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Le bloc-notes

Une France inquiète

Le bloc-notes | publié le : 01.04.2004 | Raymond Soubie

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Une France inquiète

Crédit photo Raymond Soubie

Un chantier inachevé

La loi Fillon sur le dialogue social a laissé de côté deux sujets majeurs, sans doute parce que son initiateur a estimé que la barque était déjà bien chargée. Le texte n'a réellement traité ni la dialectique entre la loi et l'accord interprofessionnel ni les conditions minimales de représentativité qu'un syndicat devrait respecter pour demeurer représentatif dans l'entreprise. Sur ces deux sujets, il est vrai, le rapport de Virville a formulé des propositions, mais dont on ne sait aujourd'hui si elles seront suivies d'effet.

Sur le premier d'entre eux, l'intention du législateur, explicitée dans l'exposé des motifs de la loi, est claire : exécutif et législatif ne doivent aborder et traiter de sujets sociaux que si syndicats et patronat ne veulent ou ne peuvent pas aboutir par la négociation. Mieux vaudrait toujours une solution négociée, par accord, qu'une loi résultant d'une volonté politique assortie d'une simple concertation. Remarquons que ce principe sympathique mérite d'autant plus d'être discuté que le gouvernement lui-même n'en a pas fait toujours sa règle. Par ailleurs, il y a des cas, nombreux dans l'état actuel de la France, dans lesquels les partenaires sociaux ne sont pas en mesure de se substituer à un gouvernement qui voudrait leur refiler le mistigri. Enfin, la légitimité du Parlement, expression de la souveraineté nationale, est-elle compatible avec l'engagement qu'il prendrait par avance de transcrire dans une loi un accord conclu entre partenaires sociaux, sans chercher à le modifier sur quelques points ? Le rapport de Virville propose des solutions un peu compliquées parce que trop systématiques. La meilleure solution et la plus pragmatique serait que, à l'occasion de réunions tripartites entre l'État, les syndicats et le patronat, ceux-ci se mettent d'accord sur quelques sujets susceptibles de rester dans le champ de la négociation et pour lesquels le gouvernement s'engagerait à ne prendre aucune initiative pendant quelque temps.

Le second point, la représentativité minimale que devrait prouver une organisation syndicale pour voir confirmée sa représentativité dans une entreprise, est sans doute plus facile à mettre en œuvre. Il suffirait de fixer un seuil d'au moins 5 % des voix aux dernières élections dans l'entreprise.

Il reste que, compte tenu de l'accueil tiède ou hostile fait à la loi sur le dialogue social, y compris par ceux qui en bénéficient le plus et préfèrent de loin la solution retenue au statu quo ante, on comprend que le gouvernement soit circonspect avant d'aborder une nouvelle étape.

Agitations corporatistes

Les mouvements qui se sont multipliés avant les élections régionales ont un point commun. Ils sont le fait de corporations qui souffrent d'un double mal : le refus de réformes ou de décisions pourtant nécessaires, et la demande classique du « toujours plus ». Sur le premier point, on voit bien que chaque corps intermédiaire est plus que jamais hostile au changement, tout en le revendiquant. C'est le cas des intermittents du spectacle, des chercheurs, de beaucoup d'agents publics, pour ne citer qu'eux. Sur le second point, remarquons que la tactique habituellement suivie est justement de mettre les revendications sur le terrain quantitatif, pour mieux éviter de faire évoluer ce qui est le plus important : l'organisation et la fonctionnalisation de la recherche, le recours anormal et excessif aux intermittents. Or, justement, le gouvernement, faute de croissance économique soutenue, manque cruellement de marge de manœuvre. Il tente de gérer les revendications l'une après l'autre en espérant qu'une croissance soutenue lui redonnera sous peu de l'air. Et si ce n'était pas le cas ? Après tout, il reste trois ans à la majorité actuelle et le risque de conduire des réformes et de sortir par le haut mérite d'être assumé. Il est sans doute moindre que celui d'un pilotage au coup par coup.

Décor et action

Il est beaucoup question, dans la réforme de l'assurance maladie, de la nouvelle « gouvernance » du système. Ce sujet passionne les acteurs mais peu les Français. Car les seuls vrais sujets en l'état actuel et abyssal des déficits sociaux sont au nombre de trois : où faire des économies de dépense ? Où trouver les recettes ? Comment mieux réguler le système, fût-ce avec quelques mesures de contrainte ? S'ils ne sont pas traités au fond, il n'y aura pas de vraie réforme.

Auteur

  • Raymond Soubie