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Politique sociale

Le placement des chômeurs aiguise de nombreux appétits

Politique sociale | ZOOM | publié le : 01.02.2004 | Valérie Devillechabrolle

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Le placement des chômeurs aiguise de nombreux appétits

Crédit photo Valérie Devillechabrolle

Première étape de la future loi de mobilisation pour l'emploi : la suppression du monopole – très théorique – de l'ANPE. Une ouverture dont les prestataires privés comptent bien profiter. Sociétés d'intérim, placeurs ou cabinets de recrutement prennent leurs marques. Pas sûr que les chômeurs s'y retrouvent.

Lors des vœux présidentiels aux Français, l'injonction a été parfaitement claire : la réforme du marché de l'emploi sera le grand chantier du gouvernement Raffarin en 2004. L'un de ses principaux objectifs ? Améliorer la mise en relation des demandeurs d'emploi avec les entreprises, dans un contexte où le retournement démographique combiné à la reprise économique va inévitablement accentuer les difficultés de recrutement. La première pierre de ce vaste chantier est la suppression du monopole de placement des demandeurs d'emploi dont bénéficiait l'Agence nationale pour l'emploi depuis sa création en 1967. Même si la part de marché de l'ANPE en matière de recrutement n'a jamais dépassé les 40 %, « cette ouverture devrait encourager les initiatives », fait remarquer le conseiller d'État Jean Marimbert, chargé par François Fillon de dessiner les contours de la réforme.

Si de nombreux prestataires privés sont déjà solidement installés dans leur niche respective, à l'instar des cabinets de recrutement sur le marché de l'emploi des cadres ou encore des spécialistes de l'outplacement pour les licenciés économiques, le créneau de la mise en relation est loin d'être encombré. Comme l'explique Emmanuelle Marchal, chercheuse du Centre d'études de l'emploi, « entre l'ANPE qui s'interdit de sélectionner les candidats et les cabinets qui les éliminent en les sursélectionnant, le marché du travail manque encore paradoxalement de médiateurs capables de certifier les compétences des demandeurs d'emploi auprès des entreprises ». Un vide que de nouveaux intervenants espèrent aujourd'hui combler. À commencer par les entreprises de travail temporaire, qui y voient l'occasion rêvée de sortir de leur pré carré. Mais des prestataires étrangers, forts de méthodologies éprouvées sur des marchés du travail plus ouverts, sont également sur les rangs. Même l'ANPE ou l'Apec espèrent tirer parti de cette forme de libéralisation du marché de l'emploi, s'imaginant volontiers commercialiser leurs services les plus performants auprès des entreprises. Au risque de s'attirer les foudres des prestataires privés pour concurrence déloyale.

Reste à savoir si les chômeurs trouveront leur compte dans cette sorte de dérégulation du marché de l'emploi. Les plus employables, sans doute. Mais, à l'heure où la nouvelle vague de décentralisation tend à conférer aux collectivités de nouvelles prérogatives en matière d'emploi, les plus démunis risquent de se perdre dans ce maquis en gestation… Inventaire des nouveaux acteurs du marché de l'emploi.

Les placeurs

Les patrons du travail temporaire s'en sont étranglés de jalousie. En décrochant cet automne auprès de l'Assedic de l'Ouest francilien son premier contrat expérimental visant au placement de 150 demandeurs d'emploi, Maatwerk a fait une entrée remarquée sur le sol français. Même si Stéphane Niger, le nouveau patron (transfuge de l'intérim) de la filiale française de ce groupe fondé en 1991 par un travailleur social hollandais et présent dans une dizaine de pays européens, cherche aujourd'hui à dégonfler l'impact médiatique de son initiative : « Nous n'avons encore que sept consultants. »

Sur le papier, tout paraît simple : « Nos consultants assurent une prospection qualitative des emplois, majoritairement dans les PME qui regorgent, selon nous, d'emplois cachés non pourvus faute de temps ou de moyens », explique Stéphane Niger. En parallèle, « nous aidons les demandeurs d'emploi, sélectionnés, précise-t-il, non pas sur des critères de diplôme ou de qualification, mais sur leur seule motivation à réussir leur processus de recrutement ». Moyennant une « obligation de résultat qui approche les 70 % », Maatwerk perçoit un forfait pour tout emploi décroché d'au moins six mois.

Si certains experts sont dubitatifs sur l'efficacité de cette « solution miracle » – le bilan de l'expérience de l'Ouest francilien devrait être présenté en avril –, Maatwerk a profité des nouveaux débouchés offerts par les financements débloqués par l'Unedic dans le cadre du Pare. Jusqu'à présent, seules les collectivités territoriales y consacraient quelques moyens, captés pour l'essentiel par l'association bordelaise Transfer par le biais de la commercialisation de sa méthode IOD (intervention sur les offres et les demandes). Par l'intermédiaire de cet outil de recrutement, Transfer permet ainsi chaque année à quelque 6 000 demandeurs d'emploi en grande difficulté de trouver du travail. Si Transfer n'a pas l'intention de déroger à son objet « social », il y a fort à parier que Maatwerk ne restera pas longtemps seul sur le marché : outre le travail temporaire – Manpower possède une filiale ad hoc, Working Links, au Royaume-Uni –, un groupe australien, Ingeus, vient à son tour de pointer le bout de son nez

Les sociétés de travail temporaire

L'ouverture du monopole de l'ANPE serait une bonne nouvelle pour les professionnels de l'intérim. Car les entreprises de travail temporaire se sentent un peu à l'étroit… dans leur propre monopole. Et pour cause ! La bonne résistance du tertiaire et du BTP est loin de compenser les dégâts causés par la désindustrialisation continue depuis le retournement économique de 2001. Pour la première fois en 2002, le nombre d'intérimaires employés dans l'industrie est passé sous la barre des 50 %, entraînant un repli global de l'activité de 5 %. Et, avec une nouvelle décélération de l'ordre de 1 %, 2003 n'a pas permis d'infléchir cette tendance morose.

Les grands réseaux de travail temporaire ont bien sûr tenté de réagir en pénétrant de nouveaux marchés : les cadres, les seniors ou encore le secteur public. Si ces trois segments offrent des perspectives prometteuses, les volumes (de l'ordre de quelques dizaines de milliers en équivalent temps plein) restent faibles comparés aux 560 000 emplois d'intérimaires occupés chaque année. Les grandes enseignes se sont aussi diversifiées. À l'instar d'Adecco, le numéro un mondial, qui a racheté dans les années 90 le cabinet spécialisé en outplacement Lee Hecht Harrison ou le chasseur de têtes français Alexandre Tic.

Mais, en dehors de la vision très fine des bassins d'emploi que ces grands réseaux d'intérim peuvent offrir à leurs nouvelles filiales, les synergies demeurent minces. La raison ? « Les entreprises de travail temporaire butent toujours en France sur leur principe de spécialité qui, en échange de leur monopole en matière de détachement d'intérimaires, les contraint à se limiter à cet objet social », explique François Roux, le délégué général du Syndicat des entreprises de travail temporaire.

Les entreprises de travail temporaire ont donc profité du débat sur la fin du monopole de l'ANPE pour tenter de faire sauter le verrou. Non sans de solides arguments : « Nos agences recrutent déjà dans des proportions importantes car une mission d'intérim sur trois débouche actuellement sur un CDI, plaide François Roux. De plus, nous travaillons sur toute la gamme des qualifications, à la différence des cabinets de recrutement. » Ultime démonstration positive, le maillage du territoire : « Compte tenu de la force de frappe de nos agences, nous sommes les mieux placés pour aider les demandeurs d'emploi à se remettre au travail », souligne Jean-Pierre Lemonnier, président de Manpower France. Sauf que l'irruption de tels mastodontes risque de déstabiliser tous les acteurs du marché de l'emploi en CDI. À commencer par l'ANPE, dont le réseau est six fois moins étendu. Ce à quoi les grands réseaux d'intérim rétorquent qu'ils font déjà partie des premiers partenaires de l'Agence, tant par les offres d'emploi transmises que pour les évaluations des compétences des demandeurs. Mais les ambitions de l'intérim inquiètent aussi les cabinets d'outplacement. À cet égard, le rachat par Manpower de l'américain Right, propriétaire en France depuis 2002 de Garon Bonvalot, ne les rassure pas. À charge pour le gouvernement de décider ou non de mettre un coup de pied dans la fourmilière.

Les cabinets d'outplacement

Les outplaceurs n'ont pas bondi d'enthousiasme à l'annonce d'une éventuelle ouverture du marché des demandeurs d'emploi. « Nous n'y avons pas réfléchi », observe ainsi Xavier Lacoste, le directeur général d'Altedia Emploi, coleader du secteur avec BPI. Si ces cabinets de conseil aux entreprises se chargent de retrouver un poste aux licenciés économiques, c'est d'abord pour permettre à leurs clients de justifier… de leur obligation de reclassement devant le juge. Or les entreprises rechignent à payer au prix fort ce cousu-main : « Il y a un vrai problème d'adéquation entre les objectifs que s'assignent certaines entreprises en matière de reclassement et les moyens qu'elles y consacrent », note Pierre Ferracci, le président de Secafi Alpha, qui vient d'acquérir la Sodie, numéro quatre du secteur.

Résultat, les plans sociaux ont eu beau se multiplier depuis 2001 et le chiffre d'affaires bondir de 31 % en 2002, à en croire la dernière note de conjoncture publiée par le Syntec Conseil en évolution professionnelle, qui rassemble vingt-deux des plus gros cabinets du secteur, ce micromarché de 150 millions d'euros n'a concerné que 20 000 licenciés, individuels et collectifs, soit moins de 10 % du volume des licenciements économiques de l'année.

La performance de ces cabinets en matière de taux de reclassement est encore loin d'être à la hauteur des attentes des représentants des salariés licenciés. De 60 % en moyenne, celle-ci a même dégringolé à 53 % en 2002, sous l'effet de la dégradation de l'emploi. « Si notre savoir-faire est reconnu pour aider le candidat à faire le deuil de son ancien emploi, on nous reproche encore un certain manque d'efficacité dans le pilotage de la recherche d'emploi », concède Dominique Besson, responsable de Lee Hecht Harrison, filiale d'Adecco spécialisée dans l'outplacement.

Pour développer leur marché tout en préservant leur marge, ces cabinets tentent d'adapter leur offre à la réalité du marché, à l'image de Lee Hecht Harrison qui vient de revoir sa gamme de prestations d'outplacement individuel. Ils attendent aussi de voir si les conseils régionaux s'investiront dans les nouvelles cellules de reclassement interprofessionnelles permanentes régionales évoquées par François Fillon. Sous réserve que d'autres petits cabinets n'en profitent pas pour casser les prix…

En revanche, pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi, ces cabinets ont dans l'ensemble estimé que le jeu n'en valait pas la chandelle. « Nous n'avons pas la prétention de traiter le cas de tout le monde ni de couvrir tout le territoire », remarque ainsi Xavier Lacoste, d'Altedia. Les tarifs pratiqués par ces cabinets sont, il est vrai, sans commune mesure avec ceux offerts par l'Unedic ou l'État. Là où un accompagnement individualisé de trois mois coûte de 700à 800 euros à l'Unedic, Lee Hecht Harrison en réclame 6 900, et même le double pour une garantie de résultat.

Si bien qu'en dépit des 530 millions d'euros mis conjointement sur la table par l'assurance chômage et l'État, les cabinets d'outplacement ont laissé une myriade de près de 4 000 prestataires locaux se partager le gâteau des demandeurs d'emploi géré par l'ANPE. Qui en a profité ? « Des associations spécialisées aux petits cabinets de recrutement en passant par des consultants indépendants, la palette est large », répond Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'ANPE chargé de l'animation de ces sous-traitants dont 80 % relèvent du secteur privé ou associatif. Mais ce nouveau marché a aussi donné des ailes à certains organismes comme l'Apec, qui, forte du coaching de 33 000 cadres demandeurs d'emploi en 2003, cherche à étendre son « deuxième métier » de « conseil en mobilité professionnelle » aux cadres en activité. « Un marché deux fois plus porteur que celui des demandeurs d'emploi », jubile Jacky Chatelain, le directeur général de l'Apec. Seul point commun à tous ces organismes, leur accompagnement ne va pas jusqu'au placement, comme le note encore Jacky Chatelain : « Notre mission est d'aider les candidats à mieux se placer dans la file d'attente, pas de les sélectionner sur une offre. »

Les cabinets de recrutement

Ce n'est pas tant l'ouverture du monopole de l'ANPE qui inquiète les cabinets de recrutement que la perspective de voir débouler l'Agence pour l'emploi et surtout l'Apec sur leur terrain, via la commercialisation de leurs propres prestations de recrutement. Car si elle se concrétisait, cette goutte d'eau ferait déborder le vase de ces chasseurs de cadres, déjà bien éprouvés par le ralentissement économique. Avec l'effondrement de 46 % en deux ans du marché du recrutement des cadres, la tourmente a en effet imposé un régime draconien aux plus gros, à commencer par Michael Page, le numéro un du secteur en France : « Nous avons dû maîtriser nos coûts pour préserver nos revenus », reconnaît Fabrice Lacombe, son directeur général. En clair, supprimer plusieurs dizaines de postes de consultants sur les quelque 250 employés par le cabinet dans les belles années 1998-2000. Parallèlement, « le secteur s'est concentré de facto, observe Jean-Paul Vermès, fondateur du cabinet de chasse de têtes Cogeplan, aujourd'hui vice-président de Hudson France depuis son absorption par ce géant américain du recrutement. Sur les quelque 1 200 cabinets recensés en 2002, il n'en subsiste plus que la moitié ».

Même si Raymond Poulain, le fondateur du cabinet éponyme et président actuel du Syntec Recrutement (la branche patronale qui regroupe 140 cabinets), veut aujourd'hui croire à « un frémissement » du marché, la purge a été d'autant plus sévère que certains cabinets en ont profité pour conquérir de substantielles parts de marché. Cela grâce à l'application de nouvelles méthodes de mise en relation importées d'outre-Manche et de nature à révolutionner le marché français du recrutement, comme l'explique Emmanuelle Marchal, du Centre d'études de l'emploi : « Alors que les cabinets français sont encore spécialisés dans la sursélection des candidats, les cabinets britanniques n'hésitent pas à certifier leurs compétences auprès des entreprises en acceptant d'être payés à l'embauche. » Autrement dit à accepter une obligation de résultat. Pour avoir importé en France cette pratique dite du containgency, Michael Page s'est attiré les foudres de ses homologues, attachés, eux, à leur ancien mode de rémunération : un tiers à la commande, un tiers à la présentation de la short list, un tiers à l'embauche. Mais d'autres sont passés à la vitesse supérieure en « travaillant à 100 % au résultat ». À l'instar de Hays Personnel, le géant britannique du recrutement implanté en France depuis janvier 2001 qui a réussi une percée fulgurante avec une centaine de consultants disséminés dans 11 bureaux. La clé de ce succès ? « Une organisation radicalement différente fondée sur une extrême spécialisation des marchés et des métiers et une grande réactivité partant de notre connaissance du vivier des candidats », explique Tina Ling, envoyée par la maison mère pour lancer Hays Personnel en France, avec l'ambition de ravir à Michael Page sa première place. Mais ce dernier affûte sa riposte en offrant à ses clients toute la palette de solutions pour pourvoir un poste via ses filiales Michael Page Interim et Michael Page Conseil, dédiée au détachement d'informaticiens en mission.

Face à ce choc de titans, les autres cabinets comme Raymond Poulain Consultants préfèrent miser sur l'apparition des tensions sur le marché du travail liées au papy-boom en se diversifiant dans le coaching. D'autres, comme Hudson, se sont fixé comme ambition de couvrir toute la gamme des services associés au marché du travail : de l'outplacement individuel à l'inplacement, c'est-à-dire le repositionnement de salariés au sein même de leur entreprise. Autant dire que le marché du placement des demandeurs d'emploi peut attendre…

Des bases de données aux salons de recrutement

Publication de petites annonces, gestion de bases de données d'offres et de curriculum vitae sur Internet : à côté des sites institutionnels de l'ANPE ou de l'Apec pour les cadres, l'animation de cette vitrine du marché de l'emploi est dominée par des géants de la communication et des médias. « Notre principal concurrent est ORC, la régie publicitaire intégrée du groupe Le Figaro-L'Express-L'Expansion, qui édite aussi le site Internet Cadremploi », explique Jacky Chatelain, le directeur général de l'Apec. Quant à Cadresonline, le troisième site Internet d'emploi le plus visité après ceux de l'ANPE et de l'Apec, il est la propriété du groupe de presse professionnelle Aprovia, qui édite « le Moniteur » ou « l'Usine nouvelle ». Objectif de ces intermédiaires ? « Être au service de la communication des entreprises pour leur attirer des candidatures spontanées », décode Emmanuelle Marchal, chercheuse au Centre d'études de l'emploi.

Ces gestionnaires de bases de données sont devenus les fournisseurs obligés des cabinets de recrutement, comme en témoigne le succès de la formation sur le « sourcing » des candidats organisée par le Syntec Recrutement. Mais ces gestionnaires se prennent aussi de plus en plus au jeu de la mise en relation, via l'organisation de salons de recrutement notamment. Principe de ces derniers : les entreprises paient pour entrer en contact avec un potentiel de candidats présélectionnés sur un profil particulier. Lancée depuis dix-huit mois dans l'organisation de tels salons, l'Apec y a déjà engrangé 10 millions d'euros de recettes.

Et ce n'est qu'un début, « cette activité ayant, selon le directeur général de l'Apec, vocation à croître fortement », dans la perspective des futures difficultés de recrutement. De quoi raviver sans doute les accusations de concurrence déloyale lancées par les cabinets de recrutement…

Effervescence chez les acteurs du marché de l'insertion

Il y a longtemps que l'ANPE a laissé à d'autres le soin de gérer la réinsertion professionnelle des chômeurs les plus éloignés de l'emploi. Récupérés, dans les années 80, par des défricheurs issus du monde associatif et du travail social, les exclus du marché du travail peuvent aujourd'hui bénéficier de l'accompagnement de réseaux de plus en plus professionnalisés, souvent cofinancés par l'État, les fonds structurels européens et les collectivités territoriales. Deux catégories d'acteurs interviennent auprès des chômeurs les plus en difficulté : les « gestionnaires » de parcours vers l'emploi qui travaillent pour le compte de leur maître d'ouvrage principal, l'État ou les collectivités territoriales ; et les « employeurs » de ces publics qui, en jouant le rôle de sas vers l'emploi, pallient l'insuffisance des offres d'emploi traditionnelles.

En s'apprêtant à transférer au niveau local l'essentiel des financements liés à l'insertion, le gouvernement a mis tout ce petit monde en ébullition. Ceux qui étaient déjà bien intégrés dans le paysage se sentent pousser des ailes, à l'instar d'André Dupon, patron de Vitamine T, un des plus anciens et des plus gros ensembliers d'insertion, basé dans le Nord-Pas-de-Calais : « Cela va nous obliger à renforcer notre performance en améliorant la coordination au niveau local », se félicite-t-il, affichant un taux de retour à l'emploi de 60 %. Même optimisme du côté des gestionnaires des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) : « 77 000 personnes accueillies en 2001, 23 000 sorties dont près de 60 % dans l'emploi. Voilà de quoi séduire des conseils généraux soucieux de déléguer tout ou partie de la gestion de leurs RMIstes », se targue Marie-Pierre Establie, déléguée générale d'Alliance Ville Emploi, l'association des élus maîtres d'œuvre des 196 Plie répertoriés.

A contrario, les structures d'insertion par l'activité économique qui dépendent encore majoritairement de l'État pour le financement de l'accompagnement de leurs publics sont beaucoup plus inquiètes. C'est le cas des entreprises d'insertion, fortement éprouvées depuis le retournement de la conjoncture : « À partir du moment où nous ne nous revendiquons ni comme des organismes de placement ni même comme des organismes d'emploi, mais bien comme des entreprises à part entière donnant du travail à ceux qui n'en trouvent pas ailleurs, les conseils généraux accepteront-ils de prendre le relais de l'État en nous soutenant ? » s'interroge Brigitte Ogée, déléguée générale du CNEI.

« Ou vont-ils nous obliger à sélectionner les publics, ce qui est contraire à notre philosophie ? » renchérit Didier Piard, responsable de l'insertion à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale (Fnars). À ce titre, 2004 risque d'être une année charnière…

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle