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Les régions en veulent davantage

Dossier | publié le : 01.01.2003 | S.F.

La décentralisation de la formation affiche un bilan positif et gagnerait encore à s'accentuer. À condition que les moyens suivent et que la coordination des partenaires sociaux s'améliore.

L'égalité d'accès à l'apprentissage ou aux contrats de qualification est-elle la même pour un jeune en Bourgogne ou en Alsace ? Une grande partie du débat sur la décentralisation de la formation professionnelle porte sur cette épineuse question. Car le renforcement des pouvoirs des régions, souhaité par le Premier ministre et la majorité des élus, n'est pas sans risque. Si les conseils régionaux obtiennent, notamment, l'entière responsabilité de la formation des publics en difficulté, actuellement dévolue à l'État, la politique d'insertion menée par la région Ile-de-France ne sera sans doute pas la même que celle de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Certes, la décentralisation de la formation, dopée notamment par la loi quinquennale de 1993 (relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle), affiche un bilan positif. Aptes à repérer les besoins des (futurs) employés et des employeurs locaux, les régions ont largement boosté la formation professionnelle et l'apprentissage. En 1992, on comptait 200 000 apprentis. Dix ans après, leur nombre a doublé. Une plus grande décentralisation pourrait par ailleurs avoir des effets positifs sur la lisibilité et la cohérence des plans de formation professionnelle. « Entre les dispositifs de l'État, de la région, de l'Assedic, de l'ANPE, des employeurs… le salarié moyen ne s'y retrouve pas et ne sait pas à qui s'adresser, constate Michel Ranger, conseiller régional, délégué à la formation professionnelle et à l'apprentissage de Haute-Normandie, où siège la Conférence des présidents de gauche. Il est nécessaire de définir un seul chef de file pour obtenir davantage d'efficacité. À titre d'exemple, une permanence d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) possède six sources de financement différentes et autant d'interlocuteurs. »

Les régions ne veulent pas d'un marché de dupes

Pour autant, la question du transfert des moyens de l'État vers les collectivités n'est pas réglée. Après un recul de 16,7 % en 2002 par rapport à 2001, la dotation de l'État aux régions qui vient d'être votée dans la loi de finances 2003 s'élève, pour la formation professionnelle, à 62,09 millions d'euros, soit un bond de 16 % par rapport à 2002. Des chiffres globaux en augmentation qui masquent mal les problèmes financiers auxquels doivent se frotter les collectivités. « Les régions veulent bien prendre davantage de responsabilités, mais il ne faut pas que ce soit un marché de dupes, souligne Bernard Pasquier, délégué de l'Association française pour la réflexion et l'échange sur la formation (Afref). Si elles doivent puiser dans leur budget parce que l'État ne leur octroie pas les versements à hauteur de l'effort consenti, cela va se répercuter dans la fiscalité locale. » Le débat actuel sur le versement de la prime d'apprentissage aux entreprises illustre bien ce hiatus. Confiée aux régions depuis le premier janvier, et non plus à l'État (sauf pour les apprentis déjà dans le circuit), cette nouvelle compétence ne s'est pas accompagnée de moyens supplémentaires en personnel. Dans l'attente des décrets de la loi de modernisation sociale de février 2002 qui sortent au compte-gouttes, les régions ont pris les devants et décidé de ne pas verser ces primes. « En Haute-Normandie, cette opération nécessiterait le recrutement de quatre ou cinq personnes », constate Bernard Pasquier.

Autre problème soulevé par la décentralisation : les partenaires sociaux, à quelques exceptions près, ne sont pas structurés régionalement. Ce qui complique la donne. Si l'apprentissage est financé à la fois par l'État et les entreprises, les contrats de qualification dépendent uniquement des branches professionnelles dont les accords sont signés au niveau national. La réparation automobile ou le BTP, conscients de la nécessité de doper les bassins d'emploi, seraient plus enclins à penser « régionalement » la formation professionnelle. Mais quid de la puissante UIMM, grande maîtresse de la politique de formation ? « La métallurgie y verra son intérêt, estime Bernard Pasquier. Ce secteur peine à attirer des candidats dans les lycées professionnels. Une meilleure coordination locale permettrait de pallier cette pénurie. » La Haute-Normandie a signé plusieurs contrats d'objectifs par grands corps de métiers dans la chimie, le BTP, l'automobile, l'agroalimentaire… « Cela n'a pas toujours été facile de réunir l'Éducation nationale, la région, l'ANPE et les partenaires sociaux autour d'une même table et de se projeter à cinq ans, se souvient le conseiller régional. Mais on ne le regrette pas et on multiplie ces contrats d'objectifs. On forme encore trop de gens dont on sait qu'ils ne trouveront pas d'emploi à la clé. » Reste que les conseils régionaux sont peu nombreux à avoir emboîté le pas à la Haute-Normandie.

Auteur

  • S.F.