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Le pari des Potagers de Marcoussis

Dossier | publié le : 01.01.2004 | A.-C.G.

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Le pari des Potagers de Marcoussis

Crédit photo A.-C.G.

Depuis trois ans, la plaine de Marcoussis, dans l'Essonne, abrite un Jardin de cocagne. Son but : remettre sur les rails des personnes en grande précarité en s'appuyant sur les vertus du jardinage au grand air. Un bel exercice de réinsertion qui s'avère cependant délicat.

Choux-fleurs, pommes de terre, poireaux, potirons… Dans un préfabriqué en bordure d'une route communale de l'Essonne, Fabienne et Nuray préparent des paniers de légumes. Dehors, encadrés par Sylvie, une maraîchère professionnelle, Chadran et Françoise, accroupis sous une serre, éclaircissent des carottes. Cette petite exploitation maraîchère de la lointaine banlieue parisienne, dénommée les Potagers de Marcoussis, n'a rien d'une entreprise ordinaire. C'est un chantier d'insertion, membre du réseau des Jardins de cocagne. Il existe, en France, une cinquantaine de jardins solidaires de ce type. Un concept créé au début des années 90 pour faciliter l'intégration et l'insertion sociale de personnes en situation de précarité.

À Marcoussis, c'est la municipalité qui est à l'origine de la création du potager. « En 1998, compte tenu du nombre croissant de bénéficiaires du RMI à Marcoussis, la commune a souhaité ouvrir un chantier d'insertion. Le maraîchage étant une tradition locale, le potager s'est vite imposé », raconte Pierre Soulard, le directeur de cette structure. Depuis trois ans, 85 personnes sont déjà passées par les potagers où, sur 8 hectares de terre et sous 5 000 mètres carrés de serres, poussent chaque année 75 tonnes de légumes biologiques. Une production vendue sous forme de paniers à un réseau d'adhérents regroupant quelque 360 familles de Marcoussis, mais aussi de l'ensemble de la région parisienne.

Le travail de la terre est une bonne thérapie
Les Potagers de Marcoussis, qui produisent chaque année 75 tonnes de légumes bio, ont vu passer 85 apprentis maraîchers en trois ans.MCHEL LABELLE

« Le maraîchage n'est qu'un prétexte, pas une fin en soi, précise Pierre Soulard, ancien responsable d'entreprises maraîchères en France, au Moyen-Orient et au Portugal. L'objectif des Jardins est de donner des repères à des personnes en situation d'exclusion. Certaines n'ont pas travaillé depuis plus de dix ans. Et le travail de la terre est une bonne thérapie pour apaiser certains maux. » Les jardiniers de Marcoussis sont embauchés pendant un an en contrat emploi solidarité ou en contrat emploi consolidé. Réfugiés politiques, jeunes en échec scolaire, chômeurs de longue durée, parents isolés, RMIstes, ils ont pour points communs la solitude, des problèmes de santé et une grande précarité financière. Encadrés par deux maraîchers professionnels, ils apprennent à cultiver des légumes biologiques. Deux équipes de 10 jardiniers se relaient le matin et l'après-midi dans le potager. « Nous sommes surtout là pour casser leur solitude, explique Sylvie Brunet, une jeune maraîchère intérimaire arrivée au début de l'été dernier. Ils réapprennent à parler, à travailler en équipe. Une année aux Jardins, c'est l'occasion de leur redonner confiance. L'un de nos jardiniers vient par exemple de décrocher un contrat à durée déterminée pour l'entretien des espaces verts d'un golf. Les autres n'en revenaient pas que l'un d'entre eux parvienne à trouver un vrai travail. »

Parallèlement aux activités maraîchères, les jardiniers sont également mis à contribution pour construire cinq nouvelles serres qui vont pouvoir accueillir l'année prochaine les cultures aujourd'hui en pépinière et répondre à la demande croissante des adhérents. « C'est l'occasion d'identifier des capacités manuelles qu'ils n'utilisent pas dans le maraîchage et d'en faire par exemple un point de départ pour envisager une orientation professionnelle, une formation, un stage de découverte de l'entreprise, explique Pierre Soulard. Cela permet aussi de leur mettre entre les mains un outil de travail dont ils pourront être fiers. » Pour rendre plus efficace son action, Pierre Soulard travaille à la professionnalisation du chantier d'insertion et de ses encadrants. Au cours de ces deux dernières années, il a recruté une coordinatrice sociale pour effectuer l'accompagnement psychologique des jardiniers. L'un des maraîchers suit actuellement une formation d'éducateur technique spécialisé et la responsable du réseau d'adhérents vient de terminer un DESS en gestion des structure d'insertion.

Une année pour rebondir

Reste que ce travail de réinsertion s'avère fragile. « Il ne faut pas se leurrer. Un an, c'est trop peu pour reconstruire quelqu'un, reconnaît le directeur des Potagers de Marcoussis. Dans la réalité, les personnes replongent souvent dans l'exclusion une fois qu'elles ont quitté le potager car elles retrouvent leur solitude. » Du coup, lorsqu'ils arrivent dans l'exploitation maraîchère, les jardiniers sont prévenus que cet emploi sera provisoire. Ils savent qu'ils doivent profiter de cette année pour rebondir. Si les Jardins de cocagne peuvent faciliter leur retour vers l'emploi et leur réinsertion sociale, ils ne le garantissent pas.

Auteur

  • A.-C.G.