Depuis la réforme de leur système, les Suédois reçoivent chaque année une enveloppe orange. Envoyée par la sécurité sociale, elle fait le point sur le montant futur de la pension en fonction de la croissance économique et de l'âge de départ à la retraite. Un outil à portée pédagogique.
En quelques années seulement, det orange kuvertet, littéralement l'enveloppe orange, est devenue un objet courant en Suède. Depuis que la réforme des retraites est entrée en vigueur en 1998, des millions de Suédois reçoivent chaque année cette fameuse enveloppe de couleur orangée au format A4 envoyée par la sécurité sociale. Une note d'information dont la lecture n'est pas toujours réconfortante. « Quand j'ouvre mon enveloppe, j'y trouve toujours des mauvaises nouvelles », se plaint Sten, consultant dans un cabinet de conseil. Avec la loi de 1994 qui a substitué un régime mêlant répartition et capitalisation à un système par répartition, à prestations définies, les Suédois sont entrés dans une ère d'incertitude. Ils savent désormais ce qu'ils cotisent, mais pas ce qu'ils toucheront au moment de leur retraite. « Avec le nouveau système, les retraites seront plus basses », concède Mattias Johansson, de PPM, l'agence chargée de gérer les retraites par capitalisation.
L'enveloppe orange contient des simulations sur le montant de la retraite future en fonction de l'âge auquel on s'arrêtera de travailler et de la croissance prévisible de l'économie suédoise, et ensuite des indications sur l'évolution des cotisations de retraite, placées dans les fonds de pension. Depuis 1998, les cotisations de retraite obligatoires s'élèvent à 18,5 % du salaire brut. 16 % sont utilisés pour financer le système de retraite par répartition et donnent droit à un capital virtuel indexé sur l'espérance de vie et la croissance économique. Au moment de la retraite, ce capital sera divisé par le nombre d'années restant à vivre, ajusté en fonction de la croissance économique et versé sous forme de rente. Les 2,5 % restants, soit en moyenne 4 000 couronnes (434 euros) par Suédois et par an, sont placés dans un ou plusieurs des 664 fonds proposés par PPM, répartis en quatre grandes catégories : fonds en actions (les plus populaires), fonds en obligations, fonds mixtes et fonds générationnels.
Pour mieux faire comprendre le nouveau mécanisme, la sécurité sociale suédoise a inventé un personnage, Per Persson, âgé de 39 ans. En décachetant son enveloppe, ce Suédois type apprend tout d'abord que sa retraite dépend de la durée de sa vie professionnelle, de ses revenus et de la santé de l'économie suédoise. Plusieurs cas de figure lui sont proposés. En partant en retraite à 61 ans – l'âge minimal de la retraite en Suède où n'existe pas de limite à la durée d'activité –, et compte tenu d'un taux de croissance nul, « tu toucheras 8 900 couronnes (967 euros) par mois. À 2 % de croissance, tu auras 12 700 couronnes (1 379 euros) », lui indique la sécurité sociale. Et ainsi de suite. Si Per cesse de travailler à 65 ans, sa pension s'élèvera à 11 100 couronnes (1 205 euros) en cas de croissance nulle ; à 17 700 couronnes (1 922 euros) si elle atteint 2 %. À 70 ans, 16 000 couronnes (1 738 euros) avec 0 % de croissance et 28 200 couronnes (3 063 euros) avec 2 %. Même si ce calcul ne tient pas compte des compléments de retraite négociés par branche, le message adressé aux salariés est clair : plus on travaille longtemps, plus on améliore sa retraite. Sous réserve, bien sûr, que l'économie soit en bonne santé. Car Per Persson, c'est écrit noir sur blanc, touchera une retraite plus élevée en s'arrêtant à 61 ans si la croissance a été bonne qu'à 65 ans pour peu que l'économie tourne au ralenti.
Même souci d'information pour le régime par capitalisation. L'enveloppe précise la part de chacun des 664 fonds (le cotisant peut en choisir cinq au maximum et en changer quand il le désire) dans le portefeuille, sa valeur en couronnes et son évolution. Une dernière donnée qui n'a pas ravi les Suédois pendant ces années de turbulence boursière. Depuis l'apparition des premiers fonds de pension publics en 2000, le portefeuille a perdu 21 % de sa valeur ! Au plus fort de la crise boursière, en mars 2003, les sommes placées sur ces fonds avaient fondu de 36 %. Au final, les plus chanceux sont ceux qui n'ont pas indiqué de choix entre tous les fonds proposés. Dans ce cas de figure, les 2,5 % de cotisation retraite investis en capitalisation atterrissent dans un fonds d'état spécial créé pour l'occasion. L'un de ceux qui se sont le mieux sortis de la déroute boursière !
Haut fonctionnaire du ministère des Affaires sociales, Stefan Oscarsson dresse un bilan positif de la réforme dont il a été l'un des artisans. « Au début, les gens ont pris peur. Mais ils commencent à comprendre qu'ils ne pourront sans doute pas s'arrêter aussi tôt qu'ils l'avaient prévu ou qu'il leur faut cotiser à un système d'épargne retraite privé. »