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Un droit à l'information personnalisée

Dossier | publié le : 01.05.2004 | F. C.

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Un droit à l'information personnalisée

Crédit photo F. C.

Organiser l'accès à l'information de chaque futur retraité sur ses droits n'est pas une mince affaire. Outre la complexité technique de l'opération, le risque est que les estimations soient considérées comme des promesses.

Des salariés qui souhaitent connaître leurs droits. Des entreprises qui veulent prévoir leurs engagements. Des caisses de retraite qui sacrifient volontiers au devoir de transparence. Toutes les parties concernées ont intérêt au développement du droit à l'information sur les retraites, instauré par la loi du 21 août 2003. Reste que tout le monde ne met pas la même chose derrière ce concept. Le Conseil d'orientation des retraites, organisme créé par le gouvernement Jospin dans la perspective d'une réforme, s'est emparé de cette question dès sa mise en place en 2000. Son grand mérite est d'avoir soigneusement distingué ce qui relève d'un devoir général d'information sur la retraite – une obligation citoyenne portant sur le fonctionnement des régimes et sur les mesures d'adaptation à prendre –, qui est du ressort de la puissance publique, d'une information personnalisée sur les droits de chaque assuré. À l'évidence, l'une ne va pas sans l'autre. Mais si la première est déjà en œuvre, notamment grâce aux travaux du COR, il reste à donner un contenu au droit individuel à l'information, ce qui est beaucoup plus délicat.

Que souhaitent les Français en matière d'information sur leur retraite ? C'est précisément pour y voir plus clair qu'en 2003 le Conseil d'orientation des retraites, soucieux de vérifier les hypothèses figurant dans son premier rapport de décembre 2002, avait demandé à l'institut Ipsos d'interroger les assurés sur leurs attentes. Premier constat : ces derniers veulent une information « systématique » et « périodique ». Mais les personnes interrogées ne sont intéressées par des informations sur leurs droits présents et futurs que dans la mesure où elles en font elles-mêmes la demande. Et elles ne le feront qu'à partir d'un certain âge, généralement entre 40 et 45 ans. L'enquête Ipsos révèle aussi que les personnes interrogées souhaitaient n'avoir qu'un interlocuteur unique. Et attendent une information « synthétique » portant sur les droits acquis mais surtout sur les droits futurs.

Difficile pour le néophyte de s'y retrouver

Des indications de tendance qui permettent de faire le tri entre les arguments avancés jusqu'ici pour justifier le développement d'un véritable droit à l'information. Parmi les bonnes raisons figure tout d'abord le souci naturel et légitime des cotisants d'être informés sur le devenir de leurs cotisations. « Devoir de cotiser, droit de savoir », résume un assureur. À l'inverse, il n'est pas mauvais qu'un assuré prenne conscience, à travers l'exercice de ce droit, que la retraite a un coût croissant et qu'il faudra de plus en plus en payer le juste prix. L'information, de ce point de vue, peut devenir un élément fort de responsabilisation des assurés. Deuxième bonne raison, il est devenu très difficile pour le néophyte de s'y retrouver entre des simulations publiées à tort et à travers. Souvent commanditées par des organismes d'assurance nullement désintéressés, ces projections sont parfois très loin de correspondre à la réalité. Calculer le montant de la pension d'un artisan dans trente ou quarante ans est d'autant plus aléatoire qu'il ne le sera probablement plus dans vingt ans. Les statistiques de la Cancava montrent, en effet, qu'un artisan ne cotise en moyenne que quatorze années à ce régime. Pendant les années restantes, il sera vraisemblablement inscrit au régime général des salariés, voire dans la fonction publique.

Troisième argument qui plaide en faveur d'une meilleure connaissance des droits futurs des salariés, « il est nécessaire d'identifier le rythme des départs modifié par des fins de carrière plus tardives, mais aussi plus aléatoires, et de déterminer les actions à mener pour gérer ces départs en maîtrisant leur impact financier », expliquait Michel de Virville, secrétaire général et DRH de Renault, lors du dernier congrès HR 2004. Au-delà, il s'agit « de renouveler des effectifs dans un marché du travail en transition et de gérer des carrières plus longues sans perdre en productivité ». Quatrième raison de se livrer à cet exercice de transparence : si l'on admet que, pour des motifs démographiques, économiques et sociaux, les régimes en répartition vont perdre du terrain et qu'il faudra compenser les pertes subies par de la capitalisation, il est préférable de connaître ses droits le plus exactement possible pour opérer des choix d'épargne pertinents.

Plus l'horizon s'éloigne, moins il est lisible

On touche ici aux limites de l'exercice. Plus l'espérance de vie s'allonge, plus les projections sur les droits futurs sont entourées d'incertitude. La tendance est la même dans tous les pays du monde, les régimes « à prestations définies », dont le montant est fixé en pourcentage du dernier salaire, laissent progressivement la place à des régimes « à cotisations définies ». Dans ce cas de figure, on connaît le niveau de la cotisation, mais pas celui de la prestation, le montant de la retraite étant fonction de la rentabilité des placements opérés. Enfin, une évaluation globale de la retraite sera d'autant plus difficile à réaliser dans le futur qu'il y a de bonnes chances pour que le revenu d'un retraité se compose d'éléments multiples : régimes de base, régimes complémentaires, régimes supplémentaires d'entreprises, produits collectifs et individuels d'épargne retraite. Une situation bien connue des Américains qui, pour avoir une idée de leurs revenus de retraités, doivent additionner leur pension de sécurité sociale, leur épargne retraite s'ils ont bénéficié d'un fonds de pension d'entreprise, les revenus tirés de l'épargne individuelle et, bien souvent, un salaire d'appoint. Outre-Atlantique aussi, des réflexions sont en cours pour assurer une meilleure information des assurés.

En France, deux experts, Jean-Marie Palach, inspecteur général des Affaires sociales, pour le secteur privé, et Christian Peyroux, inspecteur général de l'administration, de l'Éducation nationale et de la recherche, pour le public, ont été chargés par le COR de formuler des propositions tenant compte de la demande des Français et de la volonté du législateur. Leur rapport, remis à l'automne 2003, conclut à la nécessité de délivrer une information « globale » provenant du régime de base et des régimes complémentaires, « dispensée par un interlocuteur unique » qui devra rester un régime de retraite, et « à caractère rétrospectif et prospectif ». Sur ce dernier point, les rapporteurs conviennent que donner très tôt et à tout le monde une information exhaustive et systématique n'est pas sans inconvénient. Le risque existe notamment d'un énorme gâchis si l'on s'adresse à des populations qui ne se sentent pas encore concernées.

Des reconstitutions de carrières complexes

Résultat, le rapport Palach-Peyroux prône une distinction en fonction de l'âge : aux moins de 55 ans on ne fournira qu'une présentation synthétique, des éléments constitutifs de droits et une estimation « indicative », n'engageant pas le régime, calculée sur la base d'hypothèses de salaires, d'emploi, mais aussi de trajectoire professionnelle ou personnelle. Au-delà de 55 ans, l'information deviendra globale et exhaustive afin de permettre la préparation effective à la retraite. L'objectif étant de donner un maximum de visibilité à l'assuré afin qu'il puisse décider de se maintenir dans l'emploi ou de cesser son activité en faisant des choix d'épargne en conséquence.

Fin novembre 2003, François Fillon a précisé les modalités de mise en œuvre du droit à l'information, confiant à Xavier Bertrand, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, et à Jean-Marie Palach le soin de conduire une « mission de préfiguration » d'un groupement d'intérêt public. Troisième étape, à la mi-mars, les partenaires sociaux ont reçu les projets de décret d'application sur le droit à l'information et de convention constitutive du GIP. La démarche peut sembler bien lente. Il faut cependant comprendre que tous les Français sont concernés par cette réforme – l'article 10 introduisant le droit à l'information est le seul de la loi Fillon qui porte sur tous les régimes légaux, sans exception –, ce qui pose le problème du coût de l'opération. De plus, des précautions doivent être prises pour mettre les régimes à l'abri de réclamations intempestives. Enfin, les difficultés techniques à surmonter ne sont pas minces.

Sur le premier point, la mise en œuvre de ce nouveau droit suppose de lourdes opérations de reconstitution de carrières, d'identification et d'enrichissement de fichiers et d'envoi de courrier, ce qui nécessite des moyens humains et logistiques importants. Le COR avait procédé à une première estimation portant sur une vingtaine de millions d'euros par an. Le directeur général de l'Arrco, Jean-Jacques Marette, évalue, quant à lui, la facture à 8 % des frais de gestion. Une ardoise qui serait, selon lui, à la charge des assurés.

Quant à l'aspect juridique de l'opération, le droit à l'information des assurés existe depuis 1982 dans le Code de la Sécurité sociale. Toutefois, le juge faisant une interprétation très laxiste de ce droit, il était admis que cette information devait avoir un caractère collectif et statistique. Progressivement, sous le coup de jurisprudences convergentes, l'obligation de moyens s'est transformée en obligation de résultat pour les caisses de retraite qui, depuis 1998, sont tenues de délivrer une information « fiable » et, depuis 2000, « personnalisée ». Mais jusqu'où faut-il aller ? Jusqu'à présent les régimes complémentaires se bornaient à envoyer chaque année à leurs affiliés un décompte de leurs points, mais sans les convertir en espèces sonnantes et trébuchantes. Non pas qu'ils ne sachent pas multiplier le nombre de points par la valeur du point. Mais ils voulaient éviter que l'affichage d'une somme puisse être interprété comme une promesse de pension ayant valeur d'engagement. Au risque de provoquer des mécontentements futurs chez les assurés. Voire de susciter des contentieux

Un GIP opérationnel en juillet

Selon le projet de convention constitutive en cours d'examen, le groupement d'intérêt public « Information des assurés sur leurs droits à retraite » aura pour membres des représentants de tous les régimes légaux obligatoires de retraite. Sa vocation sera de coordonner et de favoriser les partenariats entre les organismes et services chargés de la gestion des régimes en vue de permettre la collecte de toutes les données nécessaires à l'information des assurés. C'est lui qui choisira les solutions techniques et fonctionnelles permettant d'atteindre cet objectif et qui définira le contenu de l'information individualisée à mettre à la disposition des personnes.

Le GIP fonctionnera avec des contributions de chacun des membres, proportionnelles au nombre d'assurés, et une petite équipe de neuf personnes dirigée par un directeur nommé par le conseil d'administration. Ce dernier se composera de cinq membres titulaires (Cnav, Arrco, Service des pensions, Caisse des dépôts et consignations et Organic/Cancava), cinq suppléants (salariés et exploitants de la MSA, Agirc, SNCF, CNRACL) et de vingt-six représentants de régimes autonomes. Élus pour trois ans, ils rendent compte à l'assemblée générale composée de l'ensemble des membres du groupement.

Le calendrier établi par la mission de préfiguration prévoit que l'assemblée générale du GIP se tiendra le 1er juillet 2004. Quant au compte de résultat prévisionnel, il montre qu'en vitesse de croisière, en 2006, les dépenses atteindront 1 566 500 euros, dont 800 000 euros en achats d'études et prestations de services, 518 000 euros de charges de personnel, le reste du budget se répartissant à parts égales en services extérieurs, impôts et taxes.

Auteur

  • F. C.