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Politique sociale

Denis Kessler, le va-t-en-guerre du patronat

Politique sociale | PORTRAIT | publié le : 01.09.1999 | Jean-Paul Coulange

Grand inspirateur du virage libéral du Medef, le bouillant Kessler a réussi la modernisation sociale de l'assurance. Mais ce protégé de Claude Bébéar ne s'est pas imposé à la direction générale d'Axa. Pas plus qu'il ne parvient aujourd'hui à faire progresser l'idée des fonds de pension en France.

C'est l'un des rendez-vous les plus huppés du monde des affaires. Traditionnellement, le gratin des entreprises françaises se retrouve au début de l'été dans les jardins du musée Rodin, à Paris. Sous l'œil attentif de Denis Kessler, maître des lieux pour un soir, l'aboyeur égrène les noms d'invités triés sur le volet : majors de l'assurance et de la finance, hauts fonctionnaires, ténors du patronat. Une liste qui ne cesse de s'enrichir tant le président de la Fédération française des sociétés d'assurances a la réputation d'entretenir l'un des plus beaux carnets d'adresses de la place. Ce quadra se flatte de connaître tous les économistes de la planète, des Prix Nobel aux conseillers des présidents américains en passant par « Jean-Christophe Le Duigou, de la CGT, et Jean-Jacques Rosa ». « Il tutoie tous les députés et les sénateurs de l'Hexagone », ajoute un patron d'assurance, il a d'excellentes entrées dans la presse, fréquente la plupart des leaders syndicaux et visite régulièrement la France entrepreneuriale. Cette année, Denis Kessler a de quoi être satisfait. À la FFSA ou au Medef, dont il est devenu le président bis auprès d'Ernest-Antoine Seillière, ce guerrier de tempérament est de tous les combats : blitzkrieg contre les 35 heures, bataille contre la dérive des dépenses de santé, croisade pour la création de fonds de pension « à la française ». Comme par hasard les trois dossiers chauds au programme du gouvernement Jospin.

Non, décidément, 1999 n'a rien à voir avec l'année précédente, qui fut l'annus horribilis de Kessler. En juin 1998, il quitte avec fracas la direction générale d'Axa-UAP où il a été propulsé quinze mois plus tôt par Claude Bébéar, pour retrouver – avec soulagement – l'immeuble cossu du 26, boulevard Haussmann qui abrite la FFSA et le poste confortable de porte-parole des assureurs. Version de François Ewald, directeur de la recherche et de la stratégie à la FFSA, l'un des proches de Denis Kessler : « Il est parti chez Axa après le vote de la loi Thomas sur les fonds de pension avec le sentiment d'avoir accompli sa mission. Il ne pouvait pas savoir que Chirac allait dissoudre l'Assemblée et que la gauche gagnerait les élections. Or il fallait qu'il soit en même temps en Chine ou en Australie pour Axa et à Paris pour les 35 heures. » Exemple, le 3 octobre 1997 : une semaine avant la conférence sur l'emploi à Matignon, Martine Aubry reçoit les partenaires sociaux pour une réunion de cadrage Rue de Grenelle. Kessler, chargé de représenter le patronat, débarque d'Australie, en plein jetlag.

Un loup solitaire

Sur ce passage météoritique à Axa, les avis divergent. Pour un syndicaliste influent de l'assurance, il a été « viré ». Pour Solange Morgenstern, de la CGC, ancienne administratrice salariée d'Axa, il a été « marginalisé par l'encadrement », dans un groupe qui a fait de la collégialité l'une de ses valeurs fondatrices. « Il a brutalisé la culture d'Axa, dont il n'a pas mesuré qu'elle était consensuelle », abonde le patron d'une compagnie d'assurances. Un dirigeant de la Mutualité française avait prédit que Denis Kessler « ne [serait] jamais patron d'Axa car c'est un loup solitaire ». Autant dire que l'été dernier, lorsque Denis Kessler a présidé le cocktail annuel de la FFSA dont il venait de reprendre les rênes, le cœur n'y était pas. « J'ai fini mon stage en entreprise », lâche-t-il à l'un de ses invités, qui répond du tac au tac : « Comme tu es brillant, ça n'a pas duré longtemps ! »

N'est-il pas surprenant qu'un économiste bardé de diplômes, pilier du patronat français et ancien de HEC de surcroît, ait manqué son premier grand rendez-vous avec l'entreprise ? À Jouy-en-Josas, le jeune Mulhousien chevelu et dégingandé, surnommé « le grand bouc » par ses camarades, qui ne quittait pas son écharpe rouge, a surtout laissé l'image d'un agitateur. Denis Kessler est alors le pivot de la section locale de l'Union des grandes écoles (UGE), affilié à l'Unef, d'obédience communiste. Pour principal fait d'armes, il prend, à la fin de 1973, la tête d'une cabale contre la décision de la chambre de commerce et d'industrie de Paris de relever de 25 % les frais de scolarité. Au terme de quinze jours de grève, une délégation de HEC obtient gain de cause d'un vice-président de la CCIP qui lance à Kessler : « Je n'ai pas d'inquiétude pour votre avenir, on vous retrouvera un jour à la tête du patronat ! »

C'est pourtant vers la recherche que bifurque Denis Kessler, à l'université de Nanterre, cœur de la théorie économique française, dans le laboratoire d'André Babeau, le Centre de recherche sur l'épargne, le patrimoine et les inégalités, où travaille un certain Dominique Strauss-Kahn. « DSK était au Ceres, mais Denis était plus radical », note l'un de ses anciens condisciples. Côtoyant Pierre Moscovici ou Daniel Lebègue, aujourd'hui patron de la Caisse des dépôts, Kessler est catalogué à gauche. C'est d'ailleurs Yvette Chassagne qui le fera entrer au conseil d'administration de l'UAP et Pierre Bérégovoy qui lui confiera le comité des usagers du Conseil national du crédit, dans la foulée de la loi bancaire de 1989.

Dix ans plus tard, il est qualifié par ses nombreux détracteurs politiques ou syndicaux d'« ultralibéral » et ferraille contre le gouvernement Jospin, dont fait partie son vieil ami Strauss-Kahn (voir encadré). « Ultralibéral, c'est une invention du Monde des débats destinée à le discréditer, du temps du CNPF de Gandois. Il est libéral, parce qu'il est économiste », réplique François Ewald. « Denis Kessler est un libéral qui agit en trotskiste, avec une sorte de pureté doctrinale, de terrorisme intellectuel… Son libéralisme me paraît excessif », estime pourtant un ancien vice-président du CNPF. « Son libéralisme, c'est plutôt de l'antiétatisme. Pour lui, la seule façon de faire bouger l'État, c'est d'attaquer tous azimuts », estime Patrick Peugeot, président de La Mondiale. Une hostilité que lui aurait communiquée un père sympathisant anarchiste.

« Il faut prendre Kessler ! »

« Nous devenons tous des libéraux. Libéral ne veut pas dire être contre toute redistribution, mais contre des redistributions aveugles, opaques, inefficaces, car sources d'effets pervers. Il faut déchirer le voile d'ignorance, expliciter et refonder les transferts sociaux, pour qu'ils jouent pleinement leur rôle de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Je ne veux pas moins d'État, mais davantage de société civile », précise l'intéressé. En tout cas, le virage libéral du patronat français, c'est lui qui l'inspire, même si le baron Seillière l'incarne. Sa montée en puissance au sein du CNPF puis du Medef s'explique autant par la reconnaissance de ses idées et de ses talents que par la volonté de le neutraliser. C'est ce que conseillent ouvertement certains membres du sérail à Jean Gandois, qui cherche à composer son équipe avant de lancer sa propre candidature à la présidence de l'ex-CNPF lors de l'élection de 1994. « Jean, il faut prendre Kessler, argumente l'un d'eux. Il est intelligent, et s'il a des responsabilités sur l'ensemble du CNPF, il sera moins partial. » Les relations Gandois-Kessler n'ont pas été idylliques, à telle enseigne que le président du CNPF a songé à s'en séparer. Quand, en 1996, Gandois veut faire revenir le patronat à la Caisse nationale d'assurance maladie, trois voix s'y opposent, celles des représentants de l'UIMM. Et celle de Denis Kessler. Lorsque Gandois décide seul de soutenir la candidature de Nicole Notat pour la présidence de l'Unedic, c'est encore Kessler qui pousse le conseil exécutif à lui infliger un blâme. « Gandois avait monopolisé le social au point d'autonomiser totalement la partie économique dont s'occupait précisément Denis Kessler », indique Jacques Creyssel, directeur délégué du Medef.

Avec Ernest-Antoine Seillière, le courant passe beaucoup mieux. Le président du Medef et son numéro deux sont parfaitement en phase sur la « refondation » de l'organisation patronale, le changement de nom, de statuts, de mode de fonctionnement, la suppression des baronnies internes que constituaient les commissions économique et sociale. Ils partagent la même méfiance pour le dialogue social à l'échelon interprofessionnel, même s'il arrive à Seillière de consulter en tête à tête les dirigeants syndicaux au siège de sa holding familiale, la CGIP. Ils sont partisans de quitter le conseil d'administration de l'assurance maladie si Martine Aubry n'approuve pas le plan d'économies décidé par la Cnam. Mais il n'est pas certain qu'une telle rupture fasse l'unanimité chez certains vice-présidents du Medef, comme Georges Jollès ou Jacques Dermagne.

« J'ai été applaudi quand j'ai exposé la position du Medef sur les retraites », se félicite Denis Kessler. Mais les quarante-cinq années de cotisation suggérées par le Medef après la publication du rapport Charpin ne sont pas uniquement d'inspiration kesslérienne. « Je n'ai pas avec Denis Kessler l'ombre d'une distance », affirme Ernest-Antoine Seillière. « Lui, c'est moi, et moi, c'est lui », a même répondu le président du Medef à Jacques Chirac qui venait de reprocher à Kessler le blocage du dialogue social en France lors de vœux à l'Élysée, en janvier dernier. « Ne cherchez pas à jouer la faille entre Seillière et Kessler », conseille l'un de ses collaborateurs aux troupes du Medef, qui commencent à renâcler devant les méthodes parfois brutales du vice-président délégué. Car si Ernest-Antoine Seillière impressionne le staff de l'avenue Pierre-Ier-de-Serbie par sa rapidité de décision, le style Kessler est loin de faire l'unanimité au sein de l'appareil patronal.

À ceux qui, comme le député socialiste Jean-Claude Boulard, rappellent que Denis Kessler n'a jamais créé « un sou de richesse », Ernest-Antoine Seillière rétorque que « le président du patronat doit être un entrepreneur en activité », mais que « le numéro deux peut ne pas être un homme d'entreprise ». D'ailleurs, explique-t-on avenue Pierre-Ier-de-Serbie, Denis Kessler fait un tabac devant les auditoires de chefs d'entreprise devant lesquels il débat, « au moins deux fois par semaine ». Mais il faut reconnaître qu'il est beaucoup plus applaudi lorsqu'il tempête contre les 35 heures que lorsqu'il évoque un départ de la Cnam, qui se traduirait par la suppression de centaines de postes d'administrateurs patronaux. Chaud partisan de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco, Denis Kessler se réjouit à l'idée que ce regroupement supprimerait « 500 Safrane » de présidents ou de directeurs de caisse.

Il sait faire rire les salles de négociations

« Si, ici, la star, c'est Seillière, lui, c'est le gardien de l'économie marchande. Mais il pousse parfois le bouchon un peu loin », commente Jacques Dermagne, président du Conseil national du commerce. En cas de crise sérieuse au Medef, Denis Kessler pourrait toujours se réfugier sur son Aventin, la FFSA. Claude Bébéar et Jean Peyrelevade, alors à l'UAP, n'ont pas fait d'erreur de casting en confiant, en 1990, à un universitaire de moins de 40 ans les rênes de la fédération. Ils lui avaient fixé un double objectif : réussir l'aggiornamento de l'assurance, qui en était restée au strict cadre juridique de 1945, et vendre à l'opinion publique le concept des fonds de pension. La première partie de la mission est indéniablement réussie. « Denis Kessler nous a ouvert des fenêtres. Il nous a montré l'assurance autrement, sous des aspects sociologiques, éthiques, voire philosophiques », explique Jean-Pierre Moreau, délégué général actuel de la fédération patronale. « Qui a fermé le premier régime de retraite complémentaire par répartition pour le recapitaliser à hauteur de 15 milliards de francs ? Qui a réussi par la négociation à obtenir l'accord des agents généraux pour mettre fin au statut public dont ils bénéficiaient ? Qui a négocié, en 1991, avec les syndicats une convention collective d'une modernité reconnue par tous sans qu'il y ait une journée de grève en dix ans ? Ici, ce n'est pas un laboratoire. C'est une entreprise. J'assume des responsabilités vis-à-vis des mes 350 membres qui ont la liberté d'adhérer ou non à la FFSA, je préside un bureau qui joue un véritable rôle de conseil d'administration, j'anime avec mes directeurs une équipe de 250 personnes, je gère un budget conséquent, et je me sens pleinement concerné par les 215 000 personnes qui travaillent dans le secteur de l'assurance et les 60 millions de Français assurés ! » rétorque Denis Kessler à ceux qui le considèrent seulement comme un apparatchik.

L'échec des fonds de pension

Vieux routier des négociations sociales dans l'assurance, Jacques Monier, responsable des affaires sociales à la FFSA, a lui aussi été séduit par son sixième président. Un homme capable, souligne un syndicaliste, de « faire rigoler l'assistance, même dans une salle de négociations ». « C'est un mélange de souplesse et de rigidité. Il est ferme sur l'essentiel, mais il a aussi une grande capacité d'adaptation. Pour la convention collective, il a su faire accepter des contreparties par le bureau de la fédération, indique Monier. Il faut dire qu'il est arrivé à une époque où nous sentions les prémices d'un changement. » Les premières discussions internes sur la rénovation de la convention de la branche avaient commencé plusieurs années auparavant, les négociations sur le régime de retraite également.

« Il y a eu un tournant historique après les grèves de 1979, rappelle Régis Versavaud, responsable de la CFDT Assurances. En 1981, nous avions signé un premier accord de branche sur la réduction du temps de travail. » Pour le régime de retraite de l'assurance, la CFDT est partie seule contre tous. « Nous avons passé un deal avec Kessler. Il voulait son système par capitalisation. C'est en fait de l'assurance collective, tirée de l'article 83 du Code des impôts, plutôt qu'un fonds de pension. » Cette démonstration à faire un régime de retraite de branche par capitalisation sans conflit social a eu, dixit Jacques Monier, « un retentissement national », notamment au sein du monde patronal. Mais elle n'a pas suscité de consensus syndical. « Nous lui avions proposé de transformer la caisse de branche en institution de retraite gérée à 50/50. Mais il n'a pas voulu que le pouvoir échappe aux assureurs », indique Solange Morgenstern, de la CGC, très déçue par « Monsieur Kessler ». « Il a écrit des choses sur les retraites avec Dominique Strauss-Kahn que nous ne renierions pas. Mais, quand il a été chargé d'introduire les fonds de pension, il s'est attelé comme un bulldozer à sa mission, en voulant passer en force, ce qui n'est pas dans les mœurs d'un assureur. »

Même s'il a contribué à inspirer la défunte loi Thomas, Denis Kessler n'est pas parvenu à mettre les fonds de pension sur orbite. Un échec que beaucoup d'experts imputent à sa méthode à la hussarde. « Si nous n'avons pas, en France, de régimes de cotisation par capitalisation, c'est parce que les assureurs ne sont pas aussi adroits qu'on le prétend, confirme un familier de l'avenue Pierre-Ier-de-Serbie. Il ne fallait pas dire aux syndicats qu'on allait détruire les régimes par répartition, mais ouvrir des régimes par capitalisation paritaires. » Résultat, les syndicats, les institutions de retraite, l'Agirc et l'Arrco se sont « braqués », ajoute cet ancien pilier de la commission sociale.

Pour l'un de ses anciens condisciples de HEC, ce côté va-t-en-guerre est un rôle de composition : « Denis joue une partition dont il n'est pas le chef d'orchestre. Comme il n'a jamais été patron, qu'il n'est pas un petit-fils de la bourgeoisie vichyste, il en fait des tonnes, à l'image des Noirs américains qui sont tous républicains. Cette outrance déteint sur lui, à commencer par son gros cigare. » « C'est le combat des idées qui intéresse Denis Kessler, plus que leur mise en œuvre réelle, explique un dirigeant mutualiste. Au fond, ce n'est pas un négociateur. Il n'aime que la guerre éclair. La seule chose qu'il accepte, c'est la reddition. » Exemple, la tentative d'OPA de la FFSA sur le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances. Pendant des années, assureurs et mutualistes ont envisagé de se regrouper au sein d'une « maison commune ». Après de nombreuses palabres, l'affaire a capoté à la mi-1995, durant un week-end de négociations dans un vignoble de Châteauneuf-du-Pape, quand Denis Kessler a sommé les dirigeants de la mutualité d'adhérer à la FFSA.

Une échéance en 2001

Il est rare qu'une négociation dans l'assurance ne se termine pas par un face-à-face entre les syndicats et le tandem Kessler-Bébéar. « Bébéar, ce n'est pas le plus gros à la FFSA, mais c'est celui qui compte le plus. L'accord sur la CMU avec la Cnam et la FNMF, c'est lui qui l'a voulu », dit un assureur. Adepte du dialogue social, Bébéar a été contraint de calmer la CFDT qui s'est inquiétée, après octobre 1997, de la radicalisation du patronat, incarnée par Kessler : « Les menaces directes qu'il a proférées à l'égard du dialogue social et l'appel à la rupture avec les liens fondamentaux qui soudent la société française ne sont pas sans nous inquiéter gravement », écrivent les délégués syndicaux d'Axa et de l'UAP. « Souvenez-vous qu'il a conduit, en tant que président de la FFSA, des négociations sociales qui ont abouti », répond Claude Bébéar.

Denis Kessler finira-t-il par trouver l'ombre du P-DG d'Axa trop envahissante ? « Mon mandat s'achève en 2001. Telle est ma feuille de route », indique l'intéressé. Un terme qui correspondra également à celui d'Ernest-Antoine Seillière. Mais de là à imaginer le président de la FFSA à la tête du patronat ! Comme le dit un vice-président du Medef, « Denis n'a pas une grosse expérience de l'entreprise. Pour le moment, ça ne remonte pas, car il y a l'unité contre les 35 heures ». Mais à l'avenir…

DSK, un ami de vingt ans

Entre DK et DSK, pour les initiés Denis Kessler et Dominique Strauss-Kahn, « il n'y a qu'un « s », comme socialiste », constatait un jour le quotidien « La Croix ». « Ce sont deux intellos de l'économie », dit Jean-Hervé Lorenzi, un prof d'éco passé par des ministères de gauche, aujourd'hui à la direction générale de Gras Savoye. « Ce qui les intéresse, c'est la formation de l'épargne. À 25 ou 27 ans, ils n'avaient pas envie de devenir administrateurs civils au ministère des Anciens Combattants ! » « Dominique Strauss-Khan a choisi en 1982 la voie d'abord administrative puis politique, alors que je suis resté un universitaire, et surtout un membre à part entière de la société civile. Notre boîte à outils économiques est la même. Mais moi, je ne suis pas partisan. Je ne crois pas que l'action efficace passe nécessairement par le pouvoir d'État », résume Denis Kessler. Il préfère influer, négocier ou convaincre. Pour faire accepter la candidature de Jean Gandois, alors patron du groupe Pechiney, à la présidence de l'ex-CNPF, il sillonne la France, en 1994, avec l'avion de Claude Bébéar. Pour peser sur le contenu et les modalités de la loi Thomas, il passe l'été 1996 à faire le siège de Matignon, « pour négocier le moindre article », se rappelle Patrick Peugeot, président de La Mondiale, qui pense sérieusement que la vocation de Denis Kessler est d'être « ministre des Finances dans un gouvernement de droite »… Ce qui n'empêche pas DK et DSK de continuer d'entretenir une grande complicité. « Lui et moi, on se comprend immédiatement », résume Denis Kessler.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange