logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Ruée sur un marché très convoité

Dossier | publié le : 01.04.2003 | A.-C.G.

Les masters, MBA en tête, sont devenus l'objet d'une féroce concurrence entre les business schools du monde entier. Un marché juteux, où les programmes en formation continue, les EMBA, commencent à trouver leurs marques face aux formations classiques. Pour s'y retrouver dans cette offre pléthorique, candidats et recruteurs misent sur la renommée des établissements.

Depuis la dernière rentrée, l'institut d'administration des entreprises de l'université Paris I a troqué son diplôme fondateur, le DESS CAAE (certificat d'aptitude à l'administration des entreprises) contre un rutilant master in business administration (MBA). Une première pour un établissement universitaire français. Jusqu'à présent, aucun des 26 IAE n'avait encore osé toucher à ce diplôme dont la réputation n'est plus à faire auprès des entreprises. « Le DESS CAAE est un diplôme de management généraliste, de quatre cent cinquante heures en face à face, ouvert principalement à des adultes. Une définition qui colle à celle du MBA, justifie Jean-Pierre Helfer, professeur des universités et directeur des relations internationales de l'IAE de Paris. Nous avons tout de même réaménagé le programme pour en faire un MBA pur jus. Plus d'international et plus de cours sur la maîtrise d'outils de développement personnel ont été ajoutés au contenu initial. » À l'École centrale de Paris, c'est la troisième année de la formation d'ingénieurs qui a été réformée en 2001. En allongeant cette dernière année de quatre mois (elle passe à seize mois), l'objectif de l'école était, entre autres, de l'adapter au format du master of science anglo-saxon et d'attirer ainsi des étudiants étrangers désireux de venir suivre une formation en France.

Une copie du système américain

Ces remaniements traduisent l'évolution qui s'opère actuellement dans l'enseignement supérieur. « Nous sommes tous engagés dans une logique d'internationalisation de nos programmes », explique Jean-Pierre Helfer. La raison principale est la procédure LMD. Depuis la conférence des ministres européens de l'Éducation nationale à Bologne en 1999, les systèmes éducatifs doivent s'articuler autour de trois grades universitaires, le fameux LMD, pour licence, master et doctorat. En fait, une copie du système américain qui s'est construit sur le bachelor, master et PHD (professional high diplome). Objectif de cette réforme ? Harmoniser les formations européennes et accroître leur lisibilité internationale. Même les diplômes n'échappent pas à ces grandes manœuvres sémantiques. Jack Lang, ancien ministre de l'Education nationale, a créé en avril 2002 le diplôme national de master (DNM). Un diplôme de niveau bac + 5 qui colle au master version anglo-saxonne.

Dans les universités de Lille II et d'Arras, on ne parle déjà plus de DESS ni de DEA, mais de masters professionnels et de masters recherche. L'IAE d'Aix-en-Provence concocte, quant à lui, un master professionnel pour la rentrée prochaine. « Nous devrions regrouper nos neuf DESS sous un seul programme, note Carolina Serrano, directrice du développement de l'IAE. Il offrira neuf options aux participants, s'étalera sur deux ans et non plus un an comme actuellement et deviendra bilingue. » Dès la rentrée prochaine, les universités du Sud (Lyon, Grenoble, Marseille, Montpellier, Toulouse et Bordeaux) devront avoir achevé la mue de leurs diplômes de niveau 1.

Du côté des grandes écoles, on voit d'un mauvais œil la création du DNM qui vient grossir les rangs des masters et brouiller encore un peu plus un paysage déjà bien flou. La concurrence internationale se jouant à ce niveau de diplôme, il est devenu stratégique pour les établissements d'être présents sur le créneau. « Les écoles d'ingénieurs et de commerce proposent depuis des années des masters. Jusqu'à présent, cette appellation n'était pas protégée en France. En l'instituant au rang de diplôme national, l'Etat nous interdit par la même occasion d'utiliser le mot master, s'inquiète Alain Cadix, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). Si on suit cette logique, tous les MBA qui existent sur le marché français vont devoir être rebaptisés d'ici au mois d'août prochain ! »

La poule aux œufs d'or des formations

Si une telle guerre de tranchées s'installe autour de l'appellation master, c'est parce que ces formations sont la poule aux œufs d'or des grandes écoles. Aux côtés des masters spécialisés (une formation complémentaire spécifique aux grandes écoles, accessible à bac + 5, destinée aux étudiants français), les « masters in » ou les « masters of » se vendent souvent cher à un public d'étudiants étrangers. Rarement inférieurs à 10 000 euros pour les simples masters, les tarifs s'échelonnent de 20 000 euros à plus de 90 000 euros pour les MBA les plus réputés.

Fleuron de l'enseignement supérieur aux États-Unis, le MBA, un master en management, cristallise à lui seul toutes les convoitises. Il est devenu une référence commune à tous les établissements d'enseignement supérieur dans le monde. « Pour exister sur ce marché ultra-concurrentiel, la seule étiquette connue au niveau international, c'est le MBA », assure Christophe Chaumont, directeur de la Graduate School of Management de l'EM Lyon. Preuve de cet engouement généralisé pour le MBA, le World MBA Tour, un forum international dédié aux masters, ne fait que grossir depuis son lancement. « Il y a neuf ans, je lançais l'Euro MBA Day, se souvient Matt Symonds, le responsable de la manifestation. Aujourd'hui, le forum est mondial. Nous traversons 45 villes, près de 300 établissements participent à ces rencontres et nous avons accueilli l'an dernier pas moins de 50 000 visiteurs. » Matt Symonds estime à plus de 2 000 le nombre de MBA dans le monde et à près de 100 000 le nombre de diplômés chaque année. La Fondation européenne pour le développement du management (EFMD) estime à 84 000 le nombre de MBA et masters en tout genre en Europe.

Un joyeux capharnaüm

La France n'est pas épargnée par cette fièvre. Les écoles de commerce en profitent même pour étoffer leur gamme, rénover des MBA créés il y a parfois trente ans et augmenter les tarifs de leurs formations. HEC aligne désormais trois MBA différents : le MBA de HEC (ex-ISA), l'Executive MBA (ex-CPA) et, dernier-né, le programme Trium, monté en association avec New York University (NYU) et la London School of Economics (LSE). Ce dernier est d'ailleurs parmi les plus chers du marché. « L'an dernier, nous avions fixé son prix à 81 375 euros. En 2003, il sera à 85 560 euros, note François Collin, directeur des programmes internationaux de HEC Executive Development. Nous nous alignons ainsi sur les tarifs américains pour un produit de formation résolument haut de gamme. » De son côté, l'EM Lyon a décidé cette année de scinder son MBA trentenaire, le Cesma, en deux. « Nous avons créé un programme à plein temps sur un an et un Executive MBA, proposé en temps partiel sur deux ans, précise Christophe Chaumont. L'International MBA à plein temps s'adresse à des cadres juniors, tandis que le programme en formation continue est destiné à un public plus expérimenté. »

Les écoles de commerce de second rang ne sont pas absentes de la course. L'ESC Marseille-Provence proposera l'année prochaine pas moins de cinq MBA différents : trois MBA spécialisés (Brand management, Gestion de patrimoine, Bio-Sciences), un Executive MBA et l'Inter MBA en collaboration avec l'IAE d'Aix-en-Provence et deux établissements étrangers (l'école de commerce Strathclyde à Glasgow et l'université de Nyenrode aux Pays-Bas). Arrivées plus tard sur ce créneau, les universités commencent aussi à multiplier les programmes. Dauphine propose un Executive MBA depuis 1999 en partenariat avec l'Université du Québec à Montréal (Uqam). L'IAE d'Aix-en-Provence, pionnier dans le monde universitaire, s'est composé une gamme de trois MBA (Change and technology, l'Euro MBA et l'Inter MBA). L'IAE de Paris annonce quant à lui la création d'un Global partners MBA pour la rentrée prochaine en collaboration avec l'Université publique d'Atlanta aux États-Unis et une business school brésilienne. Reste que ces éclosions tous azimuts donnent aujourd'hui le sentiment d'un joyeux capharnaüm sur la planète MBA. Il est devenu difficile pour les candidats comme pour les recruteurs de s'y retrouver tant le marché est morcelé. Car, désormais, le format MBA, à savoir un programme de management généraliste sur deux ans à plein temps, ouvert aux managers ayant cinq à sept ans d'expérience, n'est plus la seule règle. Depuis deux ans, les grandes business schools conjuguent les MBA à tous les temps : programmes à distance, MBA spécialisés (le Wine MBA de l'ESC Bordeaux, le MBA Aerospace de l'ESC Toulouse) et l'Executive MBA (EMBA) constituent la grande famille des MBA.

Les EMBA pour les cadres de haut vol

C'est sur ce dernier créneau que les écoles sont les plus créatives. « C'est le format qui a la cote en ce moment, confirme Matt Symonds, président du World MBA Tour. La conjoncture économique ne permet plus aux cadres de quitter leur poste pendant deux ans pour suivre un MBA, même si le retour sur investissement est toujours très rapide. » Proposés à temps partiel, les EMBA s'adressent à des cadres de haut vol qui souhaitent mener de front MBA et activité professionnelle. Si les MBA américains les plus connus comme Harvard et le MIT n'ont pas investi ce marché, les grandes business schools européennes se montrent offensives. L'Insead annonce pour novembre 2003 un programme Executive de quatorze mois à 85 000 euros. Avant lui, HEC s'est doté de deux MBA en formation continue, un EMBA issu du CPA et Trium, un EMBA international qui existe depuis deux ans.

Dauphine a également choisi ce marché de niches pour développer sa formation. Avec l'Uqam, elle a bâti un MBA au format VSD (vendredi, samedi, dimanche). « Une fois par mois pendant deux ans, les participants se retrouvent à Paris ou à Montréal en fonction de leur lieu de travail, précise Michel Kalika, responsable du MBA. Ils viennent de toute l'Europe et la formule leur permet de se former et de mettre à profit tout de suite les connaissances acquises. » Le mois dernier, l'ESC Marseille-Provence a ouvert un EMBA spécialisé dans le management des marques. « La formation dure seize mois. Nous réunissons les participants à Paris une fois par mois, les jeudis, vendredis et samedis », précise Jean-Paul Leonardi, le directeur général du groupe.

Si cette segmentation du marché entend répondre au mieux aux attentes des candidats et des entreprises, elle les oblige à privilégier la notoriété de l'établissement plutôt que le contenu du programme. Les uns comme les autres recherchent en effet la formation qui se monnaie le mieux. « J'ai opté pour le MBA de Dauphine d'abord pour la notoriété de l'université, reconnaît Dominique Bazin, directeur du management chez Alcatel à Singapour. Le double diplôme Dauphine-Uqam et l'organisation des cours ont également été déterminants. » Côté recruteurs, la démarche est la même. « Nous misons sur les cinq premiers MBA, Harvard, MIT, Stanford, Insead et Wharton, explique Patrice Zygband, P-DG d'AT Kearney. C'est très élitiste, mais nous partons du principe que les MBA les plus réputés attirent les meilleurs étudiants et les meilleurs professeurs, donc nous y trouverons les meilleures recrues. » Tant pis pour les masters moins renommés !

Des MBA aux MSc…

Le MBA

Le master in business administration a été inventé aux États-Unis. Traditionnellement, cette formation généraliste au management était proposée à plein temps sur deux ans. Elle s'adressait aux cadres en activité. L'appellation n'étant pas protégée, les business schools en profitent pour décliner le concept à l'infini et élargir la cible des candidats. Aux côtés des MBA juniors et seniors, à temps plein ou à temps partiel, on trouve aussi des Executive MBA plus ou moins internationaux ou des MBA spécialisés.

Le diplôme national de master ou DNM

C'est le nouveau diplôme né de l'harmonisation des formations en Europe. Il dénomme tous les diplômes de niveau bac + 5. Désormais, DESS et DEA se dénommeront master professionnel et master recherche. Il sanctionne un niveau correspondant à 120 crédits européens (ECTS) au-delà du grade de licence.

Le mastère spécialisé ou MS

Il s'agit d'un label et non pas d'un diplôme mis en place par la Conférence des grandes écoles (CGE). La marque a été déposée en 1985. Ces formations complémentaires (recrutement à bac + 5) sont ultraspécialisées. Elles forment le plus souvent des étudiants de double compétence (technique et managériale) sur deux semestres. À la rentrée de septembre, la CGE comptabilisait 315 MS. Le MS équivaut à 75 crédits ECTS minimum.

Le mastère en sciences et le mastère des disciplines de management ou MSc

C'est le dernier label créé par la Conférence des grandes écoles. Les programmes sont plus lourds que ceux des MS (trois semestres de cours minimum sur trois ans) et conçus principalement pour les étudiants étrangers. Ils recrutent au niveau maîtrise ou bachelor. Le MSc équivaut à 90 crédits ECTS. Premières formations labélisées : à la rentrée prochaine dans les écoles d'ingénieurs et de commerce.

Auteur

  • A.-C.G.