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Le bloc-notes

Gouverner, c'est aussi dialoguer

Le bloc-notes | publié le : 01.05.2002 | Bernard Brunhes

Les risques de la surdité

La bombe du 21 avril oblige à réfléchir autrement au dialogue social dans ce pays. Le succès du candidat de l'extrême droite, qui n'a que mépris pour les corps intermédiaires et les syndicats – écho douloureux des discours entendus il y a soixante ou soixante-dix ans de l'autre côté du Rhin –, et les scores de l'extrême gauche, qui rejette dialogue social ou négociation pour ne retenir que les slogans éculés de la lutte des classes, reflètent l'affaiblissement de notre démocratie.

Les cahots de la « refondation sociale » ont montré l'incapacité des partenaires – patronat, syndicats et État – à trouver le chemin d'un dialogue constructif. En 1995 et en 1997, deux gouvernements de bords opposés ont commis la même erreur : se lancer dans des réformes importantes – la Sécurité sociale et les retraites d'un côté, le temps de travail de l'autre – sans en débattre à fond avec ceux qui représentent les forces vives du pays.

Le gouvernement prépare des textes, le Parlement les vote, la presse les discute. Mais le citoyen n'en voit l'effet que bien plus tard, s'il le voit. On dit les Français ingouvernables, ou que la tradition d'un syndicalisme divisé est une incontournable donnée. Certains trouvent plutôt sympathique la vivacité d'une population qui, une corporation après l'autre, descend dans la rue ; ils oublient que cette agitation n'est pas l'effet d'un dynamisme générateur de progrès, mais d'une absence de corps intermédiaires responsables, à la fois porteurs des revendications et soucieux de leur trouver des réponses.

La démocratie sociale, celle qui pénètre dans les lieux de vie, de travail, qui tisse les liens entre les citoyens et les décideurs, ne s'est pas développée chez nous. Les intermédiaires sont trop faibles ; les débats sont inexistants, bâclés, cadenassés, confisqués ou désertés. La démocratie de proximité n'est guère dans nos mœurs ; elle sera difficile à mettre en œuvre tant que l'on en restera au degré zéro (ou presque) de la décentralisation politique et administrative.

Le prochain gouvernement devra descendre sur le terrain, organiser le débat, favoriser les corps intermédiaires, entendre les partenaires sociaux ; il devra accentuer la décentralisation, aider à naître la démocratie de proximité ; il devra créer des espaces d'expression pour les associations de consommateurs, de patients, d'écologistes ou même de chasseurs ! Il devra cesser de croire que la société ne peut évoluer que par l'accumulation des lois.

Le gouvernement sortant rétorquera à juste titre qu'il a tenté de le faire. Mais pas assez, et trop tard. En fait c'est aussi, et peut-être d'abord, la responsabilité des partenaires de la « société civile ». Pour sortir du cercle vicieux (des gouvernants qui se passent de médiateurs, des médiateurs qui ne jouent pas leur rôle, des citoyens qui ne se sentent pas représentés), chacun doit prendre sa part de l'effort à soutenir.

Les surprises d'une enquête

Rien n'est perdu pourtant, comme le montre la passionnante enquête réalisée par l'Ifop pour Réalités du dialogue social sur le dialogue social vu par les salariés, vu par les représentants du personnel et vu par les DRH. Une enquête dont les résultats offrent quelques surprises et quelques paradoxes.

Échantillon. Les salariés qui ont des problèmes s'adressent d'abord à leur hiérarchie avant de penser aux délégués syndicaux. Dans la liste des défenseurs des salariés, ceux-ci sont mal placés, derrière l'encadrement. Pourtant, sur l'ensemble des questions portant sur les conditions et les objectifs du dialogue social, les salariés interrogés d'un côté, les délégués de l'autre, sont bien sur la même longueur d'onde. Et les syndicats ont bonne presse.

Autre étonnement : les salariés sont satisfaits à 90 % de leurs conditions de travail, de l'autonomie qui leur est laissée, de l'ambiance au travail. Quand on entre dans l'entreprise, l'atmosphère est donc beaucoup plus sereine que quand on écoute les médias, les politiques, les manifestations de rue… ou les résultats des élections. Parallèlement, du côté des DRH, on constate une amélioration du climat interne de négociation, mais en même temps on décèle une détérioration du dialogue dans l'ensemble du pays.

Paradoxe encore : les DRH pensent que ce sont les revendications traditionnelles – les salaires d'abord et très largement – qui priment sur tout et conditionnent le dialogue. Les salariés, en revanche, parlent de plus en plus d'organisation du travail, de discussions sur le management.

Auteur

  • Bernard Brunhes