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Les PME restent à la traîne

Dossier | publié le : 01.06.2003 | D.G.

Même si elles y ont intérêt, rares sont les PME qui signent des accords d'intéressement. Mais celles qui le font savent se montrer audacieuses et en faire un véritable outil de management.

Pas de miracle pour les salariés des PME. Selon l'enquête de la Dares sur l'épargne salariale réalisée en 2000, 6,5 % seulement des entreprises de 10 à 50 salariés et 4 % des moins de 10 salariés ont mis en place un accord d'intéressement. « Rares sont les patrons de PME qui acceptent de partager un bout du gâteau sans y être contraints », constate Joseph Thouvenel, secrétaire de l'Union départementale CFTC de Paris et représentant du syndicat chrétien au comité intersyndical de l'épargne salariale. D'autant que les syndicats, quasi inexistants dans les entreprises de cette taille, peuvent difficilement jouer le rôle d'aiguillon. Mais les experts pointent surtout la méconnaissance du cadre légal des dirigeants de PME. « Quand ils ne confondent pas purement et simplement participation et intéressement, beaucoup d'employeurs rechignent à s'aventurer dans ce qu'ils pensent être une usine à gaz », regrette Sandrine Leduc, directrice générale du cabinet JMR Consulting.

Compliqué à mettre en œuvre, l'intéressement ? Ce n'est pas l'avis de Ludovic Dizengremel, un agent général des AGF dans l'est de la France. « Mon accord tient en deux pages. Je l'ai rédigé moi-même après m'être renseigné auprès de mon avocat. » Pas de difficulté particulière, non plus, pour Philippe Villevalois, président de Triangle Technologie, une SSII de 17 salariés de la région parisienne : « Je n'ai jamais rien appliqué d'aussi simple. Ce n'est pas plus difficile que de rédiger un contrat de travail. »

Séduire les candidats, fidéliser les salariés

Même si les obstacles administratifs et juridiques ne sont pas inexistants, les PME ont tout intérêt à conclure un accord d'intéressement. C'est la conviction de Louise Guerre, qui dirige la société Serda, une entreprise d'une vingtaine de salariés spécialisée dans l'archivage et la sécurisation des documents. « Plus qu'un simple dispositif d'épargne salariale, l'intéressement est un véritable outil de management », estime l'ex-présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD). Éric Castelain, qui a repris, fin 2002, la société de formation en langues Logos, au bord de la liquidation judiciaire, veut s'en servir pour insuffler une nouvelle dynamique à ses 35 salariés. « J'inscris la mise en œuvre d'un accord d'intéressement dans une stratégie plus globale de remotivation de mes collaborateurs », explique ce jeune entrepreneur.

Pour Philippe Villevalois, l'intéressement permet à la fois de séduire les candidats lors des entretiens d'embauche et de fidéliser les salariés en poste : « Avec ce dispositif et le plan d'épargne d'entreprise que j'ai mis en place, je pense être mieux armé que les concurrents de même taille pour retenir des collaborateurs tentés par les avantages sociaux d'une grande entreprise », confie-t-il.

Reste, pour assurer le succès de l'intéressement, à susciter l'adhésion des salariés. À cet égard, les critères retenus pour le calcul de la prime s'avèrent souvent déterminants. Pas question de s'en tenir à des considérations financières comme le cash-flow, l'excédent brut d'exploitation ou encore la marge nette, sous peine de démotiver les troupes. « Il faut que les critères parlent aux salariés, faute de quoi ils ne se sentiront pas impliqués », prévient Sandra Leduc, directrice générale de JMR Consulting. Message reçu cinq sur cinq à La Mie câline, un réseau de 120 boulangeries franchisées. Outre la croissance de la marge brute, la direction a mis en avant deux paramètres facilement mesurables par chaque salarié : l'évolution du nombre de clients et le montant du panier moyen. Ces données sont communiquées chaque mois par les responsables des 11 magasins pilotes qui ont signé un accord d'intéressement. « De cette manière, les salariés peuvent eux-mêmes mesurer l'impact de leur productivité. Dans le même esprit, nous avons choisi de verser une prime trimestrielle afin que les salariés voient rapidement le résultat de leurs efforts », explique Odile Desmedt, directrice des ressources humaines de La Mie câline. Mais les entreprises optent majoritairement pour une prime annuelle.

Carte blanche aux collaborateurs

Encore plus audacieuses, certaines PME ont associé leur personnel à l'élaboration des indicateurs. Une forme de cogestion de l'intéressement. Filiale du groupe Vinci Energie, GTIE Ardennes (35 salariés) a constitué une commission composée d'un représentant de chaque catégorie de salariés : un cadre, un chef d'équipe, un ouvrier, ainsi que le dirigeant de l'entreprise, Pierre Worms. « Ma voix compte autant que celle des autres, indique ce dernier. Nous nous réunissons une fois par an pour calculer ensemble le montant de la prime et pour réévaluer la pertinence des critères. » Chez Serda, Louise Guerre a carrément laissé carte blanche à ses collaborateurs. « J'ai choisi le premier élément de calcul de la prime d'intéressement, à savoir la valeur ajoutée, car si notre chiffre d'affaires était en constante augmentation, il ne nous restait pas grand-chose à la fin de l'année, une fois retranchées les dépenses. J'ai ensuite demandé aux salariés de choisir librement un second critère », raconte la présidente de Serda. À l'issue d'une séance collective de brainstorming, ces derniers ont suggéré d'introduire un indicateur de fidélisation des clients. « Nous avons conquis de nouveaux clients et de nouveaux marchés, mais nous ne nous occupons pas assez de la clientèle existante », a conclu le groupe de travail. Les résultats ont suivi : entre 1995 et 1998, au terme du premier accord d'intéressement maison, la valeur ajoutée a augmenté de 15 % et la fidélisation des clients de 25 % !

« En matière d'intéressement, il est sans doute plus facile d'innover dans les PME », conclut Valérie Jaunasse, de la Cegos. Mais vu le faible pourcentage de petites entreprises dotées d'un accord d'intéressement, il reste du chemin à parcourir !

Auteur

  • D.G.