualifiés et les femmes. Quant à l'ambiance au travail, elle n'est jugée « très satisfaisante » que par moins d'une personne sur trois. Les plus frustrés : le personnel des grandes entreprises, les cadres, les diplômés, les hommes et, une fois de plus, les salariés du public. Près de trois sur dix estiment que le climat social dans lequel ils travaillent n'est pas bon.

Leurs conditions de travail s'améliorent-elles ou se dégradent-elles ? Au hit-parade des évolutions négatives : la charge de travail. Un quart des salariés indiquent que leurs tâches se sont alourdies au cours des dernières années, 6 % seulement qu'elles se sont allégées. Cette intensification du travail est ressentie plus fortement chez les cadres, les plus qualifiés, les salariés du public – ils sont trois sur dix à s'en plaindre contre un ouvrier sur cinq et 22 % des salariés du privé – et, à un degré moindre, chez les femmes et les salariés de plus de 35 ans.

Autre point noir, un quart des cadres (mais seulement un ouvrier sur cinq) estiment que les relations avec leur hiérarchie se sont détériorées, une sensation plus forte chez les hommes que chez les femmes, dans le public que dans le privé, dans le commerce et les transports que dans l'industrie et le BTP. Enfin, près de 30 % des cadres jugent que le climat social s'est tendu au sein de leur entreprise, alors qu'un ouvrier sur cinq seulement partage cette impression. Une dégradation là encore ressentie plus vivement par les hommes et dans le secteur public. Mais un sentiment plus répandu dans les entreprises industrielles et du BTP que dans d'autres branches d'activité, moins touchées il est vrai par les restructurations et leurs incidences négatives sur l'emploi.

Les pouvoirs publics n'ont pas la cote

Parmi les points positifs, quatre cadres sur dix déclarent bénéficier d'une plus grande autonomie dans leur travail avec davantage de responsabilités. Chez les ouvriers, le principal sujet d'amélioration concerne la sécurité du travail, citée par un tiers d'entre eux, et surtout constatée dans les entreprises de plus de 200 salariés. Les relations avec les collègues de travail évoluent aussi positivement, surtout aux yeux des plus jeunes et des salariés du public.

Pour améliorer leurs conditions de travail, les salariés ont avant tout confiance en eux-mêmes. Réalistes, près des trois quarts d'entre eux s'en remettraient ensuite au management de proximité davantage qu'à leur direction, sauf dans les petites entreprises où ils font jeu égal. L'Inspection du travail et la médecine du travail ont une meilleure cote que les cadres dirigeants, surtout aux yeux des ouvriers et des employés.

En queue de classement on trouve les responsables RH, qui n'inspirent pas confiance à près de la moitié des cadres (48 %) pour ce qui est d'améliorer leur vie au travail. Les syndicats et représentants du personnel s'en sortent un peu mieux chez les cadres (45 % de méfiants) et dans le secteur public, mais moins bien que leurs interlocuteurs RH auprès de l'ensemble des salariés. Le jugement est sévère sur les pouvoirs publics : une majorité de salariés, et particulièrement les cadres, ne pensent pas que l'amélioration de leurs conditions de travail puisse venir d'une loi ou d'un règlement. Bref, c'est de l'entreprise que les salariés attendent une meilleure qualité de vie au travail. À elle de jouer.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange