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Vie des entreprises

Claude Czechowski dorlote les consultants de CSC Peat Marwick

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.10.2002 | Isabelle Moreau

Pour tirer le meilleur de ses consultants, Claude Czechowski mise avant tout sur la convivialité : services sur le lieu de travail, managers accessibles, tutoiement de rigueur, pot du vendredi soir… Avantages salariaux divers et variés, coaching et formations sur mesure font le reste.

Pas d'état d'âme chez Computer Sciences Corporation. Alors que le marché du consulting s'enrhume, l'entreprise de Claude Czechowski, le P-DG de la division française du géant américain, affiche une progression du chiffre d'affaires de 5 % au second semestre 2002. En moins de dix ans, grâce à quelques jolies opérations de croissance externe, comme la reprise de Peat Marwick en 1998, cette ancienne PME est devenue un groupe de près de 2 000 personnes. Sa recette ? Proposer à ses clients une gamme de services allant du conseil en management à l'intégration de solutions et de systèmes informatiques en passant par l'outsourcing, une activité plus récente. Sponsor de l'équipe cycliste CSC Tiscali dont fait partie le coureur français Laurent Jalabert, la filiale française du groupe américain s'est fait un nom dans le petit monde des consultants, à défaut d'être connue du grand public. Pour attirer les candidats et retenir ses collaborateurs, la SSII s'attache à développer une bonne ambiance de travail et à faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle de son personnel. Un élément essentiel de séduction pour les jeunes diplômés désireux de s'aventurer dans l'univers impitoyable du conseil.

1 VEILLER A L'ENCHAÎNEMENT DES MISSIONS

Spécialistes en organisation, experts en technologie ou orfèvres en progiciels… tous les consultants sont soumis au stress. « Dans ce métier où l'on vend de la matière grise, on est toujours sous pression », explique Jean-Louis Gross, vice-président de CSC. « Nous sommes soumis à la deadline de nos clients », complète Dominique Gerbaux, senior manager au sein de la business unit services financiers.

De plus, la mise en place des 35 heures, qui s'est traduite par un horaire hebdomadaire de 37 heures 20 ou 37 heures 40 et l'octroi de jours de congé supplémentaires, dont une partie fixée par les responsables d'activité, n'ont rien arrangé à l'affaire. Consultants, ingénieurs d'études et chefs de projet sont « staffés », c'est-à-dire en mission chez un client, pendant 90 % de leur temps. Contre 80 % pour un senior et 60 % pour un manager. Ces missions peuvent durer de quinze jours à… trois ans, mais elles oscillent généralement entre trois et six mois. « J'aime bien le changement, c'est très challenging », souligne Anne Lamotte-Scohyers, jeune manager dans le secteur des télécommunications, le « marché telcos ». Mais elle avoue un faible pour les missions longues car « on peut développer une intimité avec le client ». « Très souvent, lorsque la mission est de longue durée, explique Eliana Ayoub, responsable des RH à la BU services financiers et coordinatrice de cette fonction au niveau de la société, on négocie une date de sortie. »

Le propre de cette organisation, c'est aussi de générer du stress pour les managers chargés de décrocher des contrats – le taux de staffing est même un élément important de la part variable de leur rémunération – et pour les collaborateurs sans mission, « en interstaffing », selon le langage maison. Car ils savent qu'ils coûtent cher à l'entreprise. « Certains culpabilisent car ils se sentent de trop. Poussés dans leurs derniers retranchements, des collaborateurs finissent parfois par accepter une transaction financière et quittent l'entreprise », raconte Arnaud Dubuisson, délégué syndical CFE-CGC du site de la Défense. « Notre intérêt est de réduire le taux d'interstaffing. Grâce à notre cellule centrale de staffing, nous sommes réactifs », affirme Jacques Benamor, le DRH de CSC. Ce n'est pas tout à fait l'avis d'Arnaud Dubuisson qui pointe des dysfonctionnements en matière de gestion RH : « Lorsqu'un consultant termine une mission, il pourrait enchaîner rapidement sur une autre si on rapprochait davantage l'offre et la demande. Ce n'est pas toujours le cas et c'est dommage. »

Pour améliorer la gestion des consultants, CSC compte mettre en place, dans un an au plus, une bourse de l'emploi sur l'intranet. « Nous allons aussi être plus présents auprès des équipes en mission. Je souhaite que les RH se rapprochent physiquement du terrain », ajoute Jacques Benamor. L'autre façon d'accélérer l'enchaînement des missions est de recruter à bon escient. « Il y a un an, rappelle Arnaud Dubuisson, de la CGC, on embauchait une cinquantaine de salariés par mois. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus calme. Les clients ont très fortement réduit leurs investissements. Il est beaucoup plus difficile de staffer le personnel et la tendance prioritaire est logiquement au staffing des personnes en intercontrats. »

2 SOULAGER LE STRESS DU CONSULTANT

Soucieux d'aider ses collaborateurs à mieux concilier vie professionnelle et vie privée – surtout depuis la mise en place des 35 heures –, Claude Czechowski s'est tout de suite reconnu dans le discours de Dominique Beaulieu, le médiatique patron d'Affiniteam. « Aujourd'hui, les salariés ne sont plus prêts à sacrifier leur vie privée à leur vie professionnelle », affirme le P-DG de ce cabinet spécialiste de la relation entreprise-salariés. Son produit d'appel ? Des portails multiservices qui tiennent « les salariés au chaud ». C'est ainsi qu'est né Netstore, le portail de CSC. D'un coût annuel de 40 000 euros (plus une somme identique pour la mission de conseil et le lancement), son fonctionnement est simple : grâce à un mot de passe, les collaborateurs peuvent accéder, via leur poste de travail, au portail où est accessible toute une gamme de services : cours de piano, pressing, massages, lavage de voitures… Les collaborateurs notent (de 1 à 5) les différentes prestations. La palme revient ainsi au distributeur de coupons de carte Orange installé dans l'immeuble Balzac à la Défense. Également apprécié, le massage – dispensé sur place au prix de 18,29 euros –, avec une note de 4.

« Cette initiative aurait pu être très mal perçue en interne, reconnaît, pragmatique, Jean-Louis Gross. Les collaborateurs auraient pu y voir une incitation à rester plus longtemps sur leur lieu de travail puisqu'on leur facilite leur quotidien. Mais cela n'est pas été vécu comme tel. » La meilleure preuve, c'est le succès remporté par Netstore. « Nous avons environ 900 connexions par jour », annonce fièrement Jacques Benamor. Tout le monde n'applaudit pas cependant à cette initiative. « Le portail, c'est une très bonne idée au départ, mais les services proposés sont souvent très chers », estime Arnaud Dubuisson, de la CFE-CGC.

Ce dernier ne boude pas, en revanche, le pot du vendredi soir organisé à 17 heures à la cafétéria du Balzac. Une tradition héritée de Peat Marwick, que Claude Czechowski a maintenue. « Il ne faut pas toucher à cette institution, car c'est une instance informelle où l'on discute et on échange », fait observer Jacques Benamor. D'autant plus facilement que la moyenne d'âge des troupes est de 33 ans et que le tutoiement y est de rigueur. Ce lieu de rencontre permet aussi « aux salariés en mission de ne pas être complètement déconnectés de leur entreprise », explique Sabine Anglesi, assistante de direction à la BU solutions d'entreprises. Arnaud Dubuisson va même plus loin : « Il est un point de passage indispensable pour un salarié qui souhaite évoluer. Parfois, en discutant, il arrive même que des collaborateurs en interstaffing depuis un certain temps rencontrent des managers et parviennent à s'intégrer à des missions. » Entre deux verres, plutôt que par la voie classique.

3 DÉVELOPPER ET FAIRE PARTAGER LES COMPÉTENCES

CSC s'est doté d'une organisation matricielle appuyée sur quatre business units (services financiers, entreprises solutions, conseils métiers et technologies) plutôt appréciée par les cadres. Vice-président de CSC, Jean-Louis Gross insiste sur « l'absence de cloisonnement qui favorise les échanges entre les équipes ». « La hiérarchie est peu présente, complète Dominique Gerbaux, senior manager. Et les partners sont faciles d'accès. On arrive à les voir dans l'heure. » Chez CSC, on privilégie « la libre entreprise », comme l'explique Dominique Gerbaux. Claude Czechowski encourage en effet ses collaborateurs à partager leur savoir-faire et à développer leur expertise. « Nous sommes incités à mettre sur la base de données interne les documents relatifs à nos fins de mission, explique Anne Lamotte-Scohyers. Cela nous amène à capitaliser notre savoir-faire. » Afin de pouvoir « gagner en équipe », selon la formule chère à Claude Czechowski. La volonté affichée est que chacun puisse tirer parti de la compétence de l'autre et vice-versa. En France comme à l'étranger. Ce qui doit constituer un « plus » pour la carrière. « Chez CSC, la possibilité de faire carrière est plus ouverte que chez nos concurrents, souligne Jacques Benamor. Cela s'explique aussi par l'offre complète de services que nous proposons à nos clients. »

Cela passe également par un parcours de formation sur mesure. « Nous consacrons entre 6 et 8 % de la masse salariale à la formation, poursuit le DRH. 70 % du budget est attribué aux formations techniques, le reste est consacré à l'accompagnement en termes de ressources humaines. » Manager depuis le mois de mars 2002, Anne Lamotte-Scohyers a bénéficié d'une formation de jeune manager. Elle s'estime satisfaite du système de formation interne. « C'est très bien organisé. On fait part de notre souhait de formation à notre coach puis on reçoit des propositions. On peut alors s'inscrire sur l'intranet. C'est très proactif. » En outre, comme dans beaucoup d'entreprises du secteur, chaque consultant est coaché. Par la même personne, et tout au long de son parcours professionnel. « Idéalement, explique Eliana Ayoub, le coach ne travaille pas avec la personne qu'elle suit. C'est davantage une courroie de transmission, un facilitateur. »

4 TRANSFORMER LES PROS EN CONSULTANTS

La filiale française de Computer Sciences Corporation a la particularité de recruter de nombreux seniors totalement néophytes dans le conseil. Après sept années passées chez Indosuez et trois à la Dresdner Bank à Francfort, Dominique Gerbaux est désormais senior manager au sein de la business unit services financiers. De formation Supélec, master en télécommunications en poche, Anne Lamotte-Scohyers a rejoint Peat Marwick, racheté en 1998 par CSC, après un passage chez Bouygues Télécom. Elle est actuellement manager dans les télécommunications.

Ancien ingénieur de Framatome, Jean-Louis Gross est, à 53 ans, vice-président de CSC, chargé du développement du business. Tous ont en commun d'avoir exercé un autre métier avant de rejoindre le monde du conseil. Et d'être devenus des pros dans leur domaine. « CSC favorise l'expérience professionnelle des personnes, explique Dominique Gerbaux. La majorité des salariés de la BU services financiers sont issus du monde opérationnel de la finance. » Ce qui constitue un avantage certain à ses yeux : « C'est d'ailleurs une des évolutions majeures de la demande du client qui achète un passé professionnel et des compétences. »

Dans la plupart des sociétés de conseil, on préfère généralement recruter des jeunes diplômés qui sont ensuite formés à un métier ou spécialisés dans un secteur. La politique relativement originale suivie par la filiale française de la SSII américaine permet ainsi aux collaborateurs, voire aux dirigeants, de retrouver un second souffle et d'entamer une nouvelle vie professionnelle. Sept ans après son arrivée dans le groupe, le vice-président de CSC chargé du développement du business, Jean-Louis Gross, ne regrette pas son choix : « Dans le nucléaire, on fait toujours un peu le même métier, mais on s'ennuie. Ici, il y a plus de défis. Le métier est plus fatigant, mais il est aussi plus varié. »

5 CALER LES SALAIRES SUR LA PERFORMANCE

Difficile de trouver, chez CSC, des frustrés ou des déçus. « Ici, il fait bon vivre. Certes, il y a du boulot, mais l'ambiance est bonne », reconnaît Christophe Menegazzi, consultant senior et délégué syndical CFE-CGC du site de Charenton. « La meilleure preuve, c'est que la cooptation représente entre 15 et 20 % de nos recrutements », abonde Jacques Benamor, le directeur des ressources humaines. « Chez CSC, nous avons réussi à combiner une ambiance en interne sympathique et un bon niveau de salaire », estime Jean-Louis Gross. « Je me sens bien dans ma boîte », confirme Anne Lamotte-Scohyers.

Reste que le montant exact des émoluments des collaborateurs de CSC est un secret jalousement gardé. Néanmoins, le bilan social 2001 de l'entreprise révèle que la rémunération moyenne des salariés était de 4 463 euros brut par mois pour les hommes, tandis qu'elle représentait 3 457 euros brut par mois pour leurs homologues féminines, moins nombreuses d'ailleurs. Une moyenne plutôt élevée qui s'explique aisément, la population cadre représentant 85 % des troupes. La rémunération est versée sur douze mois, ce qui est assez classique pour une entreprise adhérant au Syntec. Autre indication : plus du tiers des salariés (38 %) de CSC en France ont un salaire brut mensuel supérieur ou égal à 4 500 euros, dont près de 20 % compris entre 4 500 et 6 000 euros par mois. Enfin, plus le salarié occupe une position élevée dans la hiérarchie, plus la part variable de sa rémunération est importante.

« Chez CSC, explique Jacques Benamor, le DRH, il y a un minimum de collectif. Le reste est lié à la performance et au résultat. Comme dans les autres sociétés de services, nous avons un mode de gestion individualisé. » Une tendance qui s'affirme de plus en plus. « Il y a quelques années, explique Arnaud Dubuisson, de la CFE-CGC, l'un des rares syndiqués de l'entreprise, on arrivait à négocier une augmentation générale au moins équivalente à la hausse de l'inflation. Aujourd'hui, pour le personnel d'encadrement, l'augmentation se limite à une augmentation individuelle au mérite, avec tout ce que cette notion peut susciter de partialité. » Pour 2001, l'augmentation générale a atteint 2 %. En revanche, pour 2002, la direction a proposé une augmentation des salaires de 1,5 %, « si la performance est atteinte », précise Jacques Benamor. Une situation jugée inadmissible par Arnaud Dubuisson qui, pour la première fois cette année, et à la différence de son homologue de la CFTC, a refusé de signer l'accord salarial.

Les salariés de CSC bénéficient également d'avantages sociaux, à commencer par une prime d'intéressement dont le montant est lié aux résultats de l'année. En 2001, le personnel a obtenu un demi-mois de salaire, soit en moyenne 1976 euros par salarié. À partir de 2002, l'intéressement pourra être placé sur le PEE mis en place en 2001 et complété par un abondement de l'employeur. « Cela peut profiter aux salariés les plus modestes », explique le DRH, qui ajoute que, pour l'exercice 2002, les salariés de CSC bénéficieront pour la première fois d'une prime de participation égale à environ un quart de leur salaire. Dernier élément de rémunération, des stock-options sont distribuées, de façon « assez discrétionnaire ». Cela vaut pour Claude Czechowski, dont ni la rémunération ni les bonus et autres stocks ne sont divulgués. Dans le monde du conseil, on n'aime guère parler d'argent !

Entretien avec Claude Czechowski :
« Le poids de l'État, ressenti de manière négative à l'étranger, pénalise l'attractivité du site France »

Dans son vaste bureau de la Défense, Claude Czechowski, P-DG de CSC Peat Marwick en France et des activités de consulting du groupe américain en Europe, peut mesurer avec satisfaction le chemin parcouru. Depuis son arrivée en 1994 à la tête de l'entreprise, les effectifs ont quasiment été multipliés par dix.

Auparavant, cet ingénieur Ensi de 50 ans, titulaire d'un diplôme de troisième cycle en économie, a assuré pendant quatorze ans la direction générale et le développement de Sema Group en France et en Europe pour les activités de conseil et d'informatique de gestion. Époux d'une journaliste vedette de l'audiovisuel, ce père de deux enfants a enseigné à Dauphine et dirigé plusieurs études pour le secteur public.

Quelle est votre stratégie de développement économique et social ?

Grâce aux différentes acquisitions réalisées ces dernières années par CSC, nous avons pu augmenter le nombre de nos collaborateurs, élargir nos compétences et surtout créer de la valeur ajoutée. Aujourd'hui, notre spécificité consiste à proposer une offre incluant nos métiers de conseil, d'intégration de solutions informatiques et d'infogérance pour améliorer la performance de nos clients. Chez CSC, il existe une culture d'entreprise forte qui permet de développer un esprit entrepreneurial et de créer des projets orientés résultat tant pour nos clients que pour nous-mêmes. Nous sommes une entreprise de matière grise. Ici, il faut savoir partager pour pouvoir gagner en équipe.

Comment une société de services comme CSC vit-elle les 35 heures ?

Les 35 heures comportent plusieurs aspects. L'aspect positif, c'est l'attribution d'un certain nombre de jours de congé supplémentaires qui permettent aux salariés de mieux équilibrer leur vie professionnelle et leur vie privée. L'aspect négatif, ce sont les modalités d'application inadaptées à notre activité.

La loi impose à tous les mêmes modes de travail. Il serait aujourd'hui utile d'en assouplir les règles et de permettre aux collaborateurs de choisir leur temps de travail, à la carte.

L'autre effet, catastrophique cette fois, des 35 heures est le surcoût pour l'entreprise. Chez CSC, il a été de l'ordre de 6 %. Nos charges se sont accrues. Et nos clients n'étant pas prêts à payer cet accroissement, nous avons dû augmenter notre productivité. Résultat, les collaborateurs disposent de jours de congé supplémentaires mais ont un job plus stressant. Il leur faut donc un peu plus de temps pour décompresser lorsqu'ils sont en vacances.

Comment la maison mère américaine a-t-elle perçu les 35 heures ?

Difficilement.

Êtes-vous autonome dans votre gestion des ressources humaines ?

Absolument. Ce que n'aiment pas les Américains, c'est l'imprévisible dans le domaine des performances. Comme nous avons obtenu de bons résultats en France ces dernières années, nous gardons une certaine autonomie de gestion. Aujourd'hui, dans le monde du consulting, l'ensemble des entreprises du secteur fait face à des réductions de budget des clients. La plupart de nos concurrents ont une croissance faible. Parfois même négative. Ce n'est pas notre cas. Fin mars 2002, nous avions une croissance de 17 % en France. Aujourd'hui, elle est encore de 5 %. Nos bonnes performances ont d'ailleurs suscité par le passé de nombreuses « chasses » de nos collaborateurs.

La conjoncture a dû changer la donne…

Il est vrai que le ralentissement économique a freiné les départs. Et notre politique agressive de recrutement s'est ralentie. De surcroît, nous avons développé tout un système de fidélisation de nos collaborateurs. Sur notre intranet, ils peuvent ainsi trouver une gamme de services qui leur permet de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. Ils peuvent aussi partager leurs connaissances et puiser des informations qui s'avèrent utiles lorsqu'ils sont en mission.

La difficulté que nous rencontrons aujourd'hui, c'est la gestion de nos collaborateurs entre deux missions. Car le doute peut alors s'installer chez eux. Nous en profitons pour développer leurs potentiels dans le cadre du groupe, via des actions de formation et de nouvelles propositions de développement personnel. Nous sommes aussi amenés à convertir certains de nos collaborateurs à d'autres spécialités – practices – en cas de changement de la demande de nos clients et de nos marchés. Nous le faisons régulièrement, car cela leur permet d'acquérir une expertise supplémentaire, et à CSC de ne pas ressentir aussi fortement que d'autres les périodes de crise.

Envisagez-vous de réduire les effectifs ?

Non. Comme tout le monde, je regarde du côté de la masse salariale. Mais je regarde d'abord en haut avant de regarder en bas. Depuis huit ans que je suis dans cette entreprise, je n'ai pas eu à conduire de plan social. Pourtant, aucune année n'a été facile. Pendant cette période, nous avons connu une forte croissance des effectifs, qui sont passés de 250 à 2 000 collaborateurs en France. En 2001, les événements du 11 septembre ont entraîné des mesures de restriction de coûts aux États-Unis. Je me suis efforcé d'en réduire l'impact sur nos équipes. Je dispose en France d'une structure d'encadrement de 280 partners, directeurs et managers qui partagent la responsabilité du développement des activités, des équipes, de la qualité des missions et de la rentabilité. Cette structure nous permet de mieux gérer les évolutions du marché, d'assurer une proximité avec les clients et de disposer d'une plus grande flexibilité en facilitant la mobilité d'une équipe à une autre. Nous sommes aussi mieux armés que d'autres pour faire face au ralentissement du marché.

Quelles réformes le gouvernement Raffarin devrait, selon vous, engager en priorité ?

Je pense qu'il faut avant tout redonner de la fierté et du dynamisme à l'entreprise. Que le politique soit moins interventionniste dans le monde économique. Qu'il permette aux entreprises de créer plus facilement des emplois et favorise davantage la création d'entreprise. Il faut aussi œuvrer pour que les créateurs de savoir-faire, que ce soit dans les domaines de la technologie, des services à valeur ajoutée ou des télécommunications, aient les moyens de l'industrialiser.

Pensez-vous que les 35 heures et la loi de modernisation sociale fassent peur aux investisseurs étrangers ?

Je crois que le poids de l'État a été ressenti de manière très négative à l'étranger et pénalise l'attractivité du site France.

Vous êtes donc partisan d'un État plus modeste ?

En tout cas, je suis favorable à un État moins interventionniste. L'État donneur de leçons doit se réformer. Or il n'y parvient guère. Aujourd'hui, j'attends de l'État qu'il rende le même service que celui qu'il réclame à ses contribuables.

Nous ne sommes plus dans une économie industrielle, mais dans une économie de services. Il est nécessaire d'avoir une interactivité plus grande entre l'être social, l'être économique et l'acteur État. En France, l'État est encore lent à prendre des décisions et à les mettre en application. Ce qui marque son éloignement du terrain.

Partagez-vous l'avis du Medef sur ce point-là ?

Je partage l'avis du Medef sur les 35 heures. Mais celui-ci gagnerait lui aussi à s'ouvrir sur les métiers du service et à élargir sa représentativité. Il faut apporter un peu de modernité à cette organisation.

Propos recueillis par Denis Boissard et Isabelle Moreau

Auteur

  • Isabelle Moreau