logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Entre Europe et États-Unis, un duel serré

Dossier | publié le : 01.04.2003 | S. D.

Les MBA américains offrent aux participants un cadre d'études trois-étoiles et un corps professoral trié sur le volet. Les formations européennes ont à leur crédit une grande ouverture à l'international et un coût moins élevé.

L'un enseigne un management universel, l'autre privilégie une approche internationale. L'un est réputé pour son campus trois-étoiles et ses professeurs nobélisés, l'autre offre un cadre plus modeste mais un melting-pot d'enseignants. Le premier est basé à Philadelphie, New York, Harvard ou Chicago, le second à Fontainebleau, Londres, Barcelone ou Lausanne. Si un océan les sépare, les plus célèbres masters in business administration nourrissent le même dessein des deux côtés de l'Atlantique. Celui de former l'élite des cadres du monde des affaires. Comment ? En leur concoctant un programme intensif mélangeant cours de management, finance, économie, comptabilité, marketing, etc. Partout l'anglais sert de langue de travail et l'approche pédagogique est sensiblement la même. Ces beaux esprits s'exercent au business en planchant sur des études de cas réels. Chacun, cependant, s'ingénie à cultiver ses différences. La réputation du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en économie n'est plus à faire, la Wharton School forme des as de la finance, l'Insead de Fontainebleau s'ouvre à l'international, l'International Institute for Management Development (IMD) de Lausanne favorise davantage l'entrepreneuriat.

Une vision plus monolithique

Et si les business schools européennes s'inspirent largement de leurs grandes sœurs américaines, elles prennent aussi soin de s'en démarquer. D'emblée, elles se sont en effet adressées au marché international, n'hésitant pas à s'allier pour renforcer leurs positions respectives. Ainsi, l'ESC de Marseille-Provence s'est rapprochée des universités de Nyenrode aux Pays-Bas et de Strathclyde en écosse pour créer à la rentrée prochaine un MBA à vocation internationale. Dès 1996, Audencia, l'école de commerce de Nantes, lançait un Euro MBA en partenariat avec six autres établissements européens. Résultat, à l'Insead, qui a ouvert un campus à Singapour, un étudiant sur quatre à peine est français. À l'IESE, installée à Barcelone et à Madrid, un tiers sont originaires de la péninsule Ibérique, et, à la London Business School, un étudiant sur cinq seulement est citoyen de la Couronne. Par comparaison, leurs homologues du Nouveau Monde sont essentiellement tournés vers le marché domestique. Les campus américains sont moins métissés. Un petit tiers d'étudiants étrangers ont ainsi pu intégrer les célébrissimes écoles de Harvard, Stanford ou Columbia.

Ce constat vaut aussi pour le corps enseignant, moins multinational outre-Atlantique, même si la majorité d'entre eux ont vécu et travaillé à l'étranger. « En Europe, il n'est pas rare qu'un Américain dirige un MBA. L'inverse est difficilement concevable », juge, en connaissance de cause, Daniel Evans, docteur en économie d'origine américaine, directeur de l'International MBA à l'EM Lyon. Cette différence majeure rejaillit sur le contenu des cours. Alors que les écoles européennes privilégient une approche multiculturelle, les business schools américaines continuent d'enseigner une vision plus monolithique, dominée par des concepts anglo-saxons. « Aux États-Unis, les études de cas portent encore souvent sur des entreprises américaines ; en Europe, elles sont plus variées, ce qui nous permet d'aborder des pratiques de management, de comptabilité ou de marketing radicalement différentes », ajoute Daniel Evans. Michel Kalika, directeur de l'EMBA de Dauphine, à Paris, renchérit : « Nous refusons d'être un MBA McDonald's et d'enseigner un modèle économique dominant. Les cadres que nous formons sont destinés à une carrière internationale. Il importe donc de leur donner une vision multiculturelle. »

Levés tôt, couchés tard

Alors que les étudiants américains s'imprègnent rapidement de l'esprit entrepreneurial tant adulé outre-Atlantique, les écoles européennes mettent davantage l'accent sur le management des hommes avec, au menu, des séances de coaching et de développement personnel obligatoires. Tandis que les MBA s'étalent sur deux ans aux États-Unis, les programmes sont souvent plus condensés en Europe. C'est par exemple le cas à l'Insead et à l'IMD, où les MBA à plein temps sont bouclés en dix mois. « Du coup, la moyenne d'âge des étudiants européens est plus élevée car ils ont souvent plus d'expérience professionnelle. Le rythme d'études est plus intense, les participants se lèvent à l'aube, se couchent tard le soir. Mais, financièrement, ils s'y retrouvent car les cursus européens sont moins onéreux », observe Matt Symonds, organisateur du World MBA Tour.

La qualité des enseignants est plus difficile à comparer de part et d'autre. Reste qu'au sein du corps professoral on trouve dans les business schools américaines comme Harvard ou Columbia une armée de gourous et de sommités de réputation mondiale, tant en management qu'en économie. À Harvard, qui a inventé la fameuse méthode des cas et en réalise 700 nouveaux chaque année, les étudiants peuvent travailler en direct avec leurs concepteurs. « La formation est menée par des universitaires aux États-Unis, alors qu'en Europe il n'est pas rare que des consultants ou des dirigeants viennent donner des cours », note Daniel Evans. L'École supérieure de commerce de Marseille va même inaugurer à la rentrée prochaine un MBA Bio-Sciences, en partenariat avec IBM. « Des professionnels d'IBM viendront enseigner. Le groupe informatique nous fournira aussi une aide matérielle et nous enverra des étudiants », annonce Jean-Paul Leonardi, directeur de l'ESC marseillaise.

1 milliard de dollars de capital pour Harvard !

Sur le plan des équipements et des moyens mis à la disposition des étudiants, les écoles européennes font pâle figure à côté des campus américains. Outre-Atlantique, les universités, qui disposent de ressources considérables grâce à leurs fondations, affichent une insolente supériorité. Un seul exemple : Harvard, avec un capital de 1 milliard de dollars (904 millions d'euros), dispose d'une bibliothèque de 700 000 ouvrages et offre un cadre de vie vraiment privilégié. « À Wharton, avec deux bibliothèques gigantesques, une flopée de documents accessibles en ligne et des centres de recherche universitaires, il y a une capacité de recherche infinie », juge Nicolaï Gérard, consultant chez Bain & Co, actuellement en formation sur le célèbre campus de Philadelphie. Il faut dire que les prestigieuses écoles américaines ont pour habitude de faire appel à la générosité des anciens. « Certains, sans doute reconnaissants à leur université d'avoir fait une brillante carrière, font des dons colossaux ou les couchent même sur leur testament. Nous sommes trop jeunes pour bénéficier de ce genre de largesse », s'amuse Johanna Hellborg, directrice associée de l'Insead. Selon Patrick, un ancien de Stanford, la rumeur courait sur le campus que l'université préférait admettre des Américains « car les étudiants étrangers ont la réputation de couper les ponts une fois décroché leur MBA » !

Empreintes de pragmatisme, les business schools américaines forment, enfin, des cadres immédiatement opérationnels et assurent une réussite professionnelle plus rapide, avec des salaires en conséquence. Fortes de ces différences, de plus en plus de business schools commencent à jeter des ponts entre les deux continents et à mettre en place de solides partenariats. Ainsi, l'Insead qui rêvait de se faire un nom outre-Atlantique s'est allié avec Wharton ; et récemment HEC, à Paris, avec la complicité de l'université Stern à New York et de la Business London School of Economics, a lancé Trium, un EMBA globe-trotteur qui se déroule sur cinq sites : Londres, New York, Paris, Hongkong et Sao Paulo. Mais l'investissement représente la bagatelle de près de 85 500 euros. Le prix de la mondialisation de la formation !

Auteur

  • S. D.