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Enquête

COMBIEN COÛTE UN SALARIÉ

Enquête | publié le : 01.04.2003 | Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon

À l'heure où les entreprises ne jurent plus que par l'optimisation des coûts, les DRH sont sommés de faire leurs comptes. Recrutement direct ou par un prestataire, gestion administrative, licenciement… tout a un prix, plus ou moins compressible. Inventaire de ces mille et une dépenses que génère la gestion des salariés.

Benchmark RH, best practices, tableaux de bord, retour sur investissement… À l'énoncé de ces mots magiques, les DRH dressent l'oreille. « En dix jours à peine, pas moins de 400 entreprises se sont inscrites pour participer à notre enquête d'automne sur les coûts de la fonction ressources humaines », se félicite Oliver Saurel, responsable de l'Observatoire Cegos de la performance de l'entreprise, qui n'en espérait pas tant. C'est une évidence, la fonction ressources humaines n'est plus un sanctuaire à l'abri des chiffres et des ratios. « Croire que tout ce qu'on fait ne se traduit pas en argent est une folie ! En réalité, on ne fait que cela », confirme Joseph Foks, directeur des ressources humaines de Colgate-Palmolive. Quant au suivi des coûts de gestion du personnel, « c'est devenu une obligation compte tenu de ce que représentent les coûts de main-d'œuvre dans les prix de revient », ajoute Jean-François Bosquet, le nouveau président de l'Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (ADFCG), selon lequel la mise en œuvre de la réduction du temps de travail a été « l'occasion de précipiter le mouvement ».

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, les services RH ont, à leur tour, été rattrapés par la course aux gains de productivité. « Le ratio le plus utilisé en la matière est le pourcentage de salariés de la fonction rapporté à celui de l'ensemble des effectifs », explique Jean-Pierre Quazza, directeur d'études à Entreprise et Personnel, auteur de nombreux travaux sur l'évolution de la fonction RH. Avec, en ligne de mire, le « 1 % » mythique importé des États-Unis, soit un ratio de 1 gestionnaire RH pour 100 salariés. Traditionnellement en retard par rapport à leurs homologues anglo-saxonnes, les entreprises françaises ont mis les bouchées doubles ces dernières années : alors qu'un employé de la fonction personnel ne gérait que 52 salariés en 2000, il en traite près de 80 trois ans plus tard, selon une enquête de la Cegos publiée en février. Il subsiste de sérieux écarts entre les entreprises industrielles et les sociétés de services : les premières ont déjà atteint, voire dépassé ce ratio, tandis que les secondes sont encore à plus du double de l'objectif (2,2 %). Pour y parvenir, les entreprises n'ont pas hésité à investir dans des progiciels de gestion intégrée ou des centres de services partagés, à l'instar de France Télécom qui a ainsi divisé par deux ses effectifs dédiés à l'administration de ses 140 000 salariés. Autres coûts passés à la moulinette, les achats de prestations qui, bon an mal an, consomment de l'ordre de 40 % du budget de la fonction RH. Si certains, comme les achats de prestations de recrutement ou d'intérim, ont dégonflé naturellement avec le ralentissement économique, d'autres ont fait l'objet d'une sévère cure d'amaigrissement. À l'instar des coûts de formation. « Nous estimons pouvoir les réduire de 40 %, par l'introduction de l'e-learning en interne », explique Jean-Marc Deniau, consultant chez Accenture.

Pas de solution miracle

Si les DRH sont passés maîtres dans l'optimisation de leurs coûts directs, ils sont, en revanche, beaucoup plus à la peine pour évaluer leur contribution à la création de valeur, faute d'outils pour lier investissement dans la ressource et résultats financiers. « La fonction RH n'a pas fait son autocritique. Elle ne possède pas de comptabilité analytique, estime Jean-Marie Simon, responsable d'Innovative RH au sein de SchlumbergerSema, filiale du groupe spécialisée dans l'optimisation du capital humain et la mise en place de systèmes RH. Contrairement aux États-Unis où il existe de vraies banques de données regroupant des centaines d'entreprises et des éléments de comparaison par secteurs, les sociétés françaises commencent tout juste à introduire des indicateurs de performance qu'elles comparent intra-muros d'une année à l'autre. » D'où l'intérêt, estiment les spécialistes des ressources humaines, de dépasser la simple logique des chiffres. « Bien entendu, il existe des repères auxquels se fier. Une entreprise qui voit le turnover de ses cadres augmenter pour dépasser les 10 % a du souci à se faire pour renouveler ses équipes dirigeantes. Mais inutile d'appliquer les mêmes solutions miracles à toutes les entreprises. Les copier-coller ne fonctionnent jamais », poursuit Jean-Marie Simon.

À vos calculettes !

S'en tenir à une stricte gestion par les coûts est une vision court-termiste qui peut s'avérer contre-productive. « Dans certains cas, il s'agit moins de réduire des effectifs que de les repositionner, estime Alain Hensgen, spécialiste des ressources humaines à PricewaterhouseCoopers. Mieux vaut privilégier la gestion des carrières, des performances, de la mobilité… » Sans surprise, l'enquête 2003 du cabinet sur le benchmark RH montre une forte corrélation entre performances et stratégie RH. À titre d'exemple, les groupes qui possèdent une vision en la matière ont un turnover de 12 % plus faible que les autres.

Encore faut-il que directions et DRH partagent le même sentiment. Deloitte & Touche UK vient de publier une étude étonnante sur la perception des ressources humaines dans 77 multinationales de plus de 1 000 salariés. Alors que l'optimisation du retour sur investissement est classée en deuxième position pour les directeurs généraux, elle n'apparaît qu'en dixième position pour la majorité des DRH. Désormais, face aux exigences de rentabilité, ces derniers n'ont plus vraiment le choix. Recrutement, administration du personnel, licenciement, tout a un prix susceptible d'être négocié. Alors, à vos calculettes !

Une embauche en direct : 9 000 euros pour un cadre

Ce chiffre moyen fait l'unanimité chez les chargés de recrutement. Il est notamment repris par le très sérieux Centre d'économie industrielle de l'École des mines de Paris (Cerna), qui a modélisé les coûts d'un recrutement réalisé en interne par petite annonce pour un poste de cadre dont la rémunération brute annuelle atteint les 38 000 euros. Le Cerna parvient à ce montant de 9 000 euros en additionnant le coût de la définition des besoins, de la diffusion de l'annonce, du tri des candidatures et des entretiens. En clair, le coût total d'un recrutement s'élève à 25 % du salaire brut du candidat. S'il est difficile de descendre au-dessous de ce seuil sous peine de nuire à la qualité du recrutement, les entreprises n'en sont pas moins regardantes sur les moyens utilisés. Les sites d'emploi sont appréciés pour leur aspect économique et leur célérité. Même si l'avalanche des CV reçus contient, en général, tout et n'importe quoi.

Reste que, toujours selon le Cerna, une annonce sur le Web ne coûte que 300 euros pour deux semaines et diminue le temps total de recrutement des deux tiers par rapport à une embauche classique. La société d'études de marché Iri-Secodip a ainsi vu ses coûts de recrutement « divisés par deux grâce à Internet », estime son directeur financier Jean-François Bosquet, par ailleurs président de l'Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion. Avec seulement « une personne et demie », il peut désormais réaliser une centaine de recrutements par an. Vive, donc, le meilleur rapport qualité-prix !

Otis est parvenu à ramener le coût moyen d'un recrutement à 5 000 euros grâce à un logiciel permettant d'établir des ratios entre le coût de la source de recrutement et le nombre de candidats embauchés. « Pour une annonce dans la presse, nous savons quels sont les supports les moins coûteux, les plus efficaces pour tel type de fonction. Nous réalisons des statistiques sur le taux de rendement des CV. Mieux vaut, en effet, ne récolter que quelques CV mais de qualité plutôt que de crouler sous une multitude de réponses qui ne déboucheront sur rien », estime Emmanuel Binet, chargé du recrutement des collaborateurs chez l'ascensoriste. Et de multiplier les pistes pour gagner quelques deniers, comme remonter jusqu'aux établissements d'enseignement supérieur pour trouver des candidats en se passant d'intermédiaires.

Une cooptation : De 0 à 1 500 euros

Cette vieille méthode a de nombreuses vertus pour les entreprises qui traquent le gaspi. Aux salariés de se transformer en chasseurs de têtes (et de primes) et de dénicher l'oiseau rare au sein de leur entourage. Soit l'entreprise rétribue le cooptant, c'est le cas d'Otis qui verse une prime de 600 euros (près de 700 euros pour la société Cadextan et jusqu'à 1 500 euros chez Ernst & Young), soit elle le remercie chaleureusement, sans espèces sonnantes et trébuchantes. « Pour ne pas introduire de dérives », justifie un recruteur. L'avantage de la cooptation ? Trouver rapidement des candidats avec un taux de réussite élevé. Chez Otis, qui réalise par ce biais un tiers de ses embauches, neuf propositions sur dix se transforment en recrutement et la fidélité des cooptés s'avère être plus solide. « Quand le taux de turnover s'élève à 10 % pour les personnes recrutées par voie de presse, il n'est que de 3 % pour les cooptés », indique Emmanuel Binet, chargé du recrutement.

Un cabinet de recrutement : 25 à 30 % du salaire brut

Dans le grand mouvement d'externalisation des RH, le recrutement occupe une place de choix. Débarrassés de cette tâche opérationnelle, les responsables des ressources humaines ont toute latitude pour s'occuper de stratégie. Mais, en acheteurs avertis, ils se montrent extrêmement sourcilleux sur les budgets. Dans une conjoncture difficile, le rapport de force balance en leur faveur pour pressurer les cabinets. « Il n'est pas question de faire du dumping ou de brader les prix, assure Didier Bonnefoy, directeur général du cabinet Korn Ferry Europe. Mais de s'engager sur la qualité et sur la durée. » Conclure un contrat annuel avec une société permet d'optimiser les coûts et de les ramener à 20 % du salaire brut du candidat.

En marge de ces forfaits, des méthodes plus agressives retrouvent une seconde vie. À commencer par le contingency, couramment pratiqué par le cabinet Michael Page. Il s'agit d'accepter d'être mis en concurrence avec d'autres cabinets et rémunéré au résultat. En clair, c'est la prime à celui qui dégainera le plus vite. Peu importe si la qualité des CV n'est pas nécessairement en adéquation avec la demande, ni si les candidats proposés ne sont pas au courant que leur CV circule sur le marché.

Pour réduire encore et toujours les coûts d'acquisition d'un salarié, les cabinets doivent désormais faire montre d'imagination. En association avec Korn Ferry, CoRe International (Deloitte & Touche Luxembourg) a eu l'idée de tirer parti de la déréglementation européenne en matière de circulation des personnes et du décloisonnement des régimes européens de sécurité sociale pour inventer le « recrutement-détachement ». Il suffit, pour les entreprises multinationales, de posséder une implantation – pas un simple bureau, la filiale en question doit justifier d'un chiffre d'affaires important – dans un pays à faibles charges sociales. De préférence le Luxembourg, la Grande-Bretagne ou l'Irlande. Et d'y détacher des salariés qui n'y mettront jamais les pieds.

« Ce montage est totalement légal et verrouillé, notamment depuis l'arrêt rendu en février 2000 par la Cour européenne de justice dans l'affaire Fitzwilliam Executive qui affirme le droit des sociétés et des travailleurs d'exercer leur liberté en matière de circulation et de prestations de services », explique Jean-François Mirarchi, associé gérant du cabinet Deloitte & Touche au grand-duché. Une entreprise française qui a besoin d'un cadre français ou étranger pour la France va envoyer sa recrue faire un petit tour au Luxembourg, lui délivrer un contrat local d'un an (ou deux maximum) et le ramener au bercail. Les cotisations sociales luxembourgeoises s'élèvent à 12 %, contre 45 % dans l'Hexagone. Pas besoin de sortir sa calculette pour comprendre que la différence de charges va largement compenser les coûts de recrutement interne et externe. « L'entreprise y gagne, le salarié aussi, car il bénéficie de prestations sociales élevées », poursuit Jean-François Mirarchi. Et si le salarié détaché tombe malade, il est remboursé au même titre qu'un salarié français. L'État français se chargeant ensuite de récupérer la différence auprès du Luxembourg. Dans cette logique, Airbus a signé en 2001 un accord exceptionnel de détachement avec quatre États membres (Allemagne, Espagne, France et Royaume-Uni) fixé à douze ans. Au gré de leurs pérégrinations, les salariés du constructeur aéronautique peuvent ainsi rester assujettis à la législation de sécurité sociale de l'État membre dont ils relevaient avant d'être détachés.

Un chasseur de têtes : 30 % du salaire annuel du cadre

Plutôt délicat, pour un dirigeant d'entreprise, de décrocher lui-même son téléphone pour débaucher une grosse pointure chez un concurrent. Dans ce cas, le recours à la chasse de têtes est un point de passage obligé. Mais il est difficile de faire baisser le coût de ce type de recrutement, à moins de faire jouer les volumes et d'obtenir des forfaits. « Les entreprises exercent bien entendu une pression sur les coûts. À nous de leur prouver notre valeur ajoutée en apportant la qualité dans la diversité, les références et le suivi des candidats », souligne Christophe Tellier, chasseur de têtes chez Russell Reynolds.

Pour se montrer compétitifs, d'autres cabinets, plus rares, facturent au temps passé. De quoi réaliser de substantielles économies. « À supposer que l'on trouve la bonne recrue en une journée, est-il raisonnable de présenter au client une addition de 50 000 euros ? » s'interroge Jean-Alain Baup, cofondateur de Leroy Consultants, désormais président du cabinet Arnava, spécialiste du recrutement et de l'évaluation. Le système implique d'ouvrir « la boîte noire » au client, de lui justifier le nombre d'heures de phoning, de prestations de consultants juniors ou seniors… « En fonction du profil requis, nous réalisons une estimation et prévenons l'entreprise que le coût peut varier de 50 à 150 %. Au-delà, nous garantissons le risque. L'idée est de pousser les clients au partenariat, à nous soumettre leurs pistes, s'ils en ont, plutôt que de jouer la concurrence. On va deux fois plus vite. Imaginons une facturation quotidienne à 2 300 euros : le temps nécessaire pour atteindre 46 000 euros, soit le tiers du salaire d'un cadre supérieur, représente vingt jours à temps plein d'un consultant senior. Jusqu'à présent, nous n'avons jamais dépassé les 28 000 euros pour une mission », jure le consultant.

Une embauche ratée : 275 000 à 550 000 euros

Voilà des chiffres qui montrent bien que la course aux économies peut s'avérer contre-productive. Trop rarement calculés parce que très difficiles à évaluer, les coûts cachés d'une erreur de recrutement pèsent pourtant lourd. DRH avant d'être consultant à Entreprise et Personnel, Jean-Pierre Quazza avait calculé le coût d'un tel ratage. « Recruter à la va-vite revient à reculer pour mieux sauter. S'il faut se séparer de la personne un an plus tard avec des indemnités, y ajouter le coût du deuxième recrutement, la perte de chiffre d'affaires parce que la personne n'était pas compétente dans son secteur, le manque à gagner risque d'osciller entre 275 000 et 550 000 euros. » Un commercial doit rester entre vingt-quatre et trente mois en poste pour rentabiliser l'investissement de son recrutement et de sa formation, estime, quant à elle, la société d'études Iri-Secodip.

La gestion administrative : 500 à 600 euros par salarié

Parole d'expert, puisque tel est le chiffre avancé par ADP-GSI, spécialiste de l'externalisation des tâches administratives du personnel, en se fondant sur les résultats des audits réalisés chez ses clients. Une moyenne annuelle qui recouvre toutes les formalités régissant la vie d'un salarié, depuis son embauche jusqu'à son départ, en passant par l'édition de son bulletin de paie et la gestion de ses changements de situation. « Par rapport aux études qui ne comptabilisent que le salaire chargé des employés du service du personnel réalisant ces tâches, il faut majorer le montant de 30 à 40 % pour tenir compte du coût des locaux occupés et des charges de gestion afférentes », explique Claude Pouillat, DRH d'ADP-GSI.

Et encore ces chiffres sont-ils très variables d'une entreprise à l'autre : « Suivant la complexité statutaire et conventionnelle de nos clients, la consommation d'heures nécessaires varie du simple au quadruple », renchérit Jean-Louis Pérol, responsable de la division des entreprises de 200 à 1 000 personnes chez ADP-GSI. Les coûts administratifs d'une enseigne de distribution en proie à un très fort turnover vont être deux fois supérieurs à ceux d'une autre société au personnel stabilisé. De même, tandis que la gestion des temps de travail va mobiliser 30 % des heures dans une entreprise industrielle, elle n'en réclamera que 5 à 10 % chez un prestataire de services à haute valeur ajoutée n'employant que des cadres au forfait jours.

Si l'externalisation de toutes ces tâches administratives permet de réaliser « au moins 20 % d'économies », selon ces deux experts, l'harmonisation des statuts (dans les entreprises régies par des conventions multiples) peut facilement doubler la mise. Autre solution très en vogue pour réduire les coûts, la mise en place d'un centre de services partagés : en regroupant dans un seul centre en Angleterre toutes ses tâches de back-office de gestion du contrat de travail de ses 110 000 salariés européens, IBM est parvenu en six ans à réduire ses coûts administratifs de 37 % tandis que les effectifs de la fonction personnel fondaient de 27 %. « Nous sommes passés d'un gestionnaire pour 80 salariés en 1996 à un pour 115 en 2002 », s'enorgueillit Tim Stevens, vice-président d'IBM France chargé des ressources humaines.

Autre solution de réduction des coûts mise en œuvre dans les sociétés multinationales, l'harmonisation des processus au niveau international. Alors que Schlumberger disposait en 1997 de 30 bases de données de personnel et de 16 systèmes de paie dans le monde, il n'en a plus qu'un aujourd'hui. Mais le nec plus ultra reste la mise en place d'un progiciel de gestion intégrée. Une solution qui, selon Jean-Marc Deniau, du cabinet Accenture, permet de diviser les coûts de personnel RH par quatre…

À condition toutefois d'être patient : compte tenu du coût total d'installation d'un tel progiciel (compris entre 76 000 euros pour l'exploitation d'un seul module jusqu'à plusieurs millions d'euros si l'on additionne les coûts d'études, de mise en œuvre et de maintenance), le retour sur investissement n'intervient, selon Bertrand Hélène, responsable du marché RH chez SAP France, au minimum qu'au bout de « deux ans et demi ». Mais quelles économies à l'arrivée ! Quatre ans après avoir investi 37 millions d'euros dans la refonte de son système d'information RH mondial, Schlumberger estimait avoir réalisé la bagatelle de 130 millions d'euros d'économies.

Un déménagement : 15 000 euros par salarié

C'est la facture minimale pour inciter un salarié à déménager avec armes et bagages au sein de l'Hexagone. « Le prix comprend le déménagement proprement dit, soit environ 5 000 euros, mais aussi la prime de rideaux pour couvrir les frais d'installation, les frais d'accompagnement à la mobilité, les frais éventuels de double résidence qui, selon les entreprises, peuvent atteindre six mois de loyer, détaille Bernard Martelet, directeur de l'entreprise de relocation Move In. Tout dépend de la motivation de l'entreprise à doper la mobilité. Les prix peuvent considérablement augmenter. » Il en coûte souvent jusqu'à 23 000 euros par salarié. Les DRH ont un autre ratio en tête. « Faire déménager les gens ou les licencier coûte environ la même chose : un an de salaire », estime un DRH.

Car la douloureuse s'alourdit vite, surtout s'il s'agit d'une mobilité internationale. Prendre en charge les frais de scolarité des trois enfants au lycée français de Rome ou la location de l'appartement de fonction à Londres grève les budgets. « La facture peut vite tripler, voire quadrupler », souligne Roland Fiorile, consultant chez BPI. Du coup, le prix de la mobilité est examiné à la loupe. « La question pertinente à se poser à chaque fois, pour chaque pays et pour chaque poste, est : vaut-il mieux expatrier un salarié ou faire appel à un local ? » explique Gérard Mathevet, directeur expatriation, internationalisation, mobilité pour l'ensemble du groupe TotalFinaElf, lequel compte 3 000 expatriés sur une population de 130 000 personnes. Sachant que la première solution est beaucoup plus onéreuse. « Un détachement à l'international revient à deux fois et demie le coût du cadre dans son pays d'origine », observe, pour sa part, le vice-président d'IBM France chargé des ressources humaines, Tim Stevens.

Un licenciement porté devant les tribunaux : 6 à 18 mois de salaire

Six mois de salaire, tel est le minimum accordé par les tribunaux pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse. À condition que le salarié justifie de plus de deux ans d'ancienneté et travaille dans une entreprise de plus de 10 salariés. Contrairement aux idées reçues, les salariés n'ont guère de chance d'obtenir des sommes mirobolantes aux prud'hommes. « On voit parfois des salariés réclamer plus d'années de salaire qu'ils n'ont travaillé dans l'entreprise. Ce n'est pas réaliste, souligne Joël Colbeaux, avocat au cabinet Grand, Auzas et Associés. Personne n'obtient trois, voire quatre ans de salaire aisément. En fonction de l'âge, de l'ancienneté et des circonstances de la rupture, les dommages et intérêts oscillent entre six et dix-huit mois. » Licenciée pour avoir refusé la modification de la répartition des horaires de travail, une caissière a obtenu gain de cause devant la cour d'appel d'Agen. Ses dix-huit ans d'ancienneté à raison de 460 euros mensuels lui ont valu une indemnité de… 4 570 euros.

Cela dit, les salariés ont tendance à porter très vite et beaucoup plus souvent les affaires au contentieux. Ce qui pousse les entreprises à provisionner des sommes rondelettes dès qu'elles reçoivent le papier bleu d'une assignation en justice. En outre, les revirements de jurisprudence poussent les entreprises à contracter des assurances comportant une protection juridique. Ou à négocier avec les cabinets d'avocats des forfaits en fonction du volume de contentieux. Pour ne pas laisser déraper ses dépenses en la matière, Otis a multiplié les pistes. Le département juridique de la société a conclu un abonnement pour le conseil, un autre pour les dossiers contentieux. Plus le volume annuel est important, plus les coûts sont réduits (jusqu'à 15 % en moins). Mais l'entreprise a également recours à son organisme patronal, le GIM, dont les prestations sont gratuites pour les adhérents, et elle fait, selon les cas, appel à des avocats de province qui connaissent mieux le terrain et sont 20 à 30 % moins chers que leurs homologues parisiens.

Une précaution de bon aloi car un contrat de travail rédigé à la va-vite peut receler quelques coûteuses bombes à retardement. À l'instar des heures supplémentaires des cadres… ou des clauses de non-concurrence. À la faveur d'un revirement de jurisprudence de juillet 2002, si ces dernières ne comportent pas de contrepartie financière, elles sont susceptibles d'être remises en cause, et rétroactivement. « On peut considérer que les indemnités versées sont équivalentes à la moitié du salaire mensuel par “mois de non-concurrence” », souligne Jilali Maazouz, avocat au cabinet Coudert. À l'automne 2002, Allium a dû verser 30 000 euros de dommages et intérêts à un employé dont le salaire annuel de base s'élevait à 36 600 euros.

Une transaction : 4 mois à 1 an de salaire

Pas de secret, lorsque le divorce est consommé, les indemnités transactionnelles d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont mesurées à l'aune du risque prud'homal. À chacune des parties de se montrer habile. Les directions proposent généralement un mois de salaire de moins que ce qu'elles seraient susceptibles de payer sur décision du tribunal. Pour les salariés, la tentation est forte d'empocher le chèque pour échapper à l'aléa de justice et percevoir leurs indemnités sur-le-champ. Et plus on est haut placé dans la hiérarchie, plus le chèque compte de zéros. « Les dirigeants partent rarement à moins de douze mois de salaire, constate Jilali Maazouz, du cabinet Coudert. Sans oublier les outplacements individuels à 11 000, voire 15 000 euros. » Et de citer l'exemple d'un inventeur licencié avec six ans et demi de salaire, soit 1,7 million d'euros.

Néanmoins, pour le commun des mortels, ces montants sont revus à la baisse. « Les indemnités de départ équivalentes à quatre ans de salaire, soit 1,3 million d'euros, versées récemment à un cadre dirigeant, avec téléphone portable, ordinateur, voiture et outplacement à 15 000 euros… sont très loin d'être monnaie courante », renchérit l'avocat Joël Colbeaux. D'autant que ces transactions sont théoriquement imposables sur tout ce qui dépasse les indemnités conventionnelles et légales. À l'administration fiscale de définir les limites de ce qu'elle estime relever des dommages et intérêts échappant à l'impôt.

Autre souci pour les entreprises : la remise en cause par les juges du caractère réputé définitif de la transaction. Il ne suffit plus de transiger pour se croire à l'abri de la justice. Comme en témoigne l'arrêt Wilmotte de la Cour de cassation de janvier 2001. Une imprécision dans la notification des motifs de la rupture et c'est toute la transaction qui vacille. Néanmoins, tout bien pesé, les transactions ont de beaux jours devant elles. Les entreprises y gagnent du temps et de l'argent. « Entre les indemnités, la perte de temps liée au procès et les honoraires des avocats, il n'y a pas photo, calcule une juriste d'entreprise. Mieux vaut négocier le départ entre quatre yeux. »

Le licenciement d'un salarié protégé : 1 an de salaire

Les employeurs le savent bien : la justice ne badine pas avec la protection des représentants du personnel. En outre, les salariés protégés ne peuvent être licenciés sans l'autorisation préalable d'une inspection du travail très vigilante sur le motif invoqué. Celui-ci doit être indépendant du mandat et présenter un caractère particulier de gravité. Impossible de transiger si l'Inspection du travail s'oppose au licenciement. En revanche, lorsque celle-ci l'autorise, les indemnités transactionnelles peuvent s'envoler. Essentiellement pour les délégués syndicaux. « Là où on octroierait six mois de salaire à un collaborateur lambda, on propose un an », relève une avocate. Après dix ans d'ancienneté, le rédacteur en chef technique d'une agence de publicité, élu au comité d'entreprise, a perçu 114 500 euros, soit trente mois de salaire !

Un « golden parachute » : 2 ans de salaire

En matière d'indemnités, il existe de sacrés veinards. À Canal Plus, les parachutes sont en or massif. Pierre Lescure parti, la majorité de l'équipe dirigeante lui a emboîté le pas. Sans oublier de faire valoir ses droits aux indemnités de départ, contractualisées depuis 2000. Denis Olivennes, l'ancien DG de Canal Plus, aurait ainsi touché une indemnité nette de 3,2 millions d'euros… pour deux ans d'activité ; Philippe Duranton, l'ancien DRH, 1,6 million d'euros net ; et Sylvie Ruggieri, la dircom, 1,3 million d'euros net. Jean-Marie Messier, qui s'était déclaré contre les golden parachutes en a pourtant signé quelques-uns, toujours valables, même après son départ. En décembre 2002, Jean-François Colin, l'ancien DRH de Vivendi, n'est pas parti les mains vides. « L'exemple vient toujours de très haut en matière de départ et tout dirigeant qui se respecte négocie des clauses indemnitaires sans commune mesure avec le mieux traité des salariés licenciés », explique Frédéric Bruggeman, responsable du pôle licenciements et restructurations de Syndex. Cela étant, les golden parachutes ont sérieusement tendance à réduire la voilure. Fiscalement, ils ne sont plus aussi attrayants. Depuis 1999, ils sont taxés au-delà de 357 740 euros. Mais, surtout, le risque pénal menace. Plus question de laisser en héritage à la nouvelle équipe dirigeante une série de contrats aussi favorables. Devant une clause qu'elle estimerait abusive, une entreprise peut demander au juge de revoir les montants à la baisse.

Un plan social : 12 à 18 mois d'amortissement

Dix-huit mois ! Selon Jean-François Carrara, directeur au cabinet Algoé, « c'est la durée moyenne pour récupérer sous forme d'économies de masse salariale ce qu'une entreprise a investi dans un plan social équilibré ». Soit un « investissement » d'un peu plus de 40 000 euros pour un salarié gagnant environ 2 300 euros brut par mois. Chiffre que tempère Frédéric Bruggeman, de Syndex : « Cela vaut surtout pour les plans dotés de moyens hors du commun pratiqués dans les grandes entreprises, car, pour les autres, le point d'équilibre se situe plutôt autour de douze mois. » Jean-Pierre Quazza, d'Entreprise et Personnel, évoque un autre motif : « En tenant compte des baisses d'impôts générées par la diminution des bénéfices liée aux provisions pour plan social, les entreprises peuvent économiser jusqu'à 30 % du coût des départs. »

En tout cas, ce ne sont pas les mesures de reclassement qui chargeront la barque : elles ne mobilisent que 20 % du coût total. Et sur cette somme il faut retrancher les revenus du salarié en reclassement, en particulier depuis que la loi de modernisation sociale a instauré dans les entreprises de plus de 1 000 personnes un congé supplémentaire de reclassement (rémunéré de 65 à 85 % du salaire brut pour un smicard). Autre coût, celui d'une cellule de reclassement standard, qui s'établit en moyenne entre 1 067 euros – base de remboursement par l'État d'une cellule financée à 50 % par le FNE – et 3 200 euros par salarié. Un chiffre variable selon les moyens mis par l'entreprise pour la faire fonctionner (de la mise à disposition de locaux jusqu'à l'utilisation des outils existants de gestion prévisionnelle de l'emploi) et le niveau de qualification des salariés concernés. Le suivi individualisé d'un cadre en outplacement est compris entre 11 000 et 15 000 euros. Quant aux frais annexes au reclassement, ils se décomposent pour l'essentiel entre la formation – dont le budget s'établit entre 1 500 et 3 000 euros par tête, sachant que seuls 30 % des salariés seront concernés – et une aide à la mobilité, la fameuse « prime de rideaux », d'un montant équivalent.

Les indemnités et primes de départ : 80 % du coût du plan social

En dépit des beaux discours sur l'importance des reclassements, les chèques-valises continuent de se tailler la part du lion dans la négociation des plans sociaux. « Les montants légaux et conventionnels étant acquis, tout l'enjeu de la négociation se reporte sur le montant de l'indemnité préjudicielle, celle qui vient en plus de tout le reste », observe Frédéric Bruggeman, du cabinet Syndex. Dans ce domaine, il n'y a pas de limites : « Tout dépend de la santé de l'entreprise, du secteur d'activité et de la qualité de la négociation avec les partenaires sociaux », abonde Jean-François Carrara, directeur au cabinet Algoé, en pointant l'« extravagance » de certains montants. Pour un salaire compris entre un et deux smics, le montant de cette seule prime préjudicielle ira de 1 220 euros pour une ouvrière du textile à 45 000 euros pour un ouvrier de la métallurgie, en passant par les 12 200 euros perçus par les salariés lors de la liquidation de Moulinex. Des chiffres sans commune mesure avec les indemnités légales (quatre mois de salaire pour dix ans d'ancienneté, six mois pour quinze ans). Quant aux indemnités conventionnelles, elles sont tout aussi disparates : tandis qu'un cadre, congédié d'une société pétrolière avec trente ans d'ancienneté, perçoit vingt-quatre mois d'indemnités conventionnelles, son homologue du secteur du nettoyage doit se contenter d'un peu plus de cinq mois…

Un départ en retraite anticipée : 2 ans de salaire

Si l'État a pratiquement fermé les vannes du Fonds national pour l'emploi, les départs en retraite anticipée occupent toujours une place de choix dans les plans sociaux. Moyennant des modalités variées, dont la principale, au cours des années 90, a été l'adossement au régime d'assurance chômage. Avantage pour l'entreprise : elle pouvait garantir aux salariés concernés le maintien d'environ deux tiers de leur rémunération nette jusqu'à la liquidation de leur retraite, en ne supportant en réalité que le différentiel par rapport aux 57,2 % de l'ancienne rémunération versée par les Assedic, tout en étant exonérée du financement de la couverture sociale de ces salariés. À ce tarif-là, les firmes les plus riches savaient se montrer généreuses. Lorsque Colgate-Palmolive a restructuré sa force de vente en 1997, les préretraités se sont vu d'autant plus facilement octroyer 80 % de leur rémunération nette et le maintien de leur régime complémentaire de maladie, prévoyance et invalidité que la majeure partie du différentiel était financée par les indemnités conventionnelles des vendeurs licenciés (soit dix-huit mois de salaire pour trente ans d'ancienneté).

Toutefois, avec le renchérissement de la cotisation Delalande en 1999, l'instauration d'un congé de reclassement supplémentaire et le durcissement des conditions d'indemnisation des chômeurs âgés, Joseph Foks, le DRH du lessivier américain, a refait ses comptes : « Désormais, il revient moins cher de conserver les préretraités dans les effectifs en les libérant de toute activité. » Tim Stevens, vice-président d'IBM France, confirme : « Entre les exonérations de charges sociales, les économies réalisées sur la masse salariale et les frais d'immobilier, de téléphone ou de taxe professionnelle, le retour sur investissement de la mise en inactivité d'un de nos salariés intervient au bout de deux ans », alors qu'il va rester en moyenne six ans dans le dispositif de cession anticipée d'activité de la branche métallurgie. Évelyne, 55 ans, vient d'accepter de faire partie des 1 200 salariés qui devraient partir en préretraite d'ici à 2004. Après trente-deux ans chez Big Blue, elle tire sa révérence avec 64 % de son salaire net jusqu'à 60 ans et une indemnité de départ de trois mois de salaire. Elle demeurera salariée inactive de la compagnie. « Je conserve la mutuelle, le CE, la cantine », explique cette cadre heureuse « de laisser la place aux jeunes et de faire autre chose ».Elle ne regrette pas son choix, consciente que les quinquas de demain n'auront sans doute pas cette possibilité.

Salaires indirects en tout genre
Ou comment augmenter le revenu des salariés sans trop peser sur les coûts

Pour optimiser le ratio masse salariale sur chiffre d'affaires, rien de tel que de distribuer voiture de fonction, plan d'épargne d'entreprise ou régime de retraite sur complémentaire par capitalisation : « Le but de tous ces outils est d'accroître ce qu'ils rapportent aux salariés par rapport à ce qu'ils coûtent à l'entreprise, en jouant sur les réductions d'impôts et les exonérations de charges sociales », explique ainsi Jean-Marc Deniau, du cabinet de conseil Accenture.

En l'espèce, la formule du salaire indirect connaît de plus en plus de succès. Entre tous ces avantages, le régime de retraite par capitalisation à prestation définie fait sans conteste figure de Rolls-Royce. Ce système qui garantit à ses bénéficiaires – en général une poignée de cadres dirigeants – le versement d'une rente complémentaire définie à l'avance se révèle terriblement coûteux pour l'entreprise : « Pour 100 euros de pension servie, l'entreprise doit financer entre 150 et 200 euros », explique Jacqueline Massieux, consultante en avantages sociaux chez Hewitt Associates. Autrement dit, dans le cas d'un cadre dirigeant gagnant 230 000 euros annuels, dont la rente à servir a été fixée à 10 % de sa dernière rémunération, l'entreprise devra débourser entre 340 000 et 610 000 euros, selon son espérance de vie. « Sachant que l'assureur ne commence à verser la rente qu'à partir du moment où elle est intégralement financée le jour du départ en retraite, l'entreprise aura tout intérêt à en étaler le financement sur le plus d'années possible », précise Jacqueline Massieux. Au regard de ces montants prohibitifs, nombre d'entreprises particulièrement prospères, qui avaient mis en place de tels régimes pour tous leurs salariés dans les années 70, ont tenté d'en limiter le coût en en fermant l'accès dans les années 80 et 90. Ce qui ne les dispense pas de payer les droits acquis antérieurement. À l'instar de BP France, où l'abondement versé pour servir la rente des bénéficiaires des droits acquis avant la fermeture de ce dispositif en 1989 représente encore « plusieurs points de masse salariale chaque année », reconnaît Thierry Rondeau, directeur des ressources humaines et directeur financier du pétrolier britannique.

Dans un registre moins onéreux, et surtout plus prévisible, la mise en place d'un régime de retraite sur complémentaire à cotisation définie, comme celui mis en place par le groupe PSA l'année dernière, devrait séduire de plus en plus d'entreprises, « en particulier parce qu'elles savent sur quoi elles s'engagent », explique Jacqueline Massieux. Chez IBM, par exemple, le coût annuel d'un tel plan de retraite opérationnel depuis des décennies s'élève à « un peu plus de 1 % de la masse salariale ».

Dans un autre registre, les directeurs financiers s'intéressent de plus en plus aux régimes de prévoyance dont le coût pour l'employeur représente en moyenne 1,3 à 2 % de la masse salariale. Mais, « à garantie et risques égaux, les coûts de gestion des compagnies d'assurances varient du simple au double », explique la consultante de Hewitt Associates qui estime qu'en mettant en concurrence les prestataires l'entreprise peut économiser 0,2 à 0,3 point de masse salariale. Difficile, en revanche, de grappiller sur les coûts « tendanciellement inflationnistes, structurellement déficitaires et potentiellement conflictuels » du régime complémentaire maladie, dont l'entreprise supporte en général la moitié de la cotisation. « Sauf à s'en désengager progressivement, à chaque fois qu'une opportunité se présente », conclut Jacqueline Massieux.

Le CDD plus cher que l'intérim
Frais de recrutement, coûts de gestion, médecine du travail font la différence

Intérim ou CDD ? Pour vanter les avantages de l'intérim par rapport à l'embauche d'un salarié en contrat à durée déterminée, les professionnels du travail temporaire ne manquent pas d'arguments. Directeur de la stratégie, de l'organisation et du développement de VediorBis, Jacques Culioli n'hésite pas à sortir sa réglette à simulation : « Pour un mois de mission d'un intérimaire payé 13 euros l'heure, l'entreprise va devoir verser 3 985 euros, marge moyenne de 10 % de l'entreprise de travail temporaire comprise », explique-t-il. Dans le même temps, le coût du salarié employé en CDD se limitera, en apparence, à 3 607 euros. Mais en réalité il faut y ajouter 166 euros de frais de recrutement, 142 euros de coût de gestion, 105 euros de médecine du travail et même… 14 euros d'incidence de trésorerie (le CDD étant payé dès la fin du mois quand la facture de l'agence d'intérim est honorée au bout de quatre-vingt-dix jours). Au total, « le coût du CDD ressort à 4 178 euros, soit une différence de 193 euros en faveur de l'intérim », tranche Jacques Culioli, en invitant les PME à faire leurs propres calculs.

Si les entreprises industrielles soucieuses de réduire leurs coûts de flexibilité de la main-d'œuvre de production ont intégré cette démonstration depuis longtemps, celle-ci peine toujours, en revanche, à convaincre les DRH, à la recherche de niveaux de qualification toujours plus élevés. « L'intérim nous offre rarement la qualité de ressources que nous recherchons », résume Jean-François Bosquet, président de l'Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion. Conséquence, si l'intérim a tendance à avoir le dessus pour les missions courtes et immédiates, le contrat à durée déterminée reprend nettement l'avantage dès que le besoin est prévisible. Quitte à en payer le prix fort !

La lourde facture des coûts cachés
Stress, absentéisme, turnover… la chasse aux dysfonctionnements est rentable

Et le coût de l'absence de management, de l'absentéisme, de la démotivation, du stress ?… La facture est élevée mais peu d'entreprises osent ouvrir la boîte de Pandore. « Pourtant ces sommes sont loin d'être négligeables, soutient Patrick Légeron, psychiatre spécialiste du stress et responsable du cabinet Stimulus. Selon un rapport du BIT d'octobre 2000, le coût du stress représente pour l'Union européenne 20 milliards d'euros par an. En octobre dernier, l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail de Bilbao indiquait qu'entre 50 et 60 % des journées de travail perdues étaient liées à un problème de stress. »

Depuis vingt ans, Henri Savall, professeur de gestion, directeur de l'Institut de socio-économie des entreprises et des organisations à Lyon, s'est spécialisé dans la traque aux coûts cachés. « Une analyse approfondie des dysfonctionnements à partir d'indicateurs tels l'absentéisme, les accidents du travail, la rotation du personnel ou la non-qualité des produits permet de chiffrer précisément les coûts indirects susceptibles d'être huit à quinze fois supérieurs aux coûts directs. Mais, en moins d'un an, 25 à 60 % de ces pertes peuvent être converties en valeur ajoutée. » Et de citer l'exemple d'une société de surveillance de 219 personnes dont les coûts cachés atteignent 10 millions d'euros (45 000 euros par personne et par an), dont 410 000 euros pour le seul absentéisme.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon