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Le bloc-notes

Stasi, Virville, Marimbert et l'abbé Pierre

Le bloc-notes | publié le : 01.03.2004 | Bernard Brunhes

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Stasi, Virville, Marimbert et l'abbé Pierre

Crédit photo Bernard Brunhes

Des rapports maltraités

Bernard Stasi et Michel de Virville ont un destin commun : ils ont, chacun sur son sujet, réuni les sages les plus sages ; ils ont auditionné les meilleurs spécialistes ; ils ont rédigé des rapports équilibrés, passionnants, assortis de suggestions intelligentes et courageuses… Et, à l'arrivée de ce marathon réussi, la scène politicomédiatique n'a retenu qu'une proposition, et en la déformant : le voile pour l'un, le contrat de mission pour l'autre. Le reste n'existe pas.

Le contrat de mission a eu son heure de gloire, et Michel de Virville avec lui. Syndicats et partis de gauche ont crié au scandale : la précarité installée dans le Code du travail ! La plupart de ceux qui ont ainsi protesté semblent avoir omis de lire le rapport. Il propose seulement de permettre à des entreprises recrutant des experts pour un projet précis et limité dans le temps de conclure des contrats à durée déterminée de cinq ans au maximum. En outre, le rapport multiplie les précautions – par exemple la nécessité d'un accord de branche.

Messieurs les censeurs, sachez que la précarité, drame croissant de notre société, ne se niche pas là. L'abbé Pierre a réitéré le 1er février son appel d'il y a cinquante ans. Il y a des millions de personnes en situation de précarité réelle – pauvreté, misère des banlieues, immigrés rejetés, chômage endémique, petits boulots mal payés et à temps partiel, crise du logement social. Ces thèmes intéressent-ils moins les syndicats que le contrat de mission pour expert, technicien ou cadre ?

Un droit du travail vraiment protecteur

Le rapport de Virville connaîtra peut-être un meilleur sort au cabinet du ministre des Affaires sociales, qui prépare la « grande loi de mobilisation pour l'emploi ». Derrière ce titre ronflant se construira probablement un patchwork de mesures qui ne feront qu'effleurer, écorner le chômage.

Depuis vingt ans, malgré les alternances politiques et malgré les réformes nombreuses et successives, la France continue à naviguer autour de 10 % de chômeurs, les embellies étant de courte durée. Encore ce chiffre masque-t-il la réalité du sous-emploi, puisqu'il oublie les préretraités, les étudiants « attardés », les demandeurs d'emploi découragés, les exclus précarisés, les handicapés délaissés… Le mal est trop profond, touche à des ressorts de base de notre société.

Mais si grande loi il y a, autant qu'elle soit utile et bien faite. Il n'y a qu'à piocher dans les 50 propositions du rapport de Virville. Leur objet général est de rendre le Code du travail plus efficace, c'est-à-dire plus protecteur pour les travailleurs et mieux adapté aux nouvelles donnes de l'économie. On voit par exemple revenir l'ancienne et excellente proposition du CJD sur le conseil d'entreprise, à côté d'une série de suggestions pour rendre les instances représentatives du personnel réellement efficaces.

Le rapport envisage une méthode de travail pour que les multiples incohérences, redondances ou lacunes de la législation, de la réglementation, de la jurisprudence et des conventions collectives soient éliminées. Il suggère aussi de mettre le Code à la portée de tous par un effort d'explication et de communication. Il demande que le contrat à durée indéterminée, base de la législation du travail, fasse l'objet d'un document écrit comportant des rubriques obligatoires.

L'application des propositions de Michel de Virville ne créera probablement pas un seul emploi. Mais elle mettra de l'ordre, de la transparence, de la démocratie et de la protection dans la forêt touffue du droit de travail.

Un Marimbert trop timide

Le rapport commandé à Jean Marimbert portait sur le rapprochement des services de l'emploi. Ses 230 pages sont un modèle de clarté et d'analyse, un véritable cours d'histoire, une description sans concession de la complexité du kaléidoscope des services de l'emploi.

Jean Marimbert montre que la pluralité des financeurs et des opérateurs est source d'une grande inefficacité et ne peut plus durer… puis propose de la faire durer. C'est « une singularité française difficile à résorber ». Il nous parle de coordination, de partenariat, de concertation, d'échanges, de « faire évoluer en commun la stratégie d'organisation », de « consolider dans un cadre contractuel la dimension stratégique de la coopération opérationnelle » entre établissements.

Fermez les rideaux. La réforme nécessaire sera pour une autre fois.

Auteur

  • Bernard Brunhes