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Mauvaise passe pour les Etti

Dossier | publié le : 01.01.2004 | A.-C.G.

Les entreprises de travail temporaire d'insertion vont mal. La faute à une conjoncture économique morose et à des contraintes réglementaires fortes. Seule porte de sortie, une professionnalisation accrue pour concurrencer les agences d'intérim.

Groggy ! Depuis deux ans, les entreprises de travail temporaire d'insertion (Etti) tentent de garder la tête hors de l'eau dans un contexte économique plus que défavorable. La fédération Coorace (comités et organismes d'aide aux chômeurs par l'emploi), qui réunit une soixantaine d'Etti, estime qu'un tiers d'entre elles sont passées dans le rouge cette année ! Le réseau Id'ées Intérim, premier réseau d'Etti en France avec 25 agences, a vu fermer quatre agences en deux ans. Un paradoxe pour ces structures d'insertion qui peuvent se prévaloir des meilleurs taux d'accès à l'emploi à leur sortie : la moitié des intérimaires passés par les Etti retrouvent en effet un emploi stable en entreprise (CDI ou CDD de plus de six mois). Une efficacité sociale dont peu d'organismes peuvent se prévaloir.

Un lourd accompagnement social

Nées au début des années 90, et reconnues par la loi de 1998 contre les exclusions, les Etti fonctionnent de la même façon que les agences d'intérim traditionnelles. « Ce qui nous différencie, c'est la population que nous mettons au travail, explique Vincent Doyet, directeur du groupe Icare à Lyon, qui réunit une association intermédiaire, une entreprise d'insertion et une Etti. Nous travaillons exclusivement avec des personnes sans emploi, très peu qualifiées, qui ont reçu un agrément de l'ANPE. Notre boulot est de valoriser nos intérimaires auprès des entreprises, sans pour autant être moins chers. » Un défi que les Etti relèvent en mettant en place un important dispositif d'accompagnement social. « L'accompagnement sert avant tout à stabiliser l'intérimaire dans sa mission. C'est-à-dire à surmonter tous les freins annexes à l'emploi comme les problèmes de santé, de logement, de mobilité, qui pourraient le perturber dans son travail », énumère Vincent Doyet. Girol, l'Etti du groupe Icare, a, par exemple, mis en place un système de navettes automobiles pour permettre aux intérimaires de se rendre à leur travail. À Montauban et Castelsarrasin, dans le Tarn-et-Garonne, Jean Souleil, le directeur d'Oxygène Intérim, met gratuitement 10 VTC à disposition des intérimaires. Il vient par ailleurs d'embaucher une jeune femme, tout juste sortie d'un DESS en psychologie, pour mettre en place un service d'accompagnement social digne de ce nom au sein de son agence.

Reste qu'aujourd'hui les Etti ont le sentiment d'être piégées. La majorité d'entre elles ont perdu jusqu'à la moitié de leur activité entre 2001 et 2003. La faute à un contexte économique difficile qui a suivi une période plus favorable. « En période de croissance, les entreprises ont absorbé nos intérimaires. Ce qui est la finalité de notre mission. Mais après cette vague d'insertion, les Etti se sont retrouvées avec un faible volume d'intérimaires et pas ou peu de missions en entreprise », indique Thierry Bataille, vice-président du Coorace.

Par ailleurs, si le budget 2004 du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité prévoit une hausse de plus de 22 % des subventions à l'accompagnement social des intérimaires, celle-ci ne devrait pas compenser les effets pervers des 35 heures. « Nous avions deux avantages concurrentiels par rapport aux agences d'intérim classiques, explique Vincent Doyet, du groupe Icare. Le financement par l'État de l'accompagnement social qui équivaut environ à 1 euro par heure et par intérimaire en insertion et une exonération spécifique aux Etti sur les charges patronales. Or la loi sur les 35 heures accorde cette exonération à toutes les entreprises, sociétés de travail temporaire comprises. »

Un droit de vie ou de mort !

L'autre récrimination des Etti porte sur les conditions d'obtention de l'agrément de l'ANPE, sans lequel elles ne peuvent pas mettre les intérimaires au travail. « L'agence a un véritable droit de vie ou de mort sur nos entreprises, tempête Alain Bernier, directeur du réseau Id'ées Intérim. Si, localement, les différents partenaires travaillent en bonne intelligence, tout va bien. Dans le cas contraire, on se retrouve dans des situations ubuesques. La nouvelle circulaire d'octobre 2003 qui permet aux missions locales et aux Plie (plans locaux pour l'insertion et l'emploi) d'être à l'initiative de l'agrément ne fera que multiplier les situations kafkaïennes. L'agrément est une manière pour l'État de nous surveiller. C'est aussi la preuve qu'on ne nous fait pas confiance, en dépit de nos résultats. »

Pour contourner ces difficultés et gagner la confiance de leurs partenaires, les Etti ont pris le parti de la professionnalisation. Sur le terrain, tout d'abord, en formant et en qualifiant leurs salariés comme leurs bénévoles. Au niveau national ensuite. Le Coorace et le Comité national des entreprises d'insertion, deux fédérations regroupant des Etti, ont développé des labels de qualité, respectivement Etticoorace et Qualirei. Objectif : aider leurs adhérents à formaliser leurs pratiques et à les améliorer. « Le but est de leur permettre de concurrencer les entreprises d'intérim et de se faire référencer par les grands groupes qui, pour le moment, les ignorent. L'idée serait que l'ensemble de nos adhérents soient labellisés et qu'ils puissent proposer aux entreprises un même niveau de services et de qualité sur l'ensemble du territoire », explique Thierry Bataille, au Coorace. Reste que les Etti se montrent encore frileuses pour engager des démarches de qualité souvent lourdes à gérer. Actuellement, seul un tiers des adhérents du Coorace s'y sont lancés alors que le label existe depuis maintenant quatre ans.

Auteur

  • A.-C.G.