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Enquête

UN GROS TIERS DES ENTREPRISES PASSÉES À L'ACTION

Enquête | publié le : 01.09.2002 | Denis Boissard

Conscientes de leur responsabilité, mais très inégalement investies : ainsi apparaissent les entreprises dans notre sondage « Liaisons sociales »-Novethic auprès de 300 DRH. Les plus impliqués ? Les groupes industriels. Séduits, les DRH y voient l'opportunité de rendre leur fonction plus stratégique.

Développement durable ? Connaît pas ou… mal, reconnaissent quatre directeurs des ressources humaines sur dix. En revanche, le concept de responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise « parle » à plus de huit DRH sur dix. Et, pour près des trois quarts d'entre eux, il s'agit là d'une affaire sérieuse, d'une préoccupation réelle des entreprises. Seule une petite minorité y voit une mode éphémère. La perception de l'importance d'une telle démarche est d'autant plus vive que l'entreprise est grande (81 % des DRH des entreprises de plus de 2 000 salariés) ou qu'elle relève de l'industrie (87 % des DRH concernés). Les premiers enseignements de notre sondage exclusif Liaisons sociales-Novethic réalisé au mois de juillet par Ipsos auprès de DRH d'entreprises de plus de 1 000 salariés ont de quoi rassurer tous ceux – ONG, mouvements associatifs, agences de notation… – qui s'efforcent de sensibiliser les entreprises à leur responsabilité citoyenne.

L'intérêt d'une telle démarche ? Juste derrière la prévention des risques écologiques – comme l'a montré la catastrophe de l'Erika pour TotalFinaElf, toute négligence se paye au prix fort dans ce domaine –, les DRH, pragmatiques, placent l'amélioration de l'image de l'entreprise auprès du public. Suivent, à leurs yeux, deux effets positifs, interne et externe, qui les intéressent directement : une plus grande motivation du personnel de l'entreprise et une meilleure attractivité de leur société auprès des candidats à un emploi. En revanche, les impacts économiques éventuels d'une telle démarche sur le client, l'actionnaire ou la réduction des coûts sont moins bien notés.

Indéniablement les DRH se sentent concernés. Invités à hiérarchiser – en leur attribuant une note – les éléments constitutifs de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise, ils placent assez largement en tête la qualité de la gestion des ressources humaines (8/10), avant même le respect de l'environnement (7,5/10). Pas question pour eux de s'en tenir au seul respect des droits fondamentaux des salariés (comme l'interdiction du travail des enfants et du travail forcé) dans leurs filiales ou chez leurs fournisseurs à l'étranger.

Paradoxalement, cette dernière préoccupation, souvent mise en avant dans la communication des entreprises américaines en matière d'éthique, est la plus mal classée par les DRH dans la liste que nous leur avons soumise (6,9/10). Le message est clair : les DRH français privilégient une conception extensive de la responsabilité sociale des entreprises, qui va bien au-delà du socle des directives de l'OIT. Peut-être, noteront les esprits malins, parce qu'ils voient dans cette démarche une bonne occasion de valoriser un peu plus leur fonction. Mais qui s'en plaindra ? À noter que plus l'entreprise est grande, plus les notes attribuées sont élevées, ce qui s'explique vraisemblablement par une implication plus forte dans la démarche.

Une conception plutôt anglo-saxonne

Numéro un au hit-parade des actions jugées prioritaires par les DRH dans le domaine des ressources humaines : la lutte contre toutes les formes de discrimination et de harcèlement (8,5/10), talonnée par la garantie des droits fondamentaux de l'homme au travail (8,3/10). On retrouve là une conception plutôt anglo-saxonne de la responsabilité sociale des entreprises. Mais il n'est pas surprenant que soient privilégiées des actions visant à éviter les dysfonctionnements les plus inexcusables aux yeux de l'opinion. Et les autres items, qui s'apparentent plus à des bonnes pratiques de GRH, au sens où les Européens la conçoivent, reçoivent des notes plutôt élevées (entre 6,9 et 8/10), qu'il s'agisse de l'effort de formation pour garantir l'employabilité des salariés, de la transparence des relations avec les représentants du personnel, de la prise en compte des contraintes personnelles et familiales des employés ou de la recherche d'une préservation et d'une moindre précarité des emplois.

Concrètement, que font les entreprises dans ce domaine ? Une sur dix ne fait rien. Un quart des entreprises en est à la phase de la réflexion. Une sur vingt a établi un diagnostic. Un peu plus d'une sur dix en est au stade de définir des programmes et des engagements. Et, bonne surprise, un gros tiers a engagé des actions concrètes et mis en place un dispositif d'évaluation. S'il n'y a pas d'écart significatif entre moyennes et grandes entreprises, les entreprises industrielles ont clairement pris un train d'avance sur leurs homologues du tertiaire dans ce type de démarche : pratiquement deux sur dix (18 %) ont arrêté des programmes et fixé des engagements, et six sur dix (58 %) ont d'ores et déjà mis en œuvre des actions et une évaluation de leurs résultats.

Le retard est flagrant dans le secteur des services où seulement trois entreprises sur dix en sont aux réalisations concrètes, et où elles sont la même proportion à n'avoir rien engagé d'autre qu'une simple réflexion.

Dans les entreprises qui ont dépassé le stade de la réflexion, les actions engagées ou sur le point de l'être sont, pour la majorité d'entre elles, des mesures de protection de l'environnement et de sensibilisation – voire de formation – de leurs collaborateurs à cette démarche. Près de quatre entreprises sur dix se sont lancées dans une démarche de certification sociale et environnementale, trois sur dix auditent et contrôlent leurs filiales et fournisseurs ou réalisent un rapport spécifique consacré au développement durable, un peu moins de deux sur dix ont établi des relations avec des ONG ou des associations qui agissent dans ce domaine, et environ 15 % sont évaluées par une agence de notation sociale ou environnementale ou ont créé une fondation d'entreprise (à vocation citoyenne ou humanitaire).

Dans 6 cas sur 10, le P-DG est l'initiateur

Là encore les entreprises industrielles sont nettement en pointe : plus des trois quarts d'entre elles (77 %) sont actives sur l'environnement, plus de six sur dix (63 %) sensibilisent ou forment leurs salariés, plus de la moitié (54 %) font certifier leurs procédures, près de quatre sur dix auditent filiales et fournisseurs (38 %) ou réalisent un rapport ad hoc (39 %)…

À l'initiative de la démarche ? Dans six entreprises sur dix qui s'y sont lancées ou qui ont engagé une réflexion à ce sujet, ce n'est pas vraiment une surprise, c'est le P-DG lui-même qui est le décisionnaire. Dans près de deux entreprises sur dix, le DRH se targue tout de même d'en être l'initiateur. Au dire des DRH interrogés, les autres responsables de l'entreprise (finances, environnement, marketing ou communication) n'ont qu'un rôle marginal dans la décision initiale.

S'agissant de la mise en œuvre de la démarche, le DRH serait en première ligne dans la moitié des entreprises, le pilotage n'étant confié à un responsable de l'environnement ou du développement durable que dans deux entreprises sur dix. Un résultat surprenant, peut-être biaisé par la fonction des personnes interrogées. Dans les entreprises industrielles, où la dimension environnementale est plus prégnante, le responsable de ces questions est pilote dans près de quatre entreprises sur dix (39 %), à l'instar du DRH (42 %).

Toujours est-il que les DRH ne sont pas loin de voir dans cette démarche une fabuleuse opportunité pour redorer leur blason au sein des états-majors : plus des trois quarts d'entre eux estiment qu'elle rend leur fonction plus stratégique, quatre sur dix qu'elle va leur octroyer plus d'autonomie, et deux sur dix pensent même qu'elle va leur permettre d'obtenir un renforcement de leurs équipes. Très rares sont les esprits chagrins qui perçoivent, à l'inverse, le socialement responsable comme une menace.

82 % des DRH savent ce que veut dire la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise

41 % ne connaissent pas ou mal la notion de développement durable

73 % des DRH estiment que la responsabilité sociale et environnementale est une réelle préoccupation des entreprises

16 % jugent que c'est une mode qui partira aussi vite qu'elle est venue

77 % des DRH pensent qu'une telle démarche donne un rôle plus stratégique à la fonction RH (7 % pensent l'inverse)

39 % qu'elle entraîne un gain d'autonomie pour leur fonction (13 % pensent l'inverse)

20 % qu'elle génère une augmentation de leurs équipes (4 % pensent l'inverse)

Auteur

  • Denis Boissard