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Vie des entreprises

Comment Jay Rasulo manage les petits Mickey de Disneyland

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.06.2002 | Isabelle Moreau

Pour les « cast members », Disney, ce n'est pas encore un monde magique. Mais le parc offre des évolutions de carrière, intègre des jeunes non qualifiés et joue désormais le jeu de la négociation… Sous la houlette de son quatrième P-DG, Jay Rasulo, Disneyland Paris est rentré dans le rang sur le plan social.

« Picsou, des sous ! » Le 5 mars dernier, près de 300 salariés chargés de la maintenance ont déboulé sur « Main Street », la rue principale de Disneyland Paris, pour réclamer des augmentations de salaire. De mémoire de souris, on n'avait jamais vu cela. Quelques jours plus tard, les syndicats ont menacé de perturber l'inauguration en grande pompe des Walt Disney Studios à Marne-la-Vallée s'ils n'obtenaient pas l'ouverture de négociations sur la création d'une prime d'ancienneté. Le résultat ne s'est pas fait attendre. La direction, qui avait jusqu'alors toujours traîné les pieds, a ouvert le dossier. Depuis son installation sur les terres de la Brie, il y a tout juste dix ans, Disneyland Resort Paris a connu une multitude de petits conflits de ce genre. « Surmédiatisés », selon la plus grande entreprise sur site de France, avec ses quelque 12 500 salariés. Quatrième P-DG du parc, l'américain Jay Rasulo préfère nettement s'appesantir sur le développement d'une entreprise qui embauche à la pelle des jeunes sans qualification venus de l'Europe entière. Si l'ouverture du parc des Walt Disney Studios a été un succès – qui s'est traduit pour le personnel par une prime exceptionnelle de 153 euros –, Disneyland Paris est cependant encore loin d'offrir à ses salariés le conte de fées qu'il promet à ses visiteurs, 365 jours sur 365.

1 INTÉGRER LES JEUNES SANS QUALIFICATION

« Travailler dans l'univers magique de Disneyland Paris : pourquoi pas vous ? » L'annonce a séduit Cindy et Aurélie. Elles travaillent aujourd'hui chez Mickey. Debout, qu'il pleuve ou qu'il vente, le sourire aux lèvres, elles renseignent le guest – comprenez le visiteur –, candidat aux deux loopings du Rock'n Roller Coaster ou au spectacle de cascadeurs de Rémy Julienne. « J'étais attirée par les enfants et par l'ambiance », explique Cindy. Les deux amies ont un niveau bac et baragouinent l'anglais. Le profil type du cast member, c'est-à-dire du salarié de Disney. « L'entreprise facilite l'insertion de personnes éloignées de l'emploi, mais aussi de personnes handicapées », observe Monique Maksud, de l'ANPE de Nord-Seine et Marne.

Mais attention, « ici on ne veut pas des jeunes de banlieue », prévient Alain Lauden, délégué syndical CFTC. « C'est la première fois que je vois une entreprise offrant des opportunités aux jeunes qui sortent sans rien du système éducatif, rétorque Jean-Yves Rémond, DRH de Disneyland Paris. Si on a l'envie, le sens de l'accueil et des rudiments de langue étrangère, alors on peut travailler chez Disney. » Ce qui explique aussi que le parc recrute dans tous les pays de l'Union européenne, voire plus loin, en Lituanie, en Pologne, et même au Maroc, grâce à une convention signée avec l'Office des migrations internationales.

Outre cette main-d'œuvre non qualifiée, Disney compte parmi ses cast members, team leaders ou managers des professionnels plus pointus : des infirmiers, pompiers, concierges, barbiers coupe-choux, couturières, cascadeurs, et même des mateloteurs, passés maîtres dans l'art des nœuds marins. Bref, une panoplie de plus de 700 métiers. « La valeur ajoutée de Disney, c'est la diversité des métiers et le professionnalisme », reconnaît Monique Maksud, qui veut aussi tordre le cou à l'idée que Disney n'offrirait que des petits boulots. De fait, 85 % des contrats proposés sont, selon la direction (60 % selon les syndicats), des CDI. « Pour la plupart des jeunes Européens, c'est une gap year. Ils viennent travailler ici un an, juste après le bac et avant de reprendre leurs études », explique Étienne Mercier, le directeur du recrutement.

« Les jeunes ont l'air heureux, ils s'éclatent, se tutoient », souligne un syndicaliste. Pourtant le turnover, qui avoisine, selon la direction, les 28 % dans l'entreprise tous secteurs confondus, approche les 80 % parmi les salariés recrutés depuis moins d'un an, selon un observateur extérieur. La question du logement n'y est pas totalement étrangère. Logés dans les trois résidences Disney qui représentent 2 000 lits au total, « les jeunes sont parfois cinq ou six dans un F3, souligne Cyril Lazaro, magasinier à l'hôtel New York. Et avec un loyer d'environ 230 euros par mois par personne, poursuit un autre, c'est rentable pour Disney. Les jeunes travaillent Disney, mangent Disney, dorment Disney… ». Même si elle reconnaît que les « résidences sont au complet » et que pour loger les jeunes salariés venus de l'étranger Disney est toujours en quête de chambres chez l'habitant, moins chères que des logements classiques dans les environs, la DRH réfute catégoriquement l'idée que ses logements seraient surpeuplés.

2 GARANTIR DES ÉVOLUTIONS DE CARRIÈRE

Qui mieux qu'Étienne Mercier peut vendre Disney ? Avant d'être chargé du recrutement pour le parc, ce Belge francophone dirigeait l'un des hôtels du parc. Au pays de Mickey, nombreux sont ceux qui ont commencé comme cast member et ont gravi ensuite les échelons. « L'entreprise fonctionne comme un ascenseur social, explique Jean-Yves Rémond. La preuve, 70 % des managers de Disney ont commencé comme cast members. » Le cas d'Étienne Mercier n'est pas isolé. Michel Defontenay a, lui aussi, fait du chemin. Il est entré chez Disney en 1994 comme cast member à l'âge de 55 ans. Âgé aujourd'hui de 63 ans, ce délégué CFE-CGC est « analyste opérationnel », avec le statut de partner. Pour lui, « si on a la volonté, on peut changer de métier et évoluer » dans cette entreprise.

Encore faut-il connaître l'éventail des formations proposées par l'université interne. « Beaucoup de cast members ne sont pas au courant », regrette Alain Lauden, de la CFTC. Cindy et Aurélie ont eu de la chance. Elles ont directement intégré le programme HAT (hôte d'accueil touristique). Pendant quinze mois, elles alternent heures de formation et apprentissage sur le terrain dans l'accueil, la distribution de restauration légère, la vente et l'animation, sous l'œil vigilant d'un tuteur. Pour ce programme, qui a déjà concerné environ 250 personnes, « aucun profil de compétence technique n'est exigé. C'est le comportement qui prime et c'est là-dessus que nous travaillons avec les candidats », explique Monique Maksud.

Au terme de leur cursus, les HAT, comme on les appelle en Seine-et-Marne, obtiendront un diplôme d'agent de loisirs, de niveau 5 dans la nomenclature des diplômes. Mais Disney ne souhaite pas en rester là. « Nous travaillons beaucoup avec eux pour mettre au point un nouveau diplôme de niveau 4 », confirme Monique Maksud. « L'évolution de carrière, c'est l'un des points faibles de l'entreprise », affirme cependant Cyril Lazaro, délégué syndical FO. Même son de cloche à la CGT du Spectacle : « Disney n'est pas un tremplin comme on aurait pu le croire », indique Giovanni Savoia, délégué syndical. De fait, certains sont toujours payés au smic au bout de dix ans. D'autres vivent assez mal leur double contrat. Concierge, par exemple, le matin, character (personnage) l'après-midi. « Ils doivent à chaque fois changer de costume. Et le temps d'habillage n'est pas compté comme du temps de travail effectif… », souligne Niklas Vasseux, hôte de réception au Séquoia Lodge et délégué CFDT au CHSCT central. Certains critiquent aussi le manque de professionnalisme d'un management qui a gravi un à un les échelons. « Ici, la gestion est relationnelle, mais pas professionnelle », explique un salarié. « Avec tous les abus que cela peu générer quand on donne du pouvoir à des gens qui n'ont pas les compétences nécessaires pour encadrer les jeunes », enchaîne Cyril Lazaro, de FO.

Aujourd'hui, Disney, qui accueille des centaines d'apprentis (270 en 2001), des bacs pros d'agent technique de sécurité ou de pâtissier, des BEP de serveur ou de carrossier, ou encore des BTS en informatique industrielle ou en électronique, réfléchit à de nouvelles évolutions de carrière pour ses salariés. Pionnier de la validation des acquis professionnels, le parc est sur le point de signer une convention visant à créer des parcours professionnels sur l'ensemble du secteur touristique du Val d'Europe avec des partenaires comme la chambre de commerce et d'industrie ou l'Afpa. But recherché : conserver la main-d'œuvre sur place. Car « Disney est une bonne carte de visite. Les concierges sont très convoités par les grands hôtels parisiens », note Monique Maksud.

3 SOIGNER LES COMPLÉMENTS DE RÉMUNERATION

Disney passe auprès de ses propres salariés pour Picsou le radin. La faiblesse des salaires, c'est la première raison de départ évoquée dans l'enquête d'opinion réalisée auprès des cast members par Ipsos, en octobre 2001. Les minimaux pratiqués chez Disney ont beau être supérieurs à ceux de la branche, le smic reste le salaire d'embauche de la plupart des salariés. Un employé avec un coefficient 150 (le plus bas de la grille) est payé 1 103,90 euros brut par mois. Après quatre ans d'ancienneté, il passera au coefficient 215 et percevra 1 285,15 euros brut. Un cadre débutant au coefficient 230 commencera à 1 829,39 euros brut par mois. Disney verse un treizième mois aux salariés au-delà d'un an de présence.

Beaucoup de syndicalistes dénoncent la part grandissante des primes et les faibles augmentations générales. « Cette année, c'est 0,5 % du salaire jusqu'à 1 830 euros brut, explique Giovanni Savoia, de la CGT. Au-dessus c'est 1 % au mérite, à la tête du client. » Mais il reconnaît que Disneyland offre des avantages. La mutuelle est généreuse et la direction offre aussi des réductions sur le prix d'entrée au parc, dans les restaurants, les boutiques, « même si c'est plutôt cher ». Les salariés de Disney bénéficient par ailleurs d'un intéressement qui, fin 2001, représentait par exemple 130,04 euros pour un cast member au coefficient 150. En vertu de l'accord conclu au printemps, cette prime passera, dès le 1er octobre 2002, si les objectifs financiers sont atteints, à un forfait de 100 euros par mois pour tous les salariés, complété par une part en pourcentage du salaire. « C'est une bonne chose, estime Giovanni Savoia, car nous voulions que ce soit inversement proportionnel au salaire. »

Les syndicats aimeraient que la future prime d'ancienneté épouse cette logique favorable aux bas salaires. « Actuellement, indique Bernard Schmitt, vice-président chargé des relations sociales, il n'existe pas de prime d'ancienneté en tant que telle, mais il y a tout de même un passage automatique lié à l'ancienneté pour 5 des 15 coefficients de la nouvelle convention collective. » Le projet concocté par la direction, qui devait être avalisé par les syndicats fin mai, prévoit une montée en puissance sur trois ans de l'ancienneté avec un démarrage au 1er juillet 2002 (les syndicats plaidant pour un effet rétroactif au 1er janvier 2002), et tient compte de l'ancienneté à partir de trois ans de présence. Coût de la mesure, selon les organisations syndicales : plus de 3 millions d'euros. « Aujourd'hui, 52 % des cast members sont dans l'entreprise depuis plus de cinq ans », remarque Jean-Yves Rémond, DRH de Disney.

C'est le cas de Sylvie, dix ans de maison : « Les pin's qu'on nous donne au bout d'un an, cinq ans, dix ans ou quinze ans de présence, on s'en fiche. Ce que nous voulons, c'est être reconnus. Cela passe par la prime d'ancienneté. » Cette prime à la fidélité, les cadres gagnant plus de 2 200 euros brut par mois n'en verront vraisemblablement pas la couleur. La direction estimant qu'ils bénéficient déjà de primes sur objectifs, de stock-options (pour un tiers des 1 400 cadres), d'un plan d'épargne retraite et d'un plan d'épargne d'entreprise.

« Travailler chez Disney, ce n'est pas pire qu'ailleurs », conclut Cyril Lazaro, de FO. Lorsque la galerie marchande Val d'Europe a ouvert ses portes, beaucoup attendaient une hémorragie des salariés de Disney vers les boutiques ou restaurants du centre commercial. Elle n'a pas eu lieu. Mieux, certains sont revenus. Notamment dans la restauration. Car ici, le service est continu et l'horaire hebdomadaire de travail de 35 heures. « Certains des cuisiniers viennent nous voir pour avoir des informations sur d'autres restaurants extérieurs au parc, comme Flo à Disney Village. Quand on leur dit que là-bas ils sont à 39 heures avec des coupures, ils réfléchissent à deux fois avant de partir », explique Andrée Guba, directrice de l'agence locale d'Euro Disney et des spectacles de Seine-et-Marne.

4 RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL

Avec pas moins de sept syndicats, dont une CFTC en tête avec 26 % aux dernières élections professionnelles (sans compter SUD qui a fait une demande en représentativité), des militants qui passent parfois d'une chapelle à une autre et s'envoient souvent des missiles, Disney ne ressemble en rien à un havre de paix syndicale. Bernard Schmitt, le directeur des relations sociales, avoue regretter l'« émiettement syndical », mais qualifie tout de même le dialogue social de « nourri et dense ». Ce qui fait bondir Alain Lauden, délégué CFTC : « C'est mensonger. Chez Disney, il n'y a pas de dialogue social. Les syndicats sont là pour faire joli. » « Ici, on veut des syndicats d'accompagnement », enchaîne Daniel Rovedo, délégué syndical CFDT et secrétaire du CE. « Comment expliquer qu'avec 400 représentants dans les 16 établissements regroupés en UES les syndicats n'aient pas réussi à faire bouger les choses en dix ans ? » feint de s'étonner un observateur. « La direction se frotte les mains, poursuit-il. Même s'il lui arrive de regretter cet éclatement syndical lorsqu'il s'agit de signer des accords. »

La politique contractuelle n'est pourtant pas en panne. L'accord relatif à la RTT du 15 avril 1999 a été qualifié à l'époque d'exemplaire pour les cadres, qui disposent de 23 jours de RTT. Et, cette année, cinq négociations sont programmées, portant notamment sur le travail de nuit ou sur le toilettage du droit syndical. « L'une de nos ambitions est la professionnalisation des relations sociales. La pente est la bonne », estime Bernard Schmitt. Un satisfecit contesté par ses interlocuteurs syndicaux. « Certains élus se voient proposer des promotions avec augmentation salariale à la clé, affirme Alain Lauden, de la CFTC. Du coup, ils abandonnent leur mandat. »

Sous le coup d'une procédure de licenciement, Karim Rhamani, employé de restauration rapide et délégué CGT, estime pour sa part être « dans le collimateur ». La direction lui reproche des absences injustifiées. Selon lui, « Disney veut des délégués syndicaux passifs qui accompagnent la direction. On me reproche d'être médiatique », explique ce militant qui fait partie du collectif de soutien aux salariés de McDo, Fnac et Disney en lutte ; un collectif qui ne fait pour le moment pas trop d'émules chez Disney. Mais pour combien de temps ? « Les conflits de ces dernières années sont davantage partis des salariés que des organisations syndicales, qui sont discréditées », reconnaît Alain Lauden, de la CFTC. « Ici, renchérit son homologue cédétiste Pierre Brossard, on a un syndicalisme de service plus que d'adhésion et de conviction. »

5 REDORER LE BLASON DE L'ENTREPRISE

Plus de 7,6 millions d'euros. C'est le coût en année pleine de l'accord signé le 26 avril dernier à Disney. À la suite d'une action en justice intentée par la CGT, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt de février 2000, a ordonné à l'entreprise d'appliquer la convention collective des espaces de loisirs, d'attractions et culturels. La direction a donc signé avec les syndicats une convention collective d'adaptation, tout en conservant les aspects plus avantageux de son précédent accord d'entreprise. Au final, les salariés bénéficient de dispositions sociales plus favorables.

Leader des parcs de loisirs, loin devant le Parc Astérix, le Futuroscope ou le groupe Grévin, Disneyland Paris pèse lourd dans le syndicat de branche – dont il occupe la vice-présidence – qui s'est attaqué à un gros chantier, celui des classifications. « Cette discussion devrait déboucher sur de nouveaux métiers, indique Bernard Schmitt. Mais il faut qu'au même terme corresponde le même poste chez Astérix ou Disney. » Giovanni Savoia, de la CGT Disney, mesure l'ampleur de la tâche : « Il s'agit de travailler sur 14 ou 15 filières. Cela ne verra pas le jour avant deux à trois ans. »

Rentré dans le rang en adoptant la convention de branche, assidu dans le syndicat patronal, Disneyland Paris ne fait plus bande à part dans le domaine social. Cyril Lazaro, de FO, sent, quant à lui, « une volonté de la direction de faire un effort sur ce plan », même si Disney souffre encore aujourd'hui d'une réputation sulfureuse. L'entreprise est, en tout cas, globalement bien perçue par ses salariés, si l'on en croit les résultats de l'enquête d'opinion réalisée fin 2001 : 70 % des cast members se déclaraient fiers de travailler à Disneyland Paris. Un résultat très positif même s'ils ne sont que 40 % à avoir répondu, nuancent les syndicats. Dans l'ensemble, les salariés vantent la sécurité de l'emploi, les avantages sociaux et les opportunités de carrière. Mais ils se plaignent des conditions de travail et des rémunérations. Pour eux, le Magic Kingdom n'est pas encore l'eldorado.

Entretien avec Jay Rasulo :
« Il y a, certes, moins de flexibilité en France qu'aux États-Unis, mais nous nous adaptons »

Quatrième P-DG de Disneyland Paris, Jay Rasulo, avec son air bonhomme, tranche avec ses médiatiques prédécesseurs, Robert Fitzpatrick ou Philippe Bourguignon, parti au Club Méditerranée. À la tête de l'entreprise depuis mai 2000, cet Américain de 44 ans, titulaire d'un mastère en économie et d'un MBA en finance, ancien manager chargé du développement chez Mariott Corporation, est entré à la Walt Disney Company en 1986. Cet homme du sérail, au français « fluent », qui a travaillé au sein même de l'université Disney, peut se vanter d'avoir porté sur les fonts baptismaux le deuxième parc à thème de Marne-la-Vallée : les Walt Disney Studios. Un investissement qui inaugure une nouvelle phase de développement. Et de recrutement.

Vous avez ouvert en mars un deuxième parc. Avez-vous trouvé facilement le personnel dont vous aviez besoin ?

L'ouverture des Walt Disney Studios s'est traduite par le recrutement de 1 500 personnes. Et je suis fier d'avoir pu le faire sans aucune difficulté. Car cela veut dire que nous sommes une entreprise attractive et que notre politique de ressources humaines est dynamique. Il faut dire que nous sommes aussi un intégrateur social. Nous recrutons chaque année beaucoup de jeunes sans qualification qui trouvent leur premier job chez Disney.

L'image de Disney est celle d'une entreprise qui offre beaucoup de petits boulots et peu de CDI. Est-ce exact ?

C'est précisément l'inverse. Nous avons plus de 10 500 CDI parmi nos 12 500 collaborateurs. Aujourd'hui, 70 % de nos managers ont débuté dans la société comme cast members, c'est-à-dire comme simples employés. Ce qui signifie que l'on peut faire carrière chez Disney. La formation est chez nous une véritable philosophie. L'université Disney propose des formations pour les quelque 700 métiers répertoriés dans l'entreprise. Un exemple : le programme hôte d'accueil touristique (HAT) que nous avons mis en place en octobre 2000. Après une formation de quinze mois, les jeunes peuvent obtenir un diplôme reconnu d'agent de loisirs. Reste que tous ne sont pas encore au courant des possibilités de formation. Nous nous en sommes rendu compte grâce à une enquête d'opinion menée en octobre dernier auprès de nos cast members. Nous allons donc essayer de mieux communiquer.

Il y a sept syndicats à Disneyland. Comment se déroule le dialogue social ?

Chez Disneyland Paris, il est permanent. Le grand nombre d'accords sociaux signés avec les syndicats en est la preuve. Je rappellerai ainsi que Disney a été le premier dans le secteur des parcs d'attractions à mettre en place les 35 heures, en avril 1999. Nous avons aussi troqué notre accord d'entreprise pour la convention collective nationale des parcs et loisirs que nous avons adaptée en avril 2001. Là encore, la quasi-totalité des syndicats a signé le texte…

Vous y avez été tout de même contraint à la suite d'une action en justice engagée par la CGT…

Contraint ou non, Disneyland Paris l'a fait…

Quel bilan tirez-vous de l'application des 35 heures, en particulier pour les cadres ?

Pour les 35 heures, nous avons recruté plus de 600 collaborateurs supplémentaires. Nous avons ainsi élargi nos plages horaires, et l'indice de satisfaction des visiteurs, qui est l'élément le plus important dans une société de services comme la nôtre, n'a jamais été aussi élevé depuis l'ouverture du parc, il y a dix ans. Au sein de notre personnel aussi, nous avons relevé une grande satisfaction. Quant aux cadres, ils travaillent avec la même motivation. Enfin, on peut dire que, globalement, les aides de l'État, accordées dans le cadre de notre accord Aubry I, ont compensé le surcoût lié à la mise en place des 35 heures

Quel regard portez-vous sur les syndicats français, notamment par comparaison avec l'action syndicale aux États-Unis ?

La situation aux États-Unis n'est pas très différente. Outre-Atlantique, il y a beaucoup d'entreprises où les syndicats ne sont pas représentés. C'est d'ailleurs plus fréquent qu'en France. La grande différence, à mon sens, entre les deux pays, c'est que les syndicats américains sont constitués par métier, ce qui n'est pas le cas en France.

En mars, des salariés ont perturbé la parade sur « Main Street ». Est-ce un mode de revendication que vous comprenez ?

Non, car il n'est pas normal qu'il y ait une manifestation dans « Main Street », devant les visiteurs. Dans l'histoire de notre société, ce type de manifestation est rarissime. Pour moi, et j'espère que c'est aussi l'avis des syndicats, le but d'une entreprise est d'offrir un bon service à ses clients. Lorsque l'expression du mécontentement des salariés se traduit par des mouvements sociaux dans le parc, ce n'est pas la situation idéale. Comme les représentants des personnels, j'en suis persuadé, je préfère discuter dans les salles de réunion.

Le droit du licenciement vient d'être renforcé en France. Par rapport aux États-Unis, trouvez-vous le marché de l'emploi suffisamment flexible ?

Le système français est différent du système américain, tant en matière de licenciement qu'en matière de temps de travail. Mais ça marche. Nous sommes une société en développement. Chaque année, nous recrutons des milliers de personnes en contrat de travail à durée indéterminée, en CDD et sous contrat saisonnier. Les licenciements, ce n'est pas notre problème. Il y a certes moins de flexibilité en France qu'aux États-Unis. Car, là-bas, beaucoup travaillent à l'heure et sans contrat à durée indéterminée. Mais nous nous adaptons.

Propos recueillis par Jean-Paul Coulange et Isabelle Moreau

Auteur

  • Isabelle Moreau