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Le bloc-notes

Propos d'avant-récession

Le bloc-notes | publié le : 01.03.2003 | Bernard Brunhes

Il n'y a pas de mystère du chômage

L'économie se traînait… elle semble maintenant au bord de la récession. Tout dépend des perspectives guerrières, mais aussi d'autres données, plus structurelles. L'économie allemande va mal. La France, première importatrice et première exportatrice face à l'Allemagne, lui est indissolublement liée. Et voilà qu'on parle pour l'Allemagne d'un destin à la Japonaise. L'avenir proche n'est pas réjouissant.

Donc, le chômage augmente, donc les plans sociaux spectaculaires – après l'accalmie d'une année électorale – s'empilent. Donc, on redécouvre qu'il n'y a pas de mystère de l'emploi et du chômage : la courbe du chômage dégringole quand la croissance est au rendez-vous ; elle grimpe quand l'économie ralentit. Il y a longtemps qu'on le sait. Et les aides en tout genre ne sont que des palliatifs quand elles ne sont pas des cautères sur des jambes de bois.

Sentant venir l'orage, le gouvernement a confié à Claude Viet une « mission exploratoire sur l'accompagnement des mutations économiques ». Mais Claude Viet est bien coincé. On ne lui demande pas de jouer le rôle de pompier et d'éteindre les incendies, rôle dont on ne lui a de toute façon pas donné les moyens. On lui demande de réfléchir à la manière d'anticiper, de prévenir, d'organiser l'action des pouvoirs publics, mais manifestement sans l'inviter à la révolution. Ses propositions, du coup, sont modestes et ne touchent pas à l'essentiel.

Le marché du travail est en panne

L'essentiel, c'est une révision en profondeur des institutions du marché du travail : passer d'un dispositif dispersé, conflictuel et bureaucratique à des comportements coordonnés, pacifiques et adaptés aux situations particulières ; pousser les acteurs à négocier plutôt qu'à s'opposer ; faire mieux travailler ensemble institutions publiques (les rapprocher) et organismes privés ; responsabiliser les collectivités locales. Chimères ? Point du tout : voyez ce qui se passe dans les pays du Nord.

L'essentiel, c'est aussi revisiter nos conceptions des politiques de l'emploi. Bons derniers en Europe, nous continuons à vouloir sortir les anciens pour faire la place aux jeunes ; à réduire la population active pour réduire le taux de chômage ; alors qu'il faudrait au contraire accroître le taux d'emploi, c'est-à-dire mettre tout le monde au travail. Rêve insensé ? Non, voyez quelques-uns de nos voisins du Nord ou du Sud. Il faut changer de paradigme, disent les savants.

Mais voilà : les gouvernements se suivent et reprennent les mêmes raisonnements et les mêmes recettes. Donc, pas d'anticipation, pas de prévention, mais des incendies à éteindre. Quiconque s'intéresse à leur rôle et à leur travail peut constater que les sapeurs-pompiers passent plus de temps à prévenir les catastrophes qu'à intervenir dans l'urgence. On n'en est pas là dans le domaine du marché du travail.

Et si on parlait des retraites ?

Pendant la guerre, les affaires sociales continuent. Le gouvernement a lancé ses consultations sur les retraites. Il n'a pas encore dit s'il s'agissait de « concertation » ou de « négociation ». Cela n'a peut-être pas beaucoup d'importance pour le citoyen moyen, mais les syndicats veulent une vraie négociation, un accord. Le gouvernement reste prudent. Et quand les syndicats demandent que, si accord il y a, le Parlement qui devra l'inscrire dans la législation le prenne tel quel, les parlementaires se rebiffent. Il n'y a qu'au niveau européen – en vertu du traité d'Amsterdam – que les partenaires sociaux peuvent faire entériner leurs accords par le pouvoir.

Nous voilà donc partis pour un processus difficile et pas encore bien clair. Heureusement, les syndicats ont construit une plate-forme commune ; grâce au Conseil d'orientation des retraites, ils ont bien progressé. Mais derrière les généralités, de dures réalités se préparent. Par exemple, la remise en cause des 37,5 années des fonctionnaires. Monsieur Raffarin nous a promis de grandes décisions avant l'été. Il sait maintenant que la réforme nécessaire sera très progressive. Progressive dans sa conception et sa mise au point. Progressive aussi dans sa mise en application. Du pain sur la planche et bien des débats en perspective avant que les positions, qui se rapprochent certes mais lentement, s'alignent derrière un accord approuvé par les citoyens.

Un mot encore : quand on dit que les points de vue se rapprochent, on parle des initiés. Le citoyen, lui, les sondages le montrent bien, est encore loin d'avoir compris les enjeux, donné son avis, choisi son camp. La démocratie n'a pas encore fonctionné.

Auteur

  • Bernard Brunhes