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Un marché toujours aussi éclaté

Dossier | publié le : 01.09.2002 | E. B.

Éparpillé entre un grand nombre de prestataires, le marché de la formation en langues connaît un début de concentration sous la pression des donneurs d'ordres. S'il n'y a pas de révolution, les pratiques évoluent vers plus d'individualisation et une utilisation mixte d'outils.

« My name is Paul. How are you ? » En version professionnelle dans le texte. On pourrait croire que la généralisation de l'anglais comme langue de travail pour un nombre toujours plus grand de cadres chez Renault, Axa ou Alcatel constitue une aubaine pour les spécialistes de la formation continue. De fait, l'anglais représente 80 % des formations dispensées, loin devant l'espagnol, l'allemand, l'italien et, à un moindre niveau, le japonais ou le russe. Certaines langues d'Europe de l'Est sont plus demandées ces dernières années, depuis l'ouverture de son économie, mais les prestataires ne se font pas d'illusion : « Cela ne durera pas, les responsables économiques des pays concernés sont en train d'apprendre l'anglais. » En revanche, il n'y a pas eu d'explosion du marché de la formation en langues dans l'Hexagone.

Pour tout dire, l'avenir s'annonce même plutôt sombre dans ce secteur. « L'attitude des entreprises a changé. Il n'est plus question d'acheter des formations pour utiliser les fonds versés aux organismes paritaires ou faire plaisir à ses salariés », explique Jean-François de Zitter, vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Les DRH ou les responsables de la formation ont des besoins précis et ne s'engagent pas à la légère. « On est passé d'une logique d'offre à une logique de demande. Les entreprises ne veulent plus dépenser de l'argent sans obtenir des résultats visibles. De plus, elles souhaitent réduire leur budget et lancent des appels d'offres », indique Claude Née, président de la commission langues au sein de la FFP. Pour les prestataires, le choc est rude et les enquêtes de la fédération laissent présager un début de concentration dans un secteur qui est encore très atomisé.

Une multitude d'intervenants non professionnels

Les quelques enseignes d'envergure nationale comme Telelangue, Berlitz, The Wall Street Institut ou Inlingua profitent de l'évolution de la demande pour se positionner à l'égard des grands comptes mais les intervenants sont nombreux. Les 171 centres d'étude des langues des chambres de commerce et les Greta (groupements d'établissements publics) drainent chacun environ 20 % de l'activité. Le secteur privé détient environ 35 % du marché. Reste un quart de la formation aux mains d'une multitude de prestataires non professionnels, dont certains sont des enseignants en quête d'heures supplémentaires.

Côté pédagogie, le mot d'ordre est de s'adapter à la diversité des apprenants. « L'apprentissage d'une langue n'est pas un processus scientifique, explique Jean-Pierre Van Deth, directeur de l'ENSPTT et créateur d'Expolangue. On ne sait pas exactement comment s'apprend une langue, d'où l'apparition régulière de nouvelles méthodes. Mais, depuis la révolution de l'approche communicative, les améliorations sont infinitésimales. » Moralité, en dépit du marketing efficace de certaines enseignes qui proposent une méthode infaillible permettant des progrès assurés pour un prix modique et dans un laps de temps limité, toutes les formations ont la même approche : mettre les apprenants en situation de devoir s'exprimer.

La demande des entreprises clientes se dirige vers les formations spécialisées plutôt que générales. Les responsables de formation préfèrent qu'une secrétaire apprenne à tenir une conversation téléphonique et à diriger un interlocuteur vers la personne demandée et privilégient les cursus professionnels. Dans la même veine, les commerciaux seront incités à perfectionner leur présentation de produit. Une tendance que les prestataires sont obligés de prendre en compte. « Nos plans de formation sont toujours coconstruits avec les clients, indique Georges Tomaszewski, directeur qualité de Transfert, un prestataire francilien. La plupart du temps, les cours s'effectuent en intraentreprise et sont très orientés vers le métier. »

Autre caractéristique, l'intégration des formations sur le lieu de travail. Les cours collectifs et les stages intensifs dans les locaux du prestataire, jugés trop chronophages, sont de moins en moins appréciés. Les entreprises préfèrent accueillir les formateurs dans leurs locaux. Celles qui en ont les moyens ouvrent un centre de ressources. Dans ces espaces en libre-service, les salariés peuvent consulter des méthodes, écouter des cassettes, regarder une chaîne de télévision étrangère ou converser avec un personnage de série américaine grâce à un DVD interactif. Idéale pour se former sans bloquer trop de temps, cette organisation renforce une tendance générale à l'individualisation et permet une meilleure prise en compte du niveau de l'apprenant. « Les Français ne sont pas très doués pour les langues mais les moins de 30 ans sont plus à l'aise que leurs aînés. Ils ont plutôt besoin de cours de perfectionnement, voire de coaching », estime Jean-Claude Lasnier, président de l'Agercel, l'association gestionnaire des centres d'étude des langues des CCI.

Une offre de plus en plus variée

Si plusieurs enseignes proposent déjà ce genre de prestation, les besoins du marché suscitent l'apparition de nouveaux intervenants, à l'image d'Englishbooster. Créée en janvier 2001, cette entreprise parisienne propose à des personnes ayant déjà une bonne maîtrise de l'anglais de travailler sur leur présentation de produit pour améliorer leur communication face aux clients. « Nous employons des consultants de langue anglaise qui ont déjà travaillé dans le métier de l'apprenant. Après un premier séminaire en face à face, le coaching et l'editing des documents se font à distance », indique Catherine Mortaza, cofondatrice d'Englishbooster. En revanche, les nouvelles technologies n'ont pas modifié les choses aussi radicalement que prévu. « Après un démarrage sur les chapeaux de roue, l'e-learning est en chute libre », estime Jean-Pierre Van Deth, de l'ENSPTT. Le salarié suivant un cours de langue en direct sur son ordinateur de bureau relève encore de la science-fiction. « Le taux d'abandon des méthodes américaines tournées vers le grand public frise les 80 %, indique Claude Née. Même un tuteur en ligne ne permet pas d'améliorer véritablement les choses. »

Dans la pratique, l'avenir de la formation continue en langues semble donc passer plutôt par la pluralité des offres : ateliers à thème, centres de ressources, cours classiques, cours par téléphone, séjours linguistiques et e-learning. Si l'autoformation apparaît comme une tendance irréversible, les spécialistes de la formation n'ont pas dit leur dernier mot. « Le professeur n'est plus un puits de connaissance, mais un entraîneur et un conseiller », résume Philippe Fouque, directeur d'Inlingua Paris.

Auteur

  • E. B.