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Salarié, anglais tu parleras !

Dossier | publié le : 01.09.2002 | S. D.

Exigeant de plus en plus souvent de leurs salariés qu'ils soient bilingues, les entreprises donnent la priorité à l'anglais. Pour autant, les budgets consacrés à l'apprentissage des langues n'augmentent pas. Soucieuses de contenir leurs coûts, les sociétés recherchent davantage l'efficacité dans leur politique linguistique.

Lorsque François Trouillet a été embauché il y a un an et demi par Business Objects, le leader mondial des fournisseurs de logiciels d'aide à la décision, il savait que sa maîtrise parfaite de l'anglais compterait autant que ses compétences techniques. Ce directeur du marketing et de la communication de 45 ans n'a donc pas été surpris. Habitué à travailler dans les world companies, il passe du français à l'anglais sans y prêter attention. À Levallois, au siège de Business Objects où se côtoient 28 nationalités, le plurilinguisme est bien vu, même si, au quotidien, c'est plutôt l'anglais qui rythme les relations de travail. « Quand nous envoyons un e-mail susceptible d'être lu par un grand nombre de collaborateurs, nous le rédigeons systématiquement en anglais, note François Trouillet. Même chose pour les présentations marketing ; et dès qu'une réunion rassemble des salariés d'horizons variés, l'anglais s'impose naturellement. »

Mondialisation oblige, les entreprises françaises accélèrent leur mouvement d'internationalisation et exigent désormais de leurs équipes qu'elles connaissent au moins une langue étrangère. Signe des temps, 2001 a été consacrée « année européenne des langues » par l'Union et le Conseil européens. Un eurobaromètre réalisé à cette occasion auprès de 16 078 habitants de l'Union a révélé que 72 % des salariés trouvent l'apprentissage d'une langue utile et que 53 % maîtrisent une seconde langue. Plus exactement, ceux-ci sont amenés à travailler plus souvent sur des projets transnationaux, à décrocher des marchés ou à convaincre des clients à l'étranger, ils doivent savoir impérativement communiquer en anglais, la langue du business par excellence. N'en déplaise aux farouches défenseurs de la langue de Molière, Shakespeare a conquis le cœur des plus beaux fleurons de l'industrie française. Chez Alcatel, surnommé High Speed Society par son P-DG Serge Tchuruk, chez Axa où le président du directoire Henri de Castries a présenté l'année dernière les comptes du groupe en anglais, chez L'Oréal ou Eurocopter, l'usage de l'anglais est entré dans les mœurs. Les récentes unions entre grandes entreprises et les fusions ont encore favorisé cette espèce d'anglophilie collective. Ainsi, depuis que Renault s'est allié avec le japonais Nissan en mars 1999, l'anglais s'est hissé au rang de langue officielle chez le constructeur, au coude à coude avec le français.

Même chose chez Altadis, né du mariage entre la Seita et son homologue espagnol Tabacalera. Le groupe sidérurgique Usinor, dont la fusion avec le luxembourgeois Arbed et l'espagnol Aceralia a été scellée à la fin de l'année dernière sous la bannière d'Arcelor, va consacrer cette année un tiers de son budget de formation à l'apprentissage des langues, contre 20 % en 2001. Aucun service n'est épargné, du marketing à la gestion, en passant par l'informatique, la communication interne, les ressources humaines. La pratique des langues étrangères s'impose à un nombre toujours plus grand de salariés : les ingénieurs et cadres, bien sûr, mais aussi la secrétaire chargée d'accueillir un client étranger. « Pour l'instant, les opérateurs de production ne sont guère concernés. En revanche, les techniciens et les agents de maîtrise doivent de plus en plus décrypter de la documentation en anglais », ajoute Ingrid Foussat, P-DG d'IFG Langues. Partout, le niveau exigé s'élève. Il ne s'agit plus de baragouiner un anglais pitoyable. Quant aux autres langues étrangères, elles sont reléguées au second plan et correspondent à des besoins ponctuels ou locaux. Un responsable de marché en Ukraine s'exprimera en russe, un ingénieur devra comprendre le portugais au Brésil…

Les déménageurs aussi retournent en classe

Les PME, longtemps soupçonnées de traîner les pieds, prennent aussi le train en marche. Chez UTS Ledemé, une entreprise familiale de 30 salariés spécialisée dans le déménagement international et située à Épinay-sur-Seine, une vingtaine de personnes suivent des cours d'anglais intensif depuis le mois d'octobre 2001. « Nos clients anglophones nous faisaient souvent le reproche de ne pas parler leur langue. Nous avons décidé de débloquer une enveloppe d'environ 30 490 euros par an pour améliorer le niveau de nos salariés », témoigne Nathalie Ledemé, P-DG. Résultat, les administratifs retournent en classe une heure et demie par semaine. Quant aux déménageurs, qui ont un niveau plus faible, ils peuvent, s'ils le souhaitent, enchaîner deux à trois heures par semaine. Pour l'aider dans son action, l'entreprise a choisi la proximité et privilégié un organisme de formation local.

Preuve aussi qu'un solide bagage linguistique devient indispensable, de plus en plus de recruteurs s'assurent du niveau de leurs candidats. C'est le cas chez Renault, où les jeunes ingénieurs et cadres ne peuvent plus espérer faire carrière sans avoir au préalable obtenu un minimum de 750 points (sur 990) au test du Toeic (voir ci-contre). « Quand nous avons édicté cette règle en 1999, certains se sont inquiétés, craignant de passer à côté de candidats à fort potentiel. En réalité, le problème ne s'est pas posé, nous avons trouvé de bons candidats, notamment dans les écoles d'ingénieurs et de commerce qui prévoient des stages à l'étranger dans leur cursus », commente Jean-Michel Kerebel, le directeur central des ressources humaines.

Les employeurs préfèrent d'autant plus embaucher des salariés bilingues qu'ils s'épargnent des frais de formation supplémentaires. Car si elles sont conscientes de l'urgence d'avoir des salariés sachant parler une, voire plusieurs langues étrangères, les entreprises ne sont pas toujours prêtes à y mettre le prix. « Le nombre de stagiaires a progressé mais les budgets sont restés relativement stables. Bon an mal an, les entreprises consacrent entre 13 et 20 % de leur budget de formation à l'apprentissage des langues », indique Ingrid Foussat. « Certaines donnent cependant l'impression de ne rien connaître à la formation. La seule chose qui compte est de savoir combien elles vont pouvoir acheter d'heures de cours pour un budget donné », souligne Carol Bausor, directrice d'ILTC, un organisme parisien de formation.

Une formation ciblée, quasi sur mesure

Autre tendance, née avec la réduction du temps de travail : l'utilisation accrue du coïnvestissement dans la formation. En clair, l'employeur veut bien financer des formations à condition que les salariés suivent les cours sur leur temps personnel. Bref, l'heure est à la productivité et à l'optimisation des coûts. Ce qui amène les grandes entreprises à réfléchir à leur politique de formation. Conscientes des enjeux, elles procèdent aujourd'hui à des audits approfondis. L'objectif étant de définir précisément les besoins professionnels des salariés pour mettre en place une formation ciblée, quasi sur mesure. « Un stage en anglais n'est plus une bouffée d'oxygène donnée en récompense, observe Ingrid Foussat. Aujourd'hui, il s'inscrit dans un plan de carrière et est validé par le supérieur hiérarchique lors de l'entretien annuel. » Ainsi, depuis son alliance avec son homologue japonais, Renault a peaufiné sa politique de formation et identifié soigneusement les besoins des salariés amenés à travailler en anglais. Ces derniers passent ensuite le Toeic afin d'évaluer leur niveau. En deçà de 750 points, ils suivent systématiquement une formation. Au total, 21 000 personnes devraient passer le test d'ici à 2003. « Nous savons qu'un point au Toeic équivaut à une heure d'apprentissage, explique Jean-Michel Kerebel. Une bonne formation prend du temps, c'est pourquoi nous voulons anticiper les besoins des salariés longtemps à l'avance. Pour les évaluer, nous procédons à des tests par vagues de 3 000 personnes. La première d'entre elles a concerné les cadres dirigeants et les hauts potentiels. »

Les entreprises, qui en veulent pour leur argent, s'assurent aussi que les formations donnent des résultats. L'ex-Seita, par exemple, a profité de la fusion avec Tabacalera pour faire de l'apprentissage de l'anglais une opération stratégique et a remis à plat ses méthodes d'apprentissage. « Avant, les méthodes traditionnelles, des cours individuels ou par deux, donnaient de bons résultats mais ne permettaient pas vraiment de mesurer l'évolution du stagiaire. Aujourd'hui, nous avons opté pour des méthodes plus souples qui nous permettent de mieux mesurer la progression du salarié et son assiduité », indique Yves Chidiak, responsable de la formation chez Altadis. Pour cela, l'entreprise a procédé par étapes, en identifiant tout d'abord le public concerné. « Nous avons fait appel aux directions fonctionnelles qui nous ont remis un récapitulatif des besoins pour leurs services », poursuit Yves Chidiak. Au total, 650 cadres et agents de maîtrise pourront communiquer en anglais avec leurs collègues espagnols, à plus ou moins long terme. Dans un premier temps, le groupe a concentré ses efforts sur le siège, en testant le niveau de plus de 200 personnes. « L'organisme de formation et le supérieur hiérarchique ont ensuite établi un parcours individualisé en fonction du niveau à atteindre », conclut Yves Chidiak. Quant au salarié, s'il sèche les cours, c'est à ses risques et périls. Car, dès le début du stage, il signe un contrat avec son supérieur hiérarchique, le prestataire et la direction de la formation, s'engageant à suivre un certain nombre d'heures dans un temps donné. Cette réorganisation aura ainsi permis de diviser les coûts au moins par deux, en formant un plus grand nombre de salariés.

Accor soigne la french touch

Dans cette chasse aux coûts, les méthodes d'apprentissage à distance font une belle percée. L'e-learning surtout, qui permet de mieux rationaliser les coûts dans les entreprises dévoreuses de formations en langues (voir encadré p. 82). Renault, par exemple, a développé deux formules fondées sur l'apprentissage en ligne. « Nous avons aussi installé une cinquantaine de bornes informatiques en accès libre au siège et dans les principaux sites de production. Et, d'ici à la fin de l'année, il devrait y en avoir près de deux fois plus », explique Jean-Michel Kerebel. Dans les entreprises gloutonnes où les besoins sont récurrents, les directions n'hésitent pas non plus à installer des centres de ressources internes, capables d'accueillir des stagiaires à longueur d'année. C'est le cas d'Accor, qui vient de souffler la première bougie de son académie baptisée Accor Language Center. L'enseignement est sous-traité à un organisme francilien, Transfert, et le centre accueille essentiellement des salariés travaillant au siège. « En permanence, une centaine de personnes viennent s'y perfectionner. En fonction de leurs besoins, elles peuvent aussi bien bénéficier de cours en salle que de conversations téléphoniques ou de cours sur CD-ROM », précise Martin Court, chargé des réseaux internationaux et de la formation linguistique au sein du groupe hôtelier.

Reste que l'anglais devient un peu trop envahissant aux yeux des associations de défense de la langue française, qui rêvent de bouter l'idiome hors des entreprises hexagonales. À leur demande, la Délégation générale à la langue française (DGLF), sous tutelle du ministère de la Culture, a commandé une enquête au Credoc sur les pratiques linguistiques dans les entreprises françaises. Les résultats devraient être publiés prochainement. Mais que les partisans de la culture française se rassurent : les entreprises nationales ne renient rien de leurs origines. Chez Accor, on soigne la french touch appréciée de tous les touristes. Et les cadres supérieurs d'origine étrangère sont priés de connaître la conjugaison française sur le bout du doigt. Dans les organismes de formation, on assure aussi que la deuxième langue la plus enseignée est le français. Le Chauncey Group, qui commercialise le Toeic, observe d'ailleurs une progression du Test de français international (TFI). Renault, décidément très en pointe sur ces questions, l'utilise déjà pour certifier le niveau de langues de ses cadres étrangers !

TOEIC et TFI

Créé en 1979 à la demande du ministère de l'Industrie et du Commerce japonais (le Miti), le Toeic (Test of english for international communication) évalue sous forme de QCM la maîtrise de l'anglais dans le monde du travail. Il est valable deux ans. Les résultats sont exprimés en points allant de 10 à 990. Aujourd'hui, 50 000 salariés français sont passés par cette épreuve de renommée internationale. Son prix : 58 euros pour les étudiants et demandeurs d'emploi, 69 euros pour les salariés.

Parallèlement au Toeic, le TFI (Test de français international) a fait son apparition l'an dernier. Le français langue étrangère est la deuxième langue la plus demandée par les entreprises en France. Il repose sur les mêmes principes que son cousin américain.

Son prix : comme le Toeic.

Site : www.toeic-France.com.

Le DCL

Le Diplôme de compétence en langue (DCL) a été créé en 1995 par le ministère de l'Éducation nationale. Il s'adresse aux salariés engagés dans la vie active depuis trois ans. Il valide une compétence opérationnelle en langue.

L'évaluation repose sur une mise en situation professionnelle proche de la réalité. Lecture et audition de documents, rédaction d'un rapport présenté à un interlocuteur. Le candidat obtient au final un des quatre degrés de compétences du diplôme. Le DCL existe pour quatre langues : anglais, allemand, espagnol et italien.

Aujourd'hui, peu d'entreprises s'intéressent encore au DCL, au caractère très franco-français. Accor, Adecco, Manpower y ont inscrit leurs salariés.

Son prix : 69 euros.

Site : www.d-c-l.net.

Les certificats européens de langues étrangères ICC

Les certificats européens de langues étrangères ICC (International certificate conference) ont été créés en 1994 parles centres d'étude des langues (CEL) des chambres de commerce et d'industrie et leurs partenaires européens. En France, c'est l'Agercel (le réseau des centres d'études de langues) qui organise et prépare aux ICC.

Les examens permettent une évaluation en langue spécifique au monde du travail (langue générale ou langues de spécialité comme l'anglais des affaires, de l'hôtellerie, des professions techniques…). Les ICC sont homologués dans 14 pays européens.

Leur prix : 91 à 114 euros pour les certificats en langue générale ; 108 à 120 euros pour les certificats en langues de spécialité.

Site : www.agercel.com.

Et aussi…

Preliminary english test, First certificate, Business english certificate, Certificate in english for business and communication… Une batterie de tests et diplômes sont également proposés par l'université de Cambridge et la chambre de commerce franco-britannique. Certains sont des tests de langue générale, d'autres concernent des secteurs d'activité comme l'hôtellerie, le tourisme, le transport et la logistique…

Site : www.eurogrille-langue.com.

Auteur

  • S. D.