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Les facs se lancent à petits pas

Dossier | publié le : 01.09.2003 | S. D.

Alors que l'ancienne formule de validation des acquis restait relativement confidentielle dans les universités, la VAE ouvre des horizons nouveaux. Mais le dispositif oblige les établissements à renforcer leur service d'accompagnement et à reformuler leurs programmes.

Branle-bas de combat à l'université Paris VII-Jussieu, située près des quais de Seine. Depuis plusieurs mois, le standard du service de formation continue explose sous les appels de salariés désireux d'obtenir des informations sur le nouveau dispositif de validation des acquis de l'expérience. « Récemment, un jeune qui avait échoué au bac nous a demandé s'il pouvait décrocher une licence », raconte Marie-Thérèse Singh, ingénieur d'études, chargée de la VAE. Le même phénomène est observé dans toutes les universités. « Des techniciens de niveau bac ou bac + 2 souhaitent faire reconnaître leurs compétences en visant une licence professionnelle ou un DESS », note Paul Nkeng, responsable de la VAE à l'université Louis-Pasteur de Strasbourg.

Pourtant, jusqu'à présent, la validation des acquis, portée par les textes de 1985 et 1992, n'avait guère suscité d'engouement dans l'enseignement supérieur. En 2001, 16 000 personnes seulement en avaient bénéficié, selon le ministère de l'Éducation. Et, dans 13,5 % seulement des cas, la validation des acquis professionnels, instaurée par la loi de 1992, qui dispense d'une partie des épreuves aux examens, était utilisée. La VAE pourrait bien changer la donne. Ainsi, à l'université de Lille I, 150 dossiers sont dans les tuyaux et une quarantaine de candidats sont déjà passés devant un jury. À l'université Marc-Bloch de Strasbourg, 70 personnes ont pu faire valider leurs acquis professionnels, à l'université d'Aix-Marseille III, 8 sont reparties avec leur diplôme sans repasser par la fac. Un peu à la traîne, Paris VII expérimente le dispositif. « Depuis mars 2002, nous sensibilisons les enseignants à la nouvelle mesure et actuellement deux demandes de validation sont en cours d'instruction », présente Marie-Thérèse Singh. Mais, devant l'afflux de demandes et pour respecter l'esprit de la loi, les universités doivent souvent renforcer leur service de formation continue et procéder à quelques ajustements. À Aix-Marseille III, l'université a amélioré l'accueil et l'accompagnement des intéressés. « La reconstruction du parcours professionnel, qui peut facilement prendre trois mois, semble fastidieuse au candidat. Pour l'aider à se positionner, nous le recevons en entretien individuel et lui faisons remplir un dossier où il formalise ses aptitudes, ses connaissances », décrit Basile Sircoglou, directeur de la formation continue.

Des jurys dotés de nouveaux pouvoirs

En Alsace, les quatre universités de la région ont harmonisé leurs pratiques afin d'avoir une vision pédagogique commune. Les universités Marc-Bloch et Robert-Schuman se sont ainsi chargées de la communication externe, Louis-Pasteur de définir un dossier commun. « Les candidats doivent décrire de façon exhaustive leur projet personnel, leurs activités bénévoles, leurs acquis et analyser leur expérience professionnelle », raconte Paul Nkeng. Les services d'accompagnement, facturés à hauteur de 600 euros en moyenne, contrebalancent l'absence de moyens supplémentaires.

C'est pour donner un coup d'accélérateur à ce mouvement naissant que le Fonds social européen finance un programme de développement de la validation des acquis dans l'enseignement supérieur. Depuis 2000, une enveloppe de 6,6 millions d'euros a profité à une cinquantaine d'écoles et permis des opérations de communication ou la mise en place de procédures d'accueil. Depuis 2002 sont aussi organisées des journées de formation destinées à 1 000 administratifs et enseignants. Une formation rendue d'autant plus nécessaire que les jurys, composés à la fois d'enseignants et de professionnels, se retrouvent dotés de nouveaux pouvoirs. Non seulement ils doivent aujourd'hui évaluer des savoirs acquis loin des murs de l'université, mais aussi prescrire différents compléments de formation en cas de validation partielle.

« Un candidat qui ne décroche pas l'intégralité de son diplôme n'est pas obligé de retourner à l'école pour obtenir ce qui lui manque, explique Michel Feutrie, vice-président chargé de la formation continue à Lille I. Le jury peut, par exemple, lui demander de fournir une recherche personnelle. Une salariée qui assumait le poste d'ingénieur dans une entreprise agroalimentaire désirait ainsi sanctionner son expérience par un diplôme d'enseignement supérieur. En examinant son dossier, le jury s'est aperçu qu'il lui manquait seulement des compétences en sécurité alimentaire. Il lui a alors proposé de faire une étude dans un des services de son entreprise. » Pour Hugues Lenoir, directeur du centre d'éducation permanente à Paris X-Nanterre, « par comparaison avec la VAP, qui obligeait le candidat à valider au moins un module, la VAE ne change pas grand-chose si ce n'est qu'elle permet de décrocher 100 % d'un titre. Par ailleurs, les connaissances non maîtrisées peuvent être acquises en employant des cheminements différents ». Conclusion, le travail finit par peser autant que les savoirs académiques. Et l'expérience devient un autre mode d'accès aux certifications, au même titre que la formation initiale ou continue. « La VAE peut constituer une véritable valorisation sociale pour des salariés faiblement diplômés », souligne Basile Sircoglou. Une révolution culturelle qui inquiète de nombreux universitaires, lesquels craignent de voir les diplômes bradés. Mais ce sont les écoles d'ingénieurs ou de commerce qui ont le plus grand mal à délivrer leur prestigieux diplôme en s'appuyant sur un simple dossier de validation. « Les universités doivent établir des systèmes d'évaluation pertinents car elles n'ont aucun intérêt à voir leurs diplômes dévalorisés », contre-attaque Michel Feutrie.

Mais les meilleures volontés butent sur une difficulté majeure : comment établir des correspondances entre les programmes et les acquis des candidats ? Comment s'assurer en effet qu'un éducateur possède les mêmes capacités qu'un licencié en psychologie ? Un chargé de formation autodidacte maîtrise-t-il les mêmes matières que le titulaire d'un DESS en GRH ? « Dans l'enseignement supérieur, la définition de référentiels de métiers est un exercice périlleux car nos formations développent des capacités assez transversales », analyse Michel Feutrie. À l'université Louis-Pasteur, un comité de pilotage a été mis en place pour aider les enseignants à reformuler leurs programmes. « L'objectif étant de redéfinir les diplômes en termes de compétences », conclut Paul Nkeng. Pas une mince affaire !

Un répertoire pour rendre le système plus lisible

Il n'est pas toujours aisé pour le commun des mortels de s'y retrouver dans le maquis des certifications existantes. Entre les 11 000 diplômes de l'enseignement supérieur, ceux du secondaire, les quelque 400 certificats de branche, des chambres consulaires, etc., pas moins de 15 000 titres sont actuellement recensés. C'est pour pallier cet inconvénient que le législateur a décidé de la mise en place d'un Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). « L'objectif est de rendre le système plus visible et accessible à l'ensemble des acteurs, qu'ils soient salariés, employeurs, agences pour l'emploi », souligne Michel Feutrie, rapporteur général de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), chargée d'établir et de mettre à jour le répertoire.

« Un répertoire lisible peut permettre aux salariés de mieux exercer leur droit à la validation et à la certification », ajoute Régis Regnault, conseiller confédéral CGT, chargé de la formation initiale et continue. Actuellement en cours d'élaboration, une première version devrait être consultable sur Internet cet automne, le chantier devant en principe être achevé à l'horizon 2004. Pour chaque certification, une fiche synthétisera les compétences acquises, les débouchés possibles et les modalités d'accès.

De belles foires d'empoigne !

Si les titres délivrés au nom de l'État sont enregistrés de plein droit, ce n'est pas le cas des certifications de branche et des chambres consulaires qui doivent en faire la demande. « L'une des conditions d'inscription consiste à mettre en œuvre un dispositif de VAE », explique Patrick Le Bourlay, chef du service emploi à l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie. A contrario, un titre non enregistré dans le Répertoire ne pourra pas s'obtenir par le biais de la VAE. Pour les fédérations d'employeurs comme l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ou la Fédération française du bâtiment (FFB) qui encouragent les certificats de qualification professionnelle (CQP), mais aussi pour les chambres de commerce et d'industrie qui comptent pas moins de 250 titres homologués, cette reconnaissance constitue un enjeu majeur et peut contribuer à la promotion de leurs formations. Plus nuancée, Marie-Dominique Pinson, chef du service formation à la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, affirme : « Nous avons toujours privilégié les diplômes d'État, inscrits d'office au Répertoire, aux CQP, qui ne peuvent venir qu'en complément. Actuellement, nous travaillons pour faire recenser deux de nos titres homologués, l'un portant sur la gestion, le second sur la reprise d'entreprises artisanales. »

La Commission nationale doit aussi saisir l'occasion pour faire le ménage parmi la pléthore de titres. Ainsi, à terme, les diplômes aux intitulés similaires (un DESS en management des ressources humaines, par exemple, et un DESS en GRH) devraient être synthétisés sous la même fiche. Afin de rendre le système plus lisible encore et de permettre aux jurys de mieux évaluer le parcours des candidats, des correspondances entre les certifications devraient être établies. « Les titres ne possèdent pas la même valeur marchande et le droit à la mobilité professionnelle n'est jamais mieux couvert que par un diplôme d'État. Différents types de certifications peuvent cohabiter mais il est important de trouver des correspondances », juge Régis Regnault. Un exercice qui promet de belles foires d'empoigne. S. D.

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  • S. D.