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Politique sociale

Ces pays de l'Est encore loin du modèle social de l'Ouest

Politique sociale | Reportage | publié le : 01.03.2003 | Isabelle Lesniak, Isabelle Moreau

En 2004, les Quinze passeront à vingt-cinq. La plupart de ces nouveaux pays ont hérité d'une économie planifiée, à la soviétique, et ils n'ont amorcé leur transition vers le marché que dans les années 90. Comment ont-ils réformé leur système de relations et de protection sociales ? Enquête à Varsovie, Ljubljana et Vilnius.

Ils sont dix dans les starting-blocks. Dix pays situés pour la plupart en Europe centrale et orientale qui franchiront les portes de l'Union européenne le 1er mai 2004. Points communs entre les pays baltes (la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie), voisins de l'ancien ogre soviétique, la Slovénie, frontalière de l'Italie, qui appartenait à l'ex-Yougoslavie, et la vieille Pologne ? Un PIB très au-dessous de la moyenne communautaire, un taux de chômage élevé (voir carte ci-dessous), une productivité et des niveaux de salaire sensiblement inférieurs aux standards européens… et un lourd passé communiste, qui a forgé pendant un demi-siècle un modèle social radicalement différent de celui des Quinze. « Dans les économies planifiées et relativement égalitaires, la protection sociale s'adressait à tous les individus, garantissant à chacun l'emploi à vie. Centralisée au niveau de l'entreprise, elle assurait un logement, la présence de crèches et de services médicaux », rappelle Sébastien Dupuch, chercheur au Centre d'économie de l'université de Paris Nord. Même les pensions de retraite étaient prises en charge par l'État, en échange de contributions symboliques.

À l'Est, pas de dialogue social. Les syndicats, auxquels les salariés étaient contraints d'adhérer pour bénéficier des prestations sociales, n'étaient que des courroies de transmission du Parti, hormis dans le modèle yougoslave dont a hérité la Slovénie. Les patrons n'avaient pas d'organe de représentation, les chambres de commerce et d'industrie regroupant les directeurs de conglomérat public étant uniquement chargées de dialoguer avec les entreprises occidentales avec lesquelles elles entretenaient des relations commerciales. Inutile de dire que la transition rapide vers l'économie de marché engagée dans les années 90, après la chute des régimes communistes, a totalement bouleversé ce système. Le chômage a explosé. À l'automne 2002, il atteignait 15,1% en moyenne dans le groupe des dix candidats à l'élargissement, contre 7,5% dans l'Europe des Quinze, entraînant avec lui une forte poussée des inégalités. L'inflation a rogné le pouvoir d'achat, laminant salaires et prestations sociales.

C'est dans ce climat tendu que ces ex-pays communistes ont entrepris de réformer leurs systèmes sociaux pour les rapprocher de ceux de l'Ouest. Sans contraintes excessives puisque le vade-mecum communautaire se limite à quelques directives sur la libre circulation des travailleurs, l'égalité des chances, le droit au travail, la santé et la sécurité au travail. D'ailleurs, les négociations d'adhésion ont largement fait l'impasse sur les sujets sociaux. Dans le rapport établi en juin 1999 pour rendre compte des progrès accomplis par les dix candidats, sept lignes seulement sur cinquante pages sont consacrées au social. Et elles ne concernent que la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. « Le rapprochement des politiques sociales sera difficile et très progressif », reconnaît sans ambages la Commission européenne dans ce document.

Ce social version light explique l'appréhension d'une partie de l'opinion publique des Quinze. L'irruption au sein du marché unique de pays dont la plupart affichent un moins disant social n'est en effet pas sans danger pour l'emploi dans les États membres de l'Union européenne actuelle. « Le risque de dumping social représente l'une des principales craintes suscitées par l'élargissement », reconnaît Sébastien Dupuch, qui relativise toutefois certaines peurs, comme celle des délocalisations. « Elles sont peu fondées : même si les coûts de la main-d'œuvre sont encore très faibles dans les Peco, les taux de cotisations sociales y sont élevés du fait des difficultés de recouvrement. » Du bon élève slovène au cancre lituanien en passant par le géant polonais, petit tour d'horizon des pratiques sociales dans trois des pays qui feront bientôt partie de l'Union européenne.

Auteur

  • Isabelle Lesniak, Isabelle Moreau