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Des microcrédits pour les exclus

Dossier | publié le : 01.01.2004 | S. D.

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Des microcrédits pour les exclus

Crédit photo S. D.

Le crédit solidaire s'est fortement développé en quinze ans. Grâce à des réseaux comme l'Adie, France active ou les Cigales, les exclus des banques traditionnelles trouvent aujourd'hui des financements pour créer leur entreprise.

Aménagé dans un ancien atelier de mécanique du 20e arrondissement de Paris, Smom (Sans musique on meurt) vibre au rythme des musiciens qui viennent y exercer leur talent. Depuis sa création, en octobre 1999, ses murs tapissés d'épaisses plaques de papier mâché ont accueilli Dominique A, Sergent Garcia, La Grande Sophie ou DJ Mehdi. À la différence d'un banal studio de répétition, Smom est aussi une entreprise d'insertion qui emploie actuellement huit salariés, dont six jeunes en galère. « Nous les embauchons en CDD de deux ans maximum, payés au smic, et les initions au métier de régisseur son, explique Vincent Cotte, directeur et fondateur de Smom. Ils apprennent aussi à tenir l'accueil, à entretenir le matériel. À la sortie, nous les incitons à enchaîner sur une formation qualifiante pour valider leurs acquis. » Malgré sa ténacité, Vincent Cotte n'aurait jamais pu mettre son projet en musique sans le soutien financier de France active. « L'association m'a prêté 30 000 euros pour m'aider à démarrer, puis 15 000 euros en 2003 pour aménager deux nouvelles salles. »

Depuis 1988, France active prête de l'argent aux laissés-pour-compte du circuit bancaire traditionnel : d'abord aux RMIstes et aux chômeurs qui rêvent de monter leur boîte, mais aussi aux entreprises d'insertion qui, comme Smom, servent de tremplin aux personnes en difficulté. En 2002, l'association présidée par Christian Sautter, ancien ministre de l'Économie et actuel adjoint aux finances de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, a soutenu 3 171 créateurs, dont une petite moitié de chômeurs de longue durée, et contribué à créer 5 757 emplois. Et France active n'est pas la seule à œuvrer sur le créneau du crédit solidaire qui, depuis une quinzaine d'années, s'est fortement développé.

De l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) aux Cigales (Clubs d'investisseurs pour une gestion alternative et locale de l'épargne solidaire) en passant par France Initiative Réseau (FIR), ces structures prêtent de l'argent aux exclus des banques traditionnelles, à travers une palette d'outils spécifiques. Ainsi, pour faciliter l'accès aux crédits, France active peut se porter garante des sommes empruntées à hauteur de 65 %. L'association peut aussi entrer directement au capital des entreprises par le biais de sa société d'investissement Sifa et du fonds commun de placement insertion emplois (FCPIE). « 10 % des fonds collectés dans le cadre du FCPIE, soit environ 9 millions d'euros, sont investis directement dans des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires ou des régies de quartier, note Edmond Maire, l'ancien leader de la CFDT, aujourd'hui président de la Sifa. La loi Fabius, obligeant les entreprises à proposer un fonds solidaire dans le cadre des PPESVR, nous permet de bénéficier de ressources supplémentaires. »

Des prêts solidaires de 500 à 5 000 euros

Fondée par Maria Nowak, l'Adie se concentre sur les projets individuels de plus petite taille et ne prête qu'aux chômeurs et RMIstes. Après avoir lancé le microcrédit en Afrique, celle qu'on surnomme la banquière des pauvres a décidé de l'appliquer à la France en 1989. La greffe a réussi puisqu'en 2002 l'Adie a accordé 4 600 prêts solidaires d'un montant de 500 à 5 000 euros. 56 % des bénéficiaires étaient allocataires du RMI. Plus éclectiques, les quelque 1 500 Cigales fonctionnent comme des sociétés de capital-risque et soutiennent des entreprises à vocation sociale, culturelle, écologique… « Un club, qui réunit souvent de 10 à 15 personnes peut, par exemple, investir durant cinq ans maximum dans une boutique qui fait du commerce équitable, une entreprise qui embauche des personnes en difficulté ou qui s'installe dans un quartier difficile », souligne Yves Barnoux, président des Cigales d'Ile-de-France. Limité, le soutien financier des Cigales permet souvent de convaincre les banques de mettre au pot.

Pour autant, ces prêteurs atypiques distribuent rarement l'argent aux quatre vents. « En région, nos 98 antennes étudient la faisabilité du projet, la capacité de la personne à se lancer dans l'aventure, expose Maria Nowak. Au final, sur 30 000 projets présentés, moins de 5 000 prêts sont accordés. » Chez France active, Edmond Maire précise que « six domaines sont passés au crible, parmi lesquels la compétence du dirigeant, le plan d'affaires, la quantité et la qualité d'emplois créés ». En contrepartie, les porteurs de projet bénéficient d'un accompagnement important, avant et après la création de leur entreprise. « Nous assurons un suivi sur dix-huit mois en moyenne et les aidons à ficeler leur plan de financement, à dénouer des problèmes juridiques ou administratifs, explique Maria Nowak. Les permanents apportent aussi un soutien moral au moment du démarrage. » L'Adie a initié des cercles de créateurs pour qu'ils échangent sur leurs pratiques. Même chose chez France active, où 32 fonds territoriaux assurent le suivi. Avec pour résultat un taux de survie, après cinq ans, de 80 %, supérieur à la moyenne nationale (50 %) pour l'ensemble des entreprises.

Auteur

  • S. D.