logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le bloc-notes

Un paysage social qui bouge

Le bloc-notes | publié le : 01.11.2003 | Bernard Brunhes

Demain, on négocie vraiment

Dominique Chertier avait envie de retourner dans l'industrie. Ce grand spécialiste des relations avec les partenaires sociaux manquera au Premier ministre. François Fillon a pris la main. Et de belle façon : son projet de démocratie sociale a de l'allure ; et il doit être savamment équilibré puisque chacun y va de ses critiques. La CGT et la CFDT sont ravies qu'enfin on s'engage dans la voie de l'accord majoritaire. Les autres syndicats, qui ont peur d'y perdre des plumes, sont plus que réservés. Ils ont tort : leur rôle n'en sera peut-être que plus décisif parce que leur apport fera les majorités. Le patronat trouve que la hiérarchie des normes n'est pas assez bousculée tandis que la CGT trouve qu'elle l'est trop et qu'on laisse trop de marge de négociation à l'entreprise. Les employeurs voudraient en effet que tout ou presque se négocie dans l'entreprise et que le législateur s'efface. Les syndicats s'inquiètent de la facilité offerte aux entreprises de déroger à des accords de niveau plus élevé. Bref, personne n'est content mais pour des raisons opposées, ce qui est vraisemblablement la marque d'une bonne réforme.

Il est dommage que le ministre ait cédé à la tentation de mêler à une grande réforme un grain de lutte contre les 35 heures. Mais peu importe : l'accord majoritaire sera la grande révolution qui rendra toute leur légitimité et leur responsabilité aux organisations syndicales.

Beaucoup de patrons de grandes entreprises et beaucoup de DRH s'inquiètent des conséquences à court terme d'une telle réforme. Les DRH de grands établissements bancaires se sont ainsi exprimés contre l'accord majoritaire dans une récente tribune. Ils n'ont pas tort de penser que, dans un premier temps, l'invalidité des accords minoritaires mettra en pièces les comportements actuels (l'employeur signe avec des minoritaires et tout le monde est content : le patron a son accord, les minoritaires servent à quelque chose et les majoritaires peuvent continuer à contester sans perdre le bénéfice de la signature des autres). Mais toute réforme de structure pose des problèmes à court terme ; il faut en passer par là. Demain ou après-demain, nous aurons ainsi un paysage syndical plus uni, plus responsable – qui signera des accords. Les règles du jeu deviendront saines.

Tiens ! revoilà les 35 heures !

Intéressant contraste le lundi 13 octobre dans le dernier numéro de l'excellente émission « Mots croisés » sur France 2. Les dialogues se croisent et ne se rencontrent pas. On parle de l'emploi, des 35 heures, des relations des Français au travail. Guillaume Sarkozy, vice-président du Medef, tend des perches. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, en tend d'autres. On voit venir, derrière des déclarations naturellement contradictoires, l'envie de parler, d'échanger, de conclure quelque chose. Avenir, formation professionnelle, conditions de travail… tels sont quelques-uns des termes entendus par les téléspectateurs mais ignorés par d'autres participants au débat. Jean-François Coppé, membre du gouvernement, et Julien Dray, porte-parole du PS, n'en ont cure. Ils ne sont pas là pour parler de l'emploi, des 35 heures ou des relations des Français au travail. Ils sont là pour reprendre les joutes idéologiques, les arguments sur l'héritage, les piques qui font la joie du microcosme.

En refermant son poste, on se dit que la démocratie sociale a plus à dire sur les sujets économiques et sociaux que la démocratie parlementaire. Il nous faut les deux, bien sûr : dommage que la première soit moins télégénique.

Les Français sont heureux

Quand on interroge les salariés français sur leur entreprise, leurs conditions de travail, leurs relations avec leurs supérieurs, ils sont contents à 80 %. Le climat dans les entreprises est bien meilleur que les haut-parleurs politiques et médiatiques ne le laissent croire. Mais deux catégories de salariés sont beaucoup plus réservées.

Les agents du secteur public, d'abord : les pouvoirs publics doivent prendre conscience de l'inquiétude qui les ronge depuis que le vent des réformes a commencé à souffler dans l'administration et les entreprises publiques. Or il faut rassurer pour pouvoir réformer.

Les seniors, ensuite : après 50 ans, on s'inquiète, on n'a pas l'optimisme des jeunes sur l'avenir de son entreprise ou sur son propre travail. Si les plus de 50 ans sont inquiets, il sera difficile de prolonger la vie active des seniors. Une vraie question pour les entreprises mais aussi pour l'État qui, à juste titre, s'emploie à retarder l'âge de la retraite. Dommage à double titre. Ces quinquas, malgré leur blues, sont aussi les plus impliqués dans l'entreprise. Il en faudrait peu – l'accord sur la formation professionnelle vient à point nommé – pour leur redonner confiance en eux. Il faudrait que la « politique des âges » devienne véritablement une priorité dans les entreprises et surtout dans les services publics et l'État particulièrement immobile en la matière comme en d'autres.

Auteur

  • Bernard Brunhes