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Enquête

BANQUIER QUI RIT À AMSTERDAM ET QUI PLEURE À MILAN

Enquête | publié le : 01.05.2002 | Frédéric Rey

Quand on est chef d'une agence bancaire, la feuille de paie est plus agréable à lire aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Irlande qu'en Espagne, en France ou en Italie. D'autant que l'on bénéficie d'un statut de cadre sup, avec bonus et complément de retraite. Mais, avec des horaires allégés et de multiples avantages, les Français ne sont pas à plaindre.

Une Europe coupée en deux : dans les banques, mieux vaut travailler aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Irlande que dans les pays latins, en Italie, en Espagne, voire en France. Les six directeurs d'agence que nous avons interrogés sont, en effet, loin d'être traités sur un pied d'égalité. C'est avant tout la rémunération qui fait la différence. Ainsi, dans l'Hexagone, le responsable d'une agence d'au moins huit personnes gagne entre 55 000 et 65 000 euros brut par an (hors primes, intéressement et participation). Tandis qu'outre-Rhin il perçoit entre 80 000 et 110 000 euros. « L'écart se creuse depuis une dizaine d'années, constate Olivier Robert de Massy, directeur général adjoint de l'AFB. Les Hollandais et les Allemands ont connu de forts taux d'augmentation salariale alors que les banques françaises ont, au contraire, adopté une politique de modération. » Mais les écarts de traitement s'expliquent aussi par la diversité des éléments de salaire. Les rémunérations liées à la performance et les primes se sont généralisées dans les six pays, mais pas dans les mêmes proportions. Pour un banquier français, la part variable représente en moyenne 20 % du salaire contre un peu plus de 30 % pour un Allemand. Et seules les banques françaises et italienne sont conservé un système d'augmentation, de nature quasi administrative, lié à l'ancienneté. Autre facteur de différenciation : selon qu'il travaille à Amsterdam, Dublin, Francfort, Madrid, Milan ou Paris, le directeur d'agence n'a pas le même statut. En Allemagne et aux Pays-Bas, il est considéré comme un cadre supérieur et travaille à peu près 50 heures par semaine, sans que ses heures supplémentaires soient rémunérées. Tandis qu'avec les 35 heures le banquier français est désormais nettement favorisé par rapport à ses collègues européens. La plupart des responsables d'agence ne sont pas assimilés à des cadres autonomes. Soumis à l'horaire collectif, ils ont vu leur durée annuelle de travail ramenée à 1 600 heures. Un cas unique dans l'Euroland. Autre exception française : l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 60 ans, alors que dans tous les autres pays, il faut en principe attendre 65 ans. Un sacré privilège !

Pays-Bas

Un bon salaire et un joli paquet de stock-options en sus

Theo est parfaitement conscient d'être un privilégié. Non seulement le statut de directeur d'agence bancaire est enviable aux Pays-Bas, mais son entreprise est véritablement aux petits soins avec son personnel. Après vingt-cinq années d'expérience dont dix-huit en qualité de directeur, ce responsable de l'agence ING Amsterdam nord affiche un salaire mensuel de 4 944 euros nets d'impôts sur 13 mois. À ces émoluments, il convient d'ajouter une prime de vacances équivalant à 8 % du salaire annuel, une participation aux bénéfices limitée à 2 000 euros versée en mai de chaque année et un joli paquet de stock-options. L'épouse de Theo travaillant dans la même banque, le couple a pu bénéficier de places réservées en crèche et en garderie pour ses deux enfants. Autre avantage non négligeable, la compagnie développe aussi des activités d'assurance. Un sacré atout pour Theo. En effet, son salaire dépassant le plafond de la sécurité sociale néerlandaise, il doit se tourner vers le privé pour la prise en charge de ses dépenses de santé. « Mes frais me sont ainsi remboursés à 100 % », précise-t-il. Aux Pays-Bas, la plupart des salariés du secteur bancaire travaillent 36 heures par semaine. Excepté les cadres. Theo doit théoriquement effectuer 40 heures, un temps de travail qu'il dépasse régulièrement car sa fonction exige de lui beaucoup de disponibilité. Mais Theo a compté qu'il lui restait pile vingt ans encore à travailler. Bien que l'âge de la retraite soit fixé à 65 ans, il compte bien partir à 62 ans. « À ce moment-là, je pourrai faire valoir comme tout citoyen le droit à l'allocation générale de retraite complétée par le fonds de pension de l'entreprise qui me permettra de percevoir 80 % de mon dernier salaire. » Qui dit mieux ? E.T.

Allemagne

Une retraite sur mesure

À 39 ans, Matthias n'est pas mal loti non plus. Il dirige une grosse agence d'une quarantaine de personnes dans une filiale de la Baden-Württembergischen Bank, au nord de Stuttgart. Cadre supérieur, il a négocié directement son salaire. Chaque mois, il touche en moyenne 4 330 euros net, fixe et variable confondus, un salaire qui se situe dans la norme des rémunérations des responsables d'agence allemands. Mais Matthias paie aussi, à son goût, beaucoup trop de cotisations sociales. Assurances maladie, retraite, cotisation chômage et couverture dépendance représentent ainsi, avec ses impôts prélevés, la somme rondelette de 4 000 euros par mois. Contrairement à certains cadres dans la banque, ce père de deux petites filles n'est pas soumis à un horaire de 39 heures hebdomadaires. « Mon temps n'est pas compté. J'arrive à 8 heures le matin pour repartir vers 19 heures, sans oublier les dîners avec les clients, les réceptions… » Mais Matthias compense ces semaines chargées avec 6 semaines de congé et 12 jours fériés dans l'année. Pour arrondir sa retraite publique d'environ 2 500 euros par mois qu'il compte prendre à 60 ans, ce cadre prévoyant a aussi contracté une assurance vieillesse privée. Par ailleurs, son entreprise lui versera aussi, à partir de 65 ans, une pension complémentaire généreuse d'environ 30 000 euros par an. De quoi lui assurer un revenu très confortable pour ses vieux jours. M.L.

Irlande

Une trentaine de jours de congé, mais 45 heures par semaine

Rory a le niveau et les compétences d'un directeur d'agence bancaire. Mais il ne fait pas tout à fait le même travail. La banque AIB, son employeur, a entrepris il y a cinq ans de restructurer son réseau et de supprimer un échelon dans son organisation, celui de directeur d'agence, dans les succursales comptant moins de 20 salariés. « AIB a fermé ses petites agences, jugées très coûteuses, explique ce grand blond, pour développer à la place des outlets, des structures très légères d'une ou deux personnes, notamment dans les supermarchés et les universités. » Résultat, il devra encore gravir un échelon s'il veut diriger une grande agence d'une soixantaine de personnes et deux échelons pour être senior manager et diriger une branche régionale de plus de 200 personnes. Rory est confiant : « Dans cinq ans, ce sera d'actualité. » Avec, à la clé, une voiture de fonction et un salaire vraisemblablement deux fois plus élevé que sa rémunération actuelle.

Aujourd'hui, Rory gagne 60 000 euros brut par an, soit environ 3 750 euros net par mois (impôts et charges sociales déduits). Il bénéficie également du plan d'épargne salariale proposé par la banque à tous ses managers. Côté vacances, Rory est plutôt bien loti. Il bénéficie de 33 jours de congés payés, dont une partie a été acquise grâce à ses vingt-cinq ans d'ancienneté. Seul bémol, ce Dublinois souligne que son temps de travail s'est allongé au fil des ans. Il travaille en moyenne 45 heures par semaine. Un horaire classique dans les banques irlandaises. Quittant l'agence aux alentours de 18 h 30 – il embauche à 8 heures –, il a tout de même le temps de profiter de sa famille. I.M.

Italie

Un fonds de pension pour une bonne retraite

Après prélèvement à la source de ses impôts (669 euros par mois), le salaire net de Giuseppe s'élève à 2 236 euros sur 13 mois. Deux fois par an, ce directeur d'une banque populaire régionale du nord de l'Italie perçoit des primes, collectives et individuelles, comprises entre 5 000 et 6 000 euros. Mais, avec près de 50 heures de travail, les semaines sont longues. Comme tous les salariés de la Péninsule, il ne cotise plus au système public d'assurance maladie qui est financé par la fiscalité. Cela l'oblige à avoir un médecin de famille dont les consultations sont gratuites, tout comme celles de l'hôpital. Le système de santé publique ne rembourse aucune prestation privée. Heureusement, en versant 32 euros par mois, Giuseppe peut bénéficier de la mutuelle de sa banque. « Pour les soins dentaires et ophtalmologiques, je préfère me rendre chez un médecin libéral, car ma caisse couvre en général 80 % de ces frais. » En ce qui concerne sa retraite, Giuseppe cotise à la caisse générale de retraite (287 euros par mois). Il a aussi souscrit à un fonds de pension. Pour 36 euros par mois, cela lui permettra de toucher une retraite équivalente à son dernier salaire. Un luxe, vu de ce côté-ci des Alpes. M.-N.T.

Espagne

À chacun selon sa performance

Diplômé d'économie (équivalent bac + 5), Pablo a été embauché par la banque Banesto, la première banque du pays. Il a une belle carrière devant lui à condition d'accepter d'en payer le prix. Car, en six ans, Pablo a changé déjà trois fois d'agence. Même si l'entreprise lui accorde une indemnité couvrant le prix de son loyer, la mobilité n'a pas toujours été une sinécure pour ce Madrilène célibataire. De surcroît, si la banque n'est pas satisfaite du rendement d'un de ses salariés, elle peut le rétrograder et le placer dans une autre agence, à plus de 35 kilomètres de distance. Cependant, s'il donne satisfaction à son poste, il peut avoir accès au plan de stock-options de l'entreprise. « Il est assez rare d'en bénéficier », regrette Pablo.

Mais nommé récemment à Valence, avec une belle promotion à la clé, ce jeune banquier a tout de même vu son salaire faire un bond de 40 % ! Rémunéré sur 16, 25 mois, Pablo perçoit mensuellement 1 813 euros nets d'impôts. Cette rémunération comprend un fixe et une part variable qui peut représenter 30 % du salaire. D'autre part, un bonus annuel est accordé aux salariés ayant atteint leurs objectifs. « Un directeur peut rester plusieurs années au même niveau de salaire. L'augmentation se répercute essentiellement sur la part variable de la rémunération en lien avec les résultats de l'agence. » V.D.

France

Des superavantages maison et des horaires hyperlight

Classée en dernière position, Nathalie ne s'étonne pas de figurer en si mauvaise place : « Le salaire est généralement le gros point faible de la banque », estime cette directrice d'une agence parisienne de taille moyenne dans le réseau du Crédit lyonnais. En additionnant son revenu mensuel, ses primes de résultat, de participation et d'intéressement, Nathalie est la moins bien lotie des six Européens. Et, contrairement à ses collègues prélevés à la source, il faut encore qu'elle déduise ses impôts de son net mensuel. Deux éléments expliquent aussi cette différence de rémunération avec ses homologues européens. D'une part, l'écart salarial entre hommes et femmes à poste équivalent. D'autre part, le peu d'ancienneté de Nathalie dans l'entreprise : dix ans seulement de présence contre vingt-trois en moyenne pour les salariés du Crédit lyonnais. Plus de la moitié des effectifs ont entre 45 et 54 ans. Or le secteur bancaire a conservé son vieux système d'augmentation à l'ancienneté. « Cela crée des tensions entre les plus jeunes et les plus anciens », remarque-t-elle. La banque a tenté de corriger ces écarts en favorisant les plus jeunes grâce à la partie individualisée des augmentations. Si sa rémunération n'est pas au top, Nathalie est, en revanche, la grande gagnante en matière de temps de travail. Considérée comme cadre « intégrée », cette responsable a un horaire hebdomadaire de 36 h 20 et 10 jours de RTT par an. « Les dépassements horaires sont très rares. Les heures supplémentaires nous sont toujours payées à la minute près. » Nathalie bénéficie des prestations du système de protection sociale considéré comme un des meilleurs. Mais il faut ajouter une série d'avantages offerts par le Lyonnais : les prestations d'un supercomité d'entreprise, l'accès au 1 % logement, à une crèche. « Les femmes enceintes bénéficient de 3 mois supplémentaires de congé et, à leur retour, il existe plusieurs possibilités de temps partiel pour concilier la vie professionnelle et la vie personnelle. » De quoi se consoler d'être la moins bien payée des six ! F.R.

Auteur

  • Frédéric Rey