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Le bloc-notes

Dialogue social : perdre du temps pour en gagner

Le bloc-notes | publié le : 01.02.2003 | Raymond Soubie

EDF-GDF : un revers, un succès, deux leçons.

Le résultat négatif du vote des salariés d'EDF-GDF sur le projet de réforme de leurs retraites, organisé à l'initiative de la CGT, est incontestablement un revers pour tous les acteurs. Quand on organise une consultation et qu'on s'est autant engagé, il vaut mieux la gagner. Sans doute eût-il été préférable que chacun prenne ses responsabilités et ne s'en remette pas à une base mal informée et mal préparée.

Le succès tient à ce qu'il y a eu tout de même un accord signé par trois organisations sur cinq qui n'ont pas retiré leur signature, en dépit du tour pris par la consultation. Apparemment, l'application de cet accord, décidée par le gouvernement, devrait se faire sans troubles particuliers. À dire vrai, ni le revers ni le succès ne sont à mettre à charge ou à décharge dans le débat qui va s'ouvrir sur la réforme générale des retraites, tant sont spécifiques les problèmes et le calendrier d'EDF et de GDF. Il s'agissait avant tout d'éviter de provisionner dans leur bilan environ 60 milliards d'euros. Sans réforme générale des retraites, il fallait réformer le financement de celles d'EDF et GDF.

Les deux leçons de cette affaire sont bien intéressantes. D'abord, elle rappelle qu'à la base les salariés du secteur public, et d'ailleurs, ne sont pas prêts à décider pour eux-mêmes des changements qui remettent en cause une partie de leurs droits acquis. Ensuite, elle montre qu'avant toute décision il faut les convaincre de la nécessité du changement, même si celui-ci n'est pas agréable. C'est un travail long, de proximité sur le terrain, qui passe par des relais, des réponses aux questions : un processus qui n'est pas une communication du haut vers le bas, mais qui est d'abord fondé sur l'écoute et l'explication. Ces leçons méritent d'être méditées.

La loi Fillon et l'emploi.

La loi sur la modernisation sociale a donc été partiellement suspendue. Le texte promulgué début janvier prévoit en outre la possibilité de conclure, en cas de risque de licenciement économique, des accords de méthode avec les organisations syndicales majoritaires dans l'entreprise. Leur champ reste limité aux dérogations aux procédures de consultation collective.

C'est un pas positif, mais sans doute insuffisant. Déjà, un nombre relativement important de négociations « préventives » abordent, à côté de cet aspect, des problèmes de fond, du contenu du plan social au calendrier. Certes, les accords qui en résultent ne sont pas sécurisés juridiquement. Ils ont cependant plusieurs grands mérites : prouver la bonne foi de l'entreprise, sa volonté de négocier et de prendre des mesures préventives. Le moment venu, cela pèse son poids en interne, auprès de l'administration de l'emploi et du juge, s'il est saisi. Les partenaires sociaux vont, à la demande du gouvernement, engager une négociation sur la réforme du droit du licenciement collectif. Ils auraient sans doute intérêt à s'appuyer sur ces expériences de bonnes pratiques.

Retraites : moderato ou allegro vivace ?

Le gouvernement affiche la volonté d'aboutir à une réforme des retraites par un dialogue social approfondi. On croit volontiers qu'il n'y a pas d'autres méthodes possibles. D'abord, les principales difficultés vont venir vraisemblablement du secteur public. Or, autant le problème des retraites du secteur privé a été longuement abordé, discuté dans ses données entre les partenaires sociaux, autant il n'en va pas de même dans le secteur public. Depuis le rapport Briet, il n'y a pas eu de réelle étude et encore moins d'analyse partagée avec les syndicats. Cette lacune constitue un handicap qu'il faudra au moins quelques mois pour combler. Ensuite, on imagine que si le gouvernement avait voulu procéder à la hussarde, il aurait eu l'intelligence de le faire au lendemain des élections et pas un an plus tard. Enfin, passer en force serait directement contraire aux engagements pris sur le dialogue social.

Dialogue, donc, mais quel dialogue ? Dans un premier temps, il faudrait sans doute travailler sur une identification en commun de toutes les pistes possibles. Mais après ? Le gouvernement a-t-il une chance de réussir une négociation sur l'architecture du nouveau système ? Peut-être au niveau des principes, mais sans doute pas au-delà. En tout cas, il doit la tenter. Mais qu'il ne s'y trompe pas, il y a les plus grands risques que les syndicats ne souhaitent pas assumer la décision finale. Sur un sujet intéressant tous les Français et engageant leur avenir, n'est-ce pas le rôle du pouvoir politique ?

Auteur

  • Raymond Soubie