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Le casse-tête de la Sécu

Dossier | publié le : 01.05.2003 | S. D.

L'expatriation est souvent préférée au détachement, limité dans le temps et plus coûteux. Employeurs et expatriés cotisent alors au régime de protection du pays d'accueil. Toutefois, beaucoup d'entreprises complètent le système local pour maintenir un niveau de couverture à la française.

Expatrié ou détaché ? Entre les deux formules, certaines entreprises, néophytes en la matière, hésitent. Pressées d'en finir avec les tracasseries administratives, les PME surtout sont tentées de choisir le détachement, plus souple dans la mise en œuvre. Employeurs et détachés continuent de cotiser au régime français de Sécurité sociale, les salariés conservant les mêmes droits en matière de maladie, de maternité, d'invalidité ainsi que d'allocations familiales, de chômage et de retraite. Mais les missions de détachement sont par définition temporaires. Dans l'Espace économique européen, le règlement communautaire (1408/71) en limite la durée à deux ans. Ailleurs, les salariés détachés sont censés rentrer au bercail au bout de six ans. « Mais gare aux pays qui n'ont pas signé de convention bilatérale de sécurité sociale ! Au Japon, par exemple, l'adhésion au système de protection sociale est obligatoire. En choisissant le détachement, les employeurs paient donc une double cotisation, en France et au régime local », ajoute Alexis de Saint-Albin, délégué commercial à la direction internationale du groupe Taitbout, qui propose une palette de produits complémentaires en retraite et prévoyance pour les expatriés.

À l'inverse, les expatriés relèvent du système de protection sociale du pays d'accueil et bénéficient d'une égalité de traitement avec les locaux. Ce qui n'est pas sans poser de problème au moment de faire valoir ses droits à la retraite. Dans l'EEE comme dans les pays conventionnés (plus d'une trentaine), les règles du jeu sont précises. Les expatriés additionnent les points acquis à l'étranger en appliquant la législation locale. « Un salarié qui a travaillé en Irlande ou aux États-Unis avant de revenir en France touche une pension basée pour chaque période sur la réglementation du pays concerné », explique Alexis de Saint-Albin. En revanche, les malchanceux qui ont exercé dans un pays non conventionné se retrouvent avec un trou dans leur carrière.

Les expatriés ne doivent pas être perdants

C'est pour éviter ces désagréments et plus généralement pallier un système local défaillant que des entreprises choisissent de maintenir en plus une couverture sociale française. Une condition indispensable si elles veulent stimuler la mobilité internationale de leurs cadres et techniciens. Car la majorité des expatriés exigent de conserver leur Sécu. D'après un sondage réalisé en début d'année par l'institut Taylor Nelson Sofres auprès de 1 332 compatriotes à l'étranger, 82 % continuaient de bénéficier du régime français, 87 % souscrivaient une retraite complémentaire, 81 % une assurance chômage. Dans plus de 55 % des cas l'employeur participe aux coûts de la protection et dans 38 %, il les prend intégralement en charge.

Exemple chez Bouygues Construction, qui compte 500 expatriés. « L'objectif est de faire aussi bien que pour les salariés travaillant en France, indique François Jacquel, le DRH. Nos expatriés conservent ainsi le même niveau de protection et continuent de cotiser à une retraite complémentaire. Les frais médicaux et de maternité leur sont remboursés à 100 % grâce à un assureur privé, les accidents du travail continuent d'être couverts de la même façon. » Même discours chez Michelin, où Florence Vincent, responsable rémunération du groupe, affirme que « les expatriés ne doivent pas être perdants. En matière de protection sociale, c'est le principe d'équité qui prime. L'idée étant que les salariés qui travaillent à l'étranger bénéficient au moins du niveau de protection de leur pays d'origine. Mais parfois, en fonction des destinations, le régime de couverture local peut largement suffire ».

Pour répondre aux besoins des expatriés et de leurs employeurs, de nombreux prestataires privés (Taitbout, Axa, Groupe Verspieren, AGF, etc.) ont investi le créneau, concurrençant en partie le régime volontaire de la Caisse des Français de l'étranger, qui assure maladie, maternité, vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail ou encore maladies professionnelles. Actuellement, la CFE protège plus de 120 000 personnes, soit environ 70 000 cotisants. Un chiffre qui devrait augmenter par le fait de l'article 8 de la loi de modernisation sociale. Depuis le 1er janvier 2002, l'accès des jeunes à l'assurance maladie est facilité. Ainsi, les moins de 30 ans qui adhèrent à titre individuel à la CFE bénéficient d'une ristourne de 20 % – moitié moins pour les 30-35 ans. Si l'adhésion à la CFE ne dispense pas d'une cotisation au régime du pays d'expatriation, au moins elle garantit la continuité des droits en France. « Les employeurs ont intérêt à choisir le statut d'expatrié et à compléter le système local en s'assurant en France contre certains risques. En effet, la CFE propose des taux de cotisation inférieurs à ceux du régime général (12,8 %) qui s'applique en cas de détachement », ajoute-t-on au sein de la caisse (voir encadré page 67).

Si elles ne rechignent pas à la dépense, la majorité des entreprises optimisent leurs coûts, en jouant sur les dispositifs existants dans les pays partenaires. « En Allemagne, par exemple, la retraite de base est excellente, ce n'est donc pas la peine de cotiser en plus en France. En revanche, dans des pays comme la Chine, mieux vaut que les entreprises continuent d'adhérer aux systèmes de santé et de retraite français », note Alexis de Saint-Albin. De son côté, la CFE observe que « les contrats locaux améliorés ont tendance à se développer. En clair, les employeurs proposent à leurs salariés français de travailler aux conditions du pays d'accueil mais leur maintiennent des droits à la retraite et un niveau de couverture à la française ».

Auteur

  • S. D.