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Un RMA confié aux départements

Dossier | publié le : 01.01.2003 | D.G.

Chargés jusqu'ici du volet insertion du RMI, les départements devraient hériter de l'ensemble de la gestion du nouveau RMA, avec A pour activité.Une formule censée booster les élus et remédier au semi-échec de la politique d'insertion antérieure.

Adieu le RMI, vive le RMA ! Au revenu minimum d'insertion créé par Michel Rocard, le gouvernement actuel souhaite substituer un revenu minimum d'activité (RMA), dont la gestion pourrait être confiée en totalité aux départements, dès le second semestre 2003. C'est du moins ce qu'a annoncé François Fillon aux sénateurs à la mi-novembre. « Aujourd'hui, seuls 40 % des bénéficiaires du RMI ont une activité liée à l'insertion. Il s'agit, modestement, de faire progresser ce chiffre en responsabilisant les acteurs du dispositif », fait-on valoir au ministère des Affaires sociales. Depuis la loi du 1er décembre 1988, l'État verse les allocations de RMI par l'intermédiaire des caisses d'allocation familiales et des caisses de mutualité sociale agricole, les conseils généraux étant chargés du volet insertion, copiloté avec les préfectures et les directions départementales de l'action sanitaire et sociale. Or le bilan de l'action départementale dans ce domaine fait l'objet de nombreuses critiques. Et pour cause : la part des bénéficiaires du RMI engagés dans une démarche d'insertion plafonne depuis plus de deux ans à 60 %. Soit, selon les chiffres de juin 2002, 640 000 personnes sur un total de 1 084 000 RMIstes. Dans son rapport 2001, la Cour des comptes jugeait « essentiel de renforcer l'efficacité du volet insertion du dispositif RMI ». À l'Association des départements de France (ADF), le diagnostic est bien entendu plus nuancé. « Les départements ont rempli leur mission en matière d'insertion sociale ; en revanche, la question de l'insertion professionnelle a été négligée, les départements se heurtant aux difficultés structurelles sur le marché de l'emploi. »

445 millions d'euros de crédits non consommés

De fait, la courbe des bénéficiaires du RMI épouse celle du chômage, avec un léger retard. Après avoir constamment augmenté entre 1990 et 1999, le nombre de RMIstes a légèrement diminué entre 1999 et 2001. Avant de repartir à la hausse au premier semestre 2002. Mais la conjoncture économique n'explique pas tout. Le manque de volonté des conseils généraux est aussi à l'origine de ces résultats médiocres. Contraints de budgéter tous les ans 17 % des dépenses engagées par l'État l'année précédente au titre de l'insertion, les départements sous-utilisent cette manne. Au point que le montant des crédits non consommés s'élevait à 445 millions d'euros pour 2001, soit 66 % de l'obligation légale. Le niveau des crédits reportés variant selon les départements entre 2 %, dans l'Ain ou en Charente, et 375 %, en Corse-du-Sud ! Des données qui ne surprennent pas les experts de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas). « Il y a encore un certain nombre d'exécutifs départementaux qui se désintéressent de l'insertion parce que cela se voit moins qu'une autoroute ou un immeuble », regrette Claudine Padieu, directrice scientifique de l'observatoire. Cette situation scandalise Jacques Barrot, président du conseil général de Haute-Loire et ancien ministre du Travail : « Je suis choqué par le fait que les départements ne mobilisent pas tous les moyens mis à leur disposition par la loi ; ils ne jouent pas leur rôle, souvent par manque de créativité dans l'offre d'insertion. »

Des programmes reconduits sans contrôle

Un manque d'imagination également pointé par la Cour des comptes, qui relève par ailleurs le taux de reconduction très élevé des programmes, alors que la loi prévoit que les commissions départementales d'insertion doivent « élargir et diversifier les possibilités d'insertion ». Ce qu'a longtemps omis de faire le département des Pyrénées-Orientales, en déléguant entièrement son dispositif RMI à une association pendant une dizaine d'années. Et sans contrôle. Résultat : sur les 15 267 allocataires recensés au 30 avril 2000, près d'un sur six (2 679 très exactement) n'avait jamais conclu de contrat d'insertion. La loi impose pourtant au bénéficiaire du RMI de « souscrire l'engagement de participer aux actions d'insertion dont il sera convenu avec lui ».

Mais, dans la pratique, rares sont les départements à respecter scrupuleusement leurs obligations contractuelles. Seule une petite moitié des RMIstes avaient paraphé un contrat de ce type au premier semestre 2002. Les taux variant fortement d'un département à l'autre. De 100 % en Vendée ou dans le Cantal à 13,9 % en Seine-Saint-Denis. Car il existe quasiment autant de cas d'espèce que de départements. En matière d'insertion, les Côtes-d'Armor se classeraient plutôt dans la catégorie des bons élèves. « Nous disposons d'un budget supérieur de 45 % au montant légal, parce que nous avons décidé de recruter des éducateurs sociaux qui s'occupent exclusivement des RMIstes, ce qui nous permet de contractualiser entre 80 et 90 % de bénéficiaires du RMI », explique Marie-Hélène Battas, directrice générale adjointe chargée de la solidarité du conseil général des Côtes-d'Armor.

Si les départements admettent volontiers leur responsabilité dans le demi-échec de la politique d'insertion, ils n'oublient pas de mouiller au passage l'État, copilote de l'insertion. « Le fonctionnement de la commission départementale d'insertion (CDI), qui décide de la politique d'insertion du département, est alourdi par la coïntervention du préfet et du conseil général », estime Philippe Boënnec, vice-président du conseil général de Loire-Atlantique et président de la Commission des affaires sanitaires et sociales. Selon la Cour des comptes, « l'effectif de la CDI du Nord s'élevait à 186 personnes en mai 1989, il a été ramené à 149 en 2000. Mais le département note que compte tenu du nombre de membres qui composent ce conseil, cette instance n'apparaît pas comme un lieu de débat et de réflexion ». Pis : dans certains départements, comme le Nord et le Pas-de-Calais, les copilotes ont carrément quitté le navire puisque, faute d'entente ou de collaboration, aucun plan départemental d'insertion n'a vu le jour pendant des années…

Même blocage doublé d'inefficacité pour ce qui concerne les commissions locales d'insertion (CLI), engorgées par l'examen individuel des contrats d'insertion. « Au lieu de proposer des plans collectifs d'insertion et de tracer des perspectives comme le prévoit la loi, elles restent cantonnées dans un travail purement administratif », déplore l'Association des départements de France. L'ADF réclame donc un pilotage en solo du volet insertion du RMI pour mettre fin à cette confusion des rôles. Le gouvernement semble avoir entendu les élus sur ce point. Reste à savoir si les conseils généraux obtiendront des résultats plus probants.

Auteur

  • D.G.