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Repères

Vive le management participatif !

Repères | publié le : 01.03.2003 | Denis Boissard

Il n'y a pas que dans les domaines diplomatique et militaire que la puissance américaine cherche à imposer sa loi au reste du monde. Au fur et à mesure que la mondialisation s'accélère, nombre d'entreprises « globales » basculent, au nom du credo de la « création de valeur pour l'actionnaire », sous la coupe d'un modèle de gestion directement importé d'outre-Atlantique. Un management à la hussarde, principalement dicté par des considérations financières de court terme, où les décisions prises en cénacle restreint tombent comme des oukases sur le gros des troupes, où les salariés sont mis à la diète tandis que leurs dirigeants s'enrichissent parfois sans vergogne, où seuls les « hauts potentiels » (une dénomination détestable puisqu'elle suppose des « bas potentiels ») se voient offrir des perspectives de carrière, où l'ajustement s'effectue sur l'emploi – et lui seul – dès que survient la moindre difficulté conjoncturelle. Une évolution inquiétante qui n'est pas étrangère à la défiance grandissante des cadres et des salariés en général vis-à-vis de l'entreprise.

L'irruption de ce management fort peu respectueux des hommes

dans nos pays de la vieille Europe est, disons-le tout net, une formidable régression. Sa propagation est aujourd'hui telle que les firmes qui mettent sur le même plan profitabilité financière, satisfaction du client et bien-être de leurs collaborateurs apparaissent presque anachroniques.

Et pourtant il existe des entreprises où le président n'est pas atteint de mégalomanie galopante et où son entourage ne sacrifie pas à un culte obséquieux de sa personnalité. Des entreprises où l'on ne pratique pas le grand écart permanent entre le discours, la langue de bois managériale et la réalité des pratiques sur le terrain. Où, considérant les salariés comme des adultes, l'on joue la transparence envers eux et leurs représentants sur les enjeux stratégiques, l'environnement économique, les difficultés rencontrées et les risques pris. Des entreprises où l'on juge plus intelligent d'offrir de la visibilité aux salariés sur l'avenir que de les maintenir dans l'ignorance ou de les bercer par un discours lénifiant.

Il existe des entreprises qui choisissent de garantir à leurs salariés une certaine sécurité de l'emploi en contrepartie d'une plus grande flexibilité, là où d'autres recourent aux dégraissages et aux contrats précaires. Des entreprises où, plutôt que de pratiquer la sélectivité à haute dose (« que le meilleur gagne ! »), l'on s'attache à développer les compétences des salariés et à préserver leur employabilité. Où l'on cherche à gérer l'évolution des effectifs et des reconversions nécessaires à froid, pour préserver autant que possible l'emploi de chacun.

Il existe aussi des entreprises où les responsables sont les premiers à montrer l'exemple

en cas de coup dur, en rognant sur leur salaire, pour ne toucher qu'en dernière extrémité à l'emploi de leurs salariés. Des entreprises dont les dirigeants n'estiment ni sain, ni naturel, ni légitime d'être payés 100, 200 ou 300 fois plus que leurs employés et qui veillent donc à maintenir les écarts de rémunération dans une fourchette raisonnable. Des entreprises où, quelle que soit la forme qu'il prend, l'intéressement des salariés aux résultats financiers n'est pas considéré comme un acte de générosité vis-à-vis du personnel, mais comme un devoir élémentaire à son égard.

Il existe des entreprises où les états-majors restent à l'écoute des managers opérationnels et évitent de les placer dans un système d'injonctions contradictoires entre les contraintes financières, de délai et de qualité qui leur sont imposées. Des entreprises qui privilégient le travail en équipe, par projets, et qui sollicitent en permanence les idées de leurs salariés pour améliorer les process ou créer de nouveaux produits.

Bref, il existe des entreprises pour lesquelles le développement durable

n'est pas un nouveau gadget de marketing, des firmes qui se sentent véritablement investies d'une responsabilité sociale vis-à-vis de leurs salariés et de leur environnement, des communautés de travail qui croient dur comme fer aux vertus du management participatif (aujourd'hui considéré comme une vieille lune par bon nombre de dirigeants). Une approche de l'entreprise que défendent notamment les patrons militants du CJD, certains dirigeants de grands groupes à la fibre humaniste ou de nombreux responsables de l'économie sociale.

Gageons que dans les prochaines années, lorsque – du fait du retournement démographique – les tensions se feront à nouveau sentir sur le marché de l'emploi, ce seront ces entreprises qui gagneront haut la main la bataille des recrutements. L'avenir appartient aux firmes qui se vivent comme citoyennes.

Auteur

  • Denis Boissard