Depuis 1996, les cadres à haut potentiel du groupe Total – 35 à 45 ans, avec à leur actif deux ou trois expatriations – se voient proposer un bilan de carrière. Menées durant deux à trois mois par des consultants indépendants (Leroy Consultants, DLS Conseil, Oryade et Altis) choisis par les salariés eux-mêmes, ces rencontres visent à amener le collaborateur, au travers de tests et d'entretiens individuels, à dresser un bilan de son passé, à la fois sur le plan privé et professionnel, définir ses projets futurs et déterminer les postes intermédiaires qu'il devra occuper pour les atteindre. En un mot, établir avec lui son carnet de route personnel. D'ailleurs, en fin de programme, le consultant rédige un document de synthèse, revu et corrigé par le cadre, qui reste associé à toutes les étapes du processus. Ce dernier n'est pas obligé de communiquer le rapport à sa hiérarchie.

En revanche, il doit présenter les principales conclusions (description de son profil, motivations, orientations envisagées) devant un parterre de cadres supérieurs : son supérieur, le DRH, un gestionnaire de carrière et son chef « métier ». « Il ne s'agit ni d'un tribunal ni d'un jury, précise Jean-Yves Chevrollier, responsable du département développement de carrière chez Total Exploration Production (TEP), la branche qui organise la plupart des “rendez-vous de carrière”. C'est surtout l'occasion d'établir une meilleure connaissance entre le haut potentiel et l'entreprise pour gagner ensemble en efficacité. »

« Au moment où j'ai passé les entretiens, je me cherchais professionnellement. Cette expérience m'a donné un coup de fouet », témoigne Azza Megarbane. À l'époque économiste chez TEP, cette polytechnicienne de 40 ans est aujourd'hui coordinatrice technique pour l'Angola, un poste plus en adéquation avec sa personnalité. « Au travers du rendez-vous de carrière, j'ai compris que je souhaitais travailler en équipe. » Dans certains cas, l'opération peut déboucher sur un départ. « Un cadre a ainsi pris conscience que son profil était plus adapté au monde des PME. En concertation avec la DRH il a bénéficié d'un outplacement », indique Pierre Maréchal, l'un des gestionnaires de carrière de Total. Un cas plutôt isolé, les rendez-vous de carrière ayant, avant tout, été conçus comme des outils de fidélisation.

Du côté de l'entreprise comme de celui de la cinquantaine de cadres qui ont joué le jeu, le bilan semble positif. La preuve : en dépit de son coût élevé (40 000 francs par collaborateur), l'opération devrait prochainement s'étendre aux hauts potentiels de la branche exploration production de PetroFina, le pétrolier belge récemment absorbé par Total. Des rendez-vous qui pourraient sans doute aussi tenter les cadres d'Elf.