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À Vervins, l'insertion, ça marche

Dossier | publié le : 01.01.2004 | A.-C.G.

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À Vervins, l'insertion, ça marche

Crédit photo A.-C.G.

Pour pallier leurs difficultés de recrutement, des chefs d'entreprises picardes ont créé un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification. Objectif : former et donner un métier à des jeunes et à des adultes en rupture avec le milieu du travail.

Guy Gourlin n'est pas un chef d'entreprise tout à fait comme les autres. Sansen, la société qu'il dirige, une fabrique de mobilier de bureau de 200 salariés, installée à Guise, dans l'Aisne, accueille des jeunes en échec scolaire, abonnés aux contrats emploi solidarité, ou des adultes chômeurs de longue durée, RMIstes et souvent en grande difficulté sociale et familiale. « L'entreprise est le premier lieu de socialisation et d'insertion. Ne serait-ce que parce qu'il faut apprendre aux jeunes en contrat de qualification que nous accueillons les règles sociales de base. Au début, on fait souvent de la discipline en leur fixant des repères simples comme arriver à l'heure ou respecter le règlement intérieur. » Sansen fait partie du groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (Geiq) de Vervins. Créée en 1995, cette structure associative réunit aujourd'hui plus d'une trentaine d'entreprises de Thiérache, une région rurale pauvre située entre Laon et la vallée de l'Oise, à deux pas de la Belgique.

À la recherche d'une main-d'œuvre qualifiée
Guy Gourlin, président du Geiq de Vervins : « Nous voulions une structure qui nous permettre de trouver les qualifications dont nous avons besoin tout en favorisant l'insertion des jeunes dans nos entreprises. »DENIS PAILLARD

« Nous avons créé et financé ce groupement parce que nous en avions assez de ne pas avoir de main-d'œuvre qualifiée sur notre territoire. Nous voulions une structure qui nous permette de trouver ces qualifications tout en favorisant l'insertion des jeunes dans les entreprises de la région », explique Guy Gourlin, qui préside le Geiq picard. « Plutôt que d'embaucher des intérimaires sans fin et d'être constamment à la recherche de main-d'œuvre, nous avons préféré faire l'effort de former des jeunes et de leur donner un métier qu'ils pourront monnayer ailleurs si nous ne les embauchons pas à la sortie du Geiq », ajoute Laurent de Clercq, directeur de Skydom-Axter, un des piliers du groupement. Métallurgie, agro-alimentaire, BTP, transport, logistique, chimie, le Geiq de Vervins se veut multisectoriel. Des usines des groupes LU, Nestlé, Materne, Bayer y côtoient les PME de la région comme Sansen, Lefèbvre (machinisme agricole), Godin (cheminées) ou Skydom-Axter.

L'initiative des entreprises de la Thiérache n'est pas isolée. En France, on dénombre 120 groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, qui comptent plus de 3 000 entreprises. Tous se donnent une même mission : permettre aux sociétés de trouver de la main-d'œuvre qualifiée tout en agissant pour l'insertion économique sur leur bassin d'emploi. Une mission qui n'est pas reconnue par la loi de 1998 contre les exclusions, ce qui prive les Geiq de subventions publiques. Seul un décret de février 2003 reconnaît leur rôle d'accompagnement auprès des jeunes en contrat de qualification et alloue aux Geiq une aide de 686 euros par jeune. Concrètement, les groupements salarient les jeunes et les adultes via des contrats aidés à durée déterminée de dix-huit à vingt-quatre mois (contrat de qualification jeune et adulte, contrat d'orientation, contrat d'apprentissage). Ils leur construisent un parcours de formation sur le principe de l'alternance et les mettent à la disposition des entreprises adhérentes. Recrutement, fiches de paye, formation, le groupement mutualise la gestion des ressources humaines et décharge les entreprises des tâches administratives. En retour, celles-ci versent une cotisation annuelle et sont responsables solidairement des dettes salariales du Geiq. En clair, si une société ne peut pas accueillir un jeune en contrat de qualification parce que son activité est en baisse, une autre prendra le relais.

« Le Geiq, c'est l'opportunité pour une personne en rupture avec le travail de reprendre pied dans l'entreprise, souligne Roselyne Lobjoit, directrice du Geiq de Vervins. Nos adhérents savent que ces jeunes et ces adultes sont en période de qualification et qu'ils ne peuvent pas leur demander d'être rentables tout de suite. Et, surtout, même si les entreprises du Geiq se défendent de faire du social, elles ne se débarrassent pas d'eux dès qu'elles rencontrent un problème. » Le groupement joue le rôle d'intermédiaire entre le jeune et la ou les entreprises qui l'accueillent. En relation avec un tuteur désigné au sein de chaque entreprise, le Geiq assure le suivi de la formation et prend en charge un accompagnement socioprofessionnel que l'entreprise ne sait pas assumer.

« En adhérant au groupement, nous savions que nous allions être confrontés à des personnes qui cumulent des difficultés sociales, familiales, comportementales, reconnaît Laurent de Clercq, chez Skydom-Axter. Nous devons régulièrement faire face à des problèmes de drogue et d'alcoolisme au travail. Le Geiq est là pour trouver des solutions et motiver les jeunes pour qu'ils poursuivent leur contrat jusqu'au bout. » En 2003 le groupement de Vervins aura formé et remis au travail une quarantaine de soudeurs, magasiniers, conducteurs de machines automatisées, agents de maintenance, chauffeurs routiers… avec un taux de rupture de contrats très honorable. Sur les 23 salariés sortis du Geiq cette année, 20 sont allés au bout de leur contrat et ont obtenu une qualification. Quinze d'entre eux ont décroché un emploi en CDI ou en CDD dans les entreprises de la région.

Auteur

  • A.-C.G.