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Tous au charbon !

Dossier | publié le : 01.12.2003 | C.L.

Dans la tempête économique actuelle, pas besoin d'aller chercher bien loin les responsables des ressources humaines. Délaissant les chantiers de moyen terme et les dossiers sociaux traditionnels, ils sont sur le terrain, au chevet des managers. « Notre métier est en train de changer : il devient de plus en plus opérationnel, et on attend de nous des résultats rapides », juge Éric Lanciaux, le DRH de Fleury Michon, l'un des 53 responsables des ressources humaines qui ont répondu au premier baromètre Liaisons sociales-CSC (voir liste page 75). Un sentiment qui fait écho aux préoccupations de ses pairs. Les DRH annoncent, en effet, clairement la couleur : 60 % ont mis l'accent sur l'accompagnement des réorganisations opérationnelles qui se succèdent à un rythme rapide dans un environnement économique tendu et marqué par la recherche de performance immédiate. Des changements structurels dont le corollaire est la professionnalisation des carrières. Quatre axes de travail en découlent pour les entreprises : impliquer la hiérarchie dans la gestion RH pour 55 % des responsables interrogés, améliorer la gestion des compétences clés (40 %), attirer et retenir les meilleurs éléments pour un tiers des DRH et apporter de nouveaux services aux managers et aux collaborateurs (30 %).

La gestion des hauts potentiels en vedette

Résultat, la gestion des emplois et des compétences vit une nouvelle jeunesse. « Les DRH ont tiré les leçons des difficultés et des échecs de la GPEC. Aujourd'hui, leur démarche est plus pragmatique », observe Frédéric Pichard, consultant senior à CSC Peat Marwick. Dans le cadre de cette nouvelle approche, la gestion des hauts potentiels tient la vedette. 62 % des entreprises interrogées la considèrent comme un axe de progrès. ElcoBrandt a mis en place un programme en 10 points, baptisé Énergie RH, où figurent en bonne place la détection et le développement des talents. Une préoccupation qui n'est pas l'apanage des groupes internationaux. Engagées, elles aussi, dans la bataille des compétences, des sociétés de taille moyenne, à l'instar de Fleury Michon et du PMU, savent qu'elles ne peuvent y déroger.

Mais les directions des ressources humaines ne cherchent pas seulement à détecter les généralistes de haut vol, les dirigeants de demain, elles s'attachent aussi à renforcer les expertises. Une priorité pour près de la moitié d'entre elles (47 %). « Pour continuer à nous développer, nous devons renforcer nos compétences dans les métiers pointus, comme le marketing ou l'informatique », souligne Patricia Sales-Balayer, responsable du développement du management du PMU. Si les DRH chouchoutent les collaborateurs clés, elles veulent aussi faire monter en puissance les compétences de tous les salariés. Et, pour atteindre cet objectif, elles misent sur la formation et le coaching. « Nous voulons renforcer les points forts de nos équipes, explique Richard Folliot, vice-président senior des ressources humaines de Completel. C'est l'intérêt de l'entreprise comme des collaborateurs de rester au meilleur niveau dans les télécoms. » Favorisant l'enrichissement des parcours individuels et contribuant à la fluidité des carrières, la mobilité a aussi le vent en poupe. 64 % des DRH, à l'image de ceux de la Cogema, de Fleury Michon, du PMU ou de Geodis, s'y intéressent fortement.

Pour relever ces défis, les entreprises s'appuient sur une large palette d'outils et de méthodes. « Leur développement reflète la professionnalisation de la fonction », estime Dominique Laurent, directeur des ressources humaines d'ElcoBrandt. La quasi-totalité (96 %) des entreprises de notre échantillon ont mis en place un entretien annuel d'évaluation, 85 % une bourse de mobilité, 70 % un référentiel des emplois et des compétences, 64 % un dispositif de gestion des populations clés. Cette gestion de carrière est de plus en plus fine : 60 % des entreprises disposent de bilans de compétences et de carrières, 58 % de comités d'évolution de carrière, 51 % de plans de développement et de formation personnelle…

Il n'empêche que 68 % des firmes sondées veulent encore améliorer ou développer l'usage de ces outils. L'entretien annuel fait l'objet de toutes les attentions. Chez Messier-Dowty, il inclut le développement personnel, en cohérence avec le référentiel international de compétences récemment mis en place. Fleury Michon a instauré un entretien professionnel, dissocié de l'évaluation, pour faire le point sur les compétences individuelles, mettre en place des formations et faciliter la détection des talents. Enfin, le PMU veut mieux relier ses entretiens annuels aux objectifs et en faire le pivot de sa politique d'individualisation des rémunérations. Une individualisation pratiquée par 87 % des entreprises de notre échantillon. « C'est devenu un classique, commente Alain Riberry, partner chez CSC Peat Marwick. Il y a quelques années encore, elle était pourtant loin d'être acquise. »

Un coup d'accélérateur à la mobilité

Les entreprises boostent également la mobilité. « Nous la favorisons au niveau du groupe et nous travaillons sur un dispositif qui nous permettra de privilégier la mobilité interne par rapport au recrutement extérieur », indique Philippe Lamouche, directeur du personnel et des affaires sociales de la Cogema, une filiale d'Areva. Pour donner un coup d'accélérateur à la mobilité, Geodis a créé une bourse des emplois sur Internet. Une fois encore, les entreprises moyennes ne sont pas en reste. « Nous avons engagé des démarches de mobilité sur la base du volontariat pour le personnel non cadre des usines qui manifeste des souhaits d'évolution, explique Éric Lanciaux, DRH de Fleury Michon. Nous mettons en place des formations qui permettent aux intéressés d'élargir leurs compétences. »

Si innovants soient-ils, les DRH doivent encore convaincre leur direction générale du bien-fondé de leur démarche. Car celle-ci a besoin d'être assurée que la gestion des compétences est « payante ». Les managers ne sont pas toujours, non plus, réceptifs aux demandes des DRH. « Les compétences et la formation sont souvent la dernière roue du carrosse après les priorités du business, observe Frédéric Pichard. Certains rechignent toujours à considérer la DRH comme un partenaire de leurs activités. » Rien de surprenant, donc, si 79 % des firmes font du soutien des managers un axe majeur pour améliorer la gestion des emplois et des compétences. Afin de les impliquer, le PMU multiplie le coaching et le team building. Le spécialiste des paris hippiques a même créé des journées à thème sur le management de la délégation, par exemple.

Quant aux salariés, ils ne sont pas toujours prompts à jouer le jeu. Les DRH en ont conscience puisque 72 % estiment que leur soutien est une priorité. La mobilité comme, dans une moindre mesure, la formation ne vont pas toujours de soi. « Cette mobilité géographique ou fonctionnelle, que nous appelons de nos vœux, est encore loin d'être acquise », admet Évelyne Philippon, DRH du PMU. Les entreprises redoublent donc de pédagogie pour susciter des vocations. Mais elles sont bien souvent condamnées à faire le grand écart. Dans un contexte de restructurations et de recherche exacerbée de performance, la gestion des compétences n'est pas toujours bien perçue. Par exemple, l'évaluation est parfois utilisée comme un moyen de mettre la pression ou de détecter des « candidats » au départ.

Les syndicats ne manquent pas de dénoncer ces dérives, ce qui leur permet de prendre pied sur le terrain de la gestion des RH, où ils sont généralement peu présents. Leur adhésion n'est d'ailleurs une priorité que pour un tiers des DRH interrogés. À qui la responsabilité ? Pour les uns, les syndicats se sont exclus d'eux-mêmes pour des raisons idéologiques, d'autres mettent en avant le refus des entreprises de les considérer comme des partenaires, préférant les cantonner dans leur rôle de signataires d'accords et de garde-fous. En clair, les DRH n'ont pas que des alliés, ce qui ne leur facilite pas la tâche.

Dans la tourmente du court terme

La recherche de rentabilité à court terme exerce sa tyrannie sur les RH. Les deux indicateurs auxquels les DRH prêtent le plus d'attention sont, pour 79 % d'entre eux, l'évolution des effectifs et, pour 68 %, celle de la masse salariale. Les réductions d'effectifs liées aux difficultés économiques, aux changements de périmètre ou à des réorganisations internes sont à l'ordre du jour chez Alcatel, ElcoBrandt, Geodis, au PMU, etc. Dans un tel contexte, la gestion des emplois et des compétences, prioritaire au niveau du discours, peut s'effacer dans la pratique. Quand elle ne débouche pas sur des résultats concrets et rapides, elle est renvoyée à des jours meilleurs. Ainsi, la polyvalence, l'employabilité et le transfert des compétences sont moins prisés que la gestion des hauts potentiels ou la mobilité. Autre sujet en retrait : la gestion des seniors, jugée prioritaire par seulement 30 % des entreprises, alors que les salariés vont devoir travailler plus longtemps. « Les entreprises n'ont pas les réponses au papy-boom, reconnaît Dominique Laurent, DRH d'ElcoBrandt. En outre, l'amélioration de la gestion des fins de carrière n'est pas simple. » Les seniors sont d'ailleurs les premiers concernés par les plans sociaux. Mais, de l'aveu même de plusieurs DRH, certains, usés par le travail, n'attendent que cette aubaine.

Auteur

  • C.L.