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Enquête

LE PARI DU BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL

Enquête | publié le : 01.05.2004 | Isabelle Moreau, Frédéric Rey

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LE PARI DU BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL

Crédit photo Isabelle Moreau, Frédéric Rey

Avoir un emploi c'est bien, bénéficier d'une vraie qualité de vie au travail c'est mieux. Avec le retournement démographique à venir, les salariés auront le choix entre les entreprises qui leur offrent de bonnes conditions de travail… et les autres.

C'est un signe qui ne trompe pas. Chez Omega Systèmes, une société de 110 personnes spécialisée dans la découpe de cuir et de carbone, pas une seule démission ni le moindre licenciement depuis quatre ans. En 1999, pourtant, les jours de cette PME nantaise semblaient comptés. L'entreprise, à l'époque sous-traitante de l'industrie textile, dépose son bilan. Jean-Louis Bretin, le P-DG, change de cap et se lance dans la découpe par jet d'eau. Le personnel est formé à cette prestation de haute technicité. La hiérarchie intermédiaire se voit confier un rôle d'animation. L'organisation mise en place pour réguler les variations d'activité met l'accent sur la polyvalence et permet de mieux planifier les horaires. « Lorsque nous travaillions pour le textile, explique Jean-Louis Bretin, les salariés étaient soumis à de fortes variations de travail. Nous étions parfois obligés de les renvoyer chez eux parce que le boulot manquait ou, au contraire, de devoir les rappeler en urgence. Aujourd'hui, le personnel est moins exposé à des contraintes temporelles grâce à un plan de charge mieux régulé. » Résultat : un an plus tard, la productivité a augmenté de 30 %. Et les salariés ne se plaignent plus de leur charge de travail.

C'est pour promouvoir ce type de bonnes pratiques que Liaisons sociales Magazine s'est associé à la Ire Semaine de la qualité de vie au travail, organisée du 3 au 7 mai par l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (Anact), au cours de laquelle des trophées distingueront les entreprises les plus innovantes en la matière. Une préoccupation qui n'a pas toujours guidé ni les politiques publiques ni les politiques managériales. Lors de ces vingt dernières années, marquées par le chômage de masse, les efforts se sont focalisés sur la quantité des emplois créés plus que sur leur qualité. « Nous nous préoccupons moins de conditions de travail lorsqu'on a 10 candidats pour une embauche », reconnaît un DRH sous couvert d'anonymat.

Engagées dans une quête effrénée de productivité, les entreprises ont rationalisé parfois à l'extrême les processus de production, quitte à faire perdre aux salariés le sens de leur travail. Après l'industrie, le tertiaire découvre à son tour le charme des organisations tayloriennes, notamment avec les centres d'appels qui émergent dans de nombreux bassins d'emploi. « Il est indispensable que le salarié comprenne son rôle, sa place dans l'organisation, qu'il ressente l'utilité de son travail, explique Jean Planet, associé gérant de JP Conseil. Malheureusement, beaucoup de chefs d'entreprise perdent de vue cet impératif au profit d'une logique purement financière. »

Le taux d'absentéisme est très révélateur

Sous l'effet de la contrainte, les entreprises pourraient cependant être amenées à modifier leurs pratiques. Avec le retournement démographique lié à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations prolifiques du baby-boom, le rapport de force entre employeur et candidat à l'embauche va en effet insensiblement s'inverser d'ici deux à trois ans. Moins nombreux qu'aujourd'hui et donc plus sollicités, les salariés auront le choix entre les entreprises qui leur proposeront un emploi de qualité, de bonnes conditions de travail, des horaires conciliables avec leur vie privée, des possibilités d'évolution professionnelle, un travail autonome et responsabilisant, un climat social agréable et… les autres. À l'instar de l'hôtellerie-restauration ou du bâtiment, boudés par les salariés en raison de leurs mauvaises conditions de travail, d'autres secteurs pourraient à leur tour connaître des difficultés de recrutement. Mais il y a plus. « Une entreprise ne peut se développer durablement sans se soucier du bien-être de son personnel », martèle Henri Rouilleault, directeur de l'Anact. Une étude réalisée en 2001 par le cabinet Altedia établit une corrélation entre performance économique et pratiques de ressources humaines. Cette enquête, effectuée auprès de 127 grandes sociétés françaises et internationales, révèle que « les entreprises les plus performantes savent mobiliser le personnel au niveau individuel et au niveau collectif à travers la recherche de consensus et de rassemblement ». « Nos études d'opinion confirment ce lien entre les résultats financiers et un bon climat social », abonde François Potier, DRH du groupe Pinault-Printemps-Redoute. « Un lien de cause à effet certes difficile à quantifier, mais que l'on peut évaluer par le taux d'absentéisme dans une entreprise », renchérit Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants (CJD).

Le rôle clé de la hiérarchie intermédiaire

Toujours est-il que la qualité des conditions de travail vient en tête des priorités pour la majorité des salariés interrogés (52 % exactement) dans le sondage réalisé par CSA pour Liaisons sociales, l'Anact et France Info (voir notre analyse page 26). Ceci juste derrière le niveau de rémunération et loin devant l'intérêt de leur métier ou le temps libre dont ils disposent. Une qualité de vie au travail au premier rang de laquelle les salariés placent certes la santé et la sécurité, mais également le climat social de l'entreprise, la reconnaissance de leur travail, l'autonomie et les responsabilités dont ils disposent.

Autant de préoccupations pour la satisfaction desquelles la hiérarchie intermédiaire joue un rôle clé, au dire des DRH. « Il faut rompre avec les critères traditionnels de sélection des encadrants, souligne Jean-Claude Chéreau, directeur des ressources humaines du distributeur Go Sport ; la compétence technique continue d'être survalorisée par rapport à la capacité à être en empathie avec l'autre. » Or c'est sur ce domaine que repose essentiellement le climat d'une équipe ou d'un service… « Les aspects relationnels sont toujours signalés comme un point fort des enquêtes de climat interne », enchaîne Maurice Thévenet, professeur de gestion. « Attention à ne pas opposer le bien-être dans l'entreprise à la rationalité économique, avertit Christian Brière de La Hosseraye, DRH d'une société d'électronique et président de l'ANDCP. Une certaine dose de stress est nécessaire pour le fonctionnement. Mais il appartient aux DRH de rechercher les moyens de limiter les aspects négatifs tels que l'accentuation de la pression. »

Conscientes de l'importance de cet enjeu pour attirer, fidéliser et motiver les salariés, nombre d'entreprises ont mis en place des solutions ou des organisations innovantes pour prévenir l'usure physique ou psychique de leurs collaborateurs, diversifier et enrichir leur travail, améliorer le climat social ou faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. « Tout le monde en sort gagnant, affirme Jean-François Carrara, du cabinet Algoé, à condition que l'initiative soit portée par le dirigeant, qu'elle s'inscrive dans la durée et qu'elle soit en cohérence avec la politique de ressources humaines. » Tour d'horizon de ces entreprises où travail peut aussi rimer avec plaisir.

Auteur

  • Isabelle Moreau, Frédéric Rey