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Le bloc-notes

Au-delà des programmes, il faudra du courage politique

Le bloc-notes | publié le : 01.04.2002 | Raymond Soubie

Emploi : un avenir différent.

On a constaté pendant les dernières années de croissance combien les entreprises rivalisaient pour attirer et fidéliser leurs collaborateurs. Pourtant, on n'a encore rien vu. À partir de 2004-2005, les départs à la retraite vont s'accélérer, supérieurs de près de 50 % au nombre de ceux constatés au cours des années précédentes. Ce phénomène va atteindre à la fois le secteur privé et le secteur public.

Pour peu que l'économie reprenne (ce qui est vraisemblable à cet horizon), des phénomènes de pénurie vont se manifester durablement sur le marché du travail avec des conséquences qu'étrangement les politiques et parfois les acteurs économiques n'appréhendent pas suffisamment.

D'autant que l'incitation assez systématique menée en faveur de la réduction des heures travaillées en France, par exemple les préretraites et le passage aux 35 heures, est en contradiction avec ce qu'il faudrait faire pour préparer l'avenir presque immédiat.

On peut avancer, sans grand risque de se tromper, qu'il faudra revenir sur certaines des dispositions qui paraissent aujourd'hui bien ancrées comme autant d'acquis sociaux pour éviter que le goulet d'étranglement de la main-d'œuvre n'étouffe la croissance de l'économie française.

Ensuite, la gestion des ressources humaines dans les entreprises va être centrée, bien plus que dans le passé, sur les compétences et les politiques de motivation. Il faudra recruter plus et, pour cela, mieux soigner l'image de l'entreprise : attirer les talents deviendra un exercice encore plus difficile. Les techniques de la rémunération globale de la performance, incluant stock-options et actionnariat des salariés, ont beaucoup d'avenir devant elles.

Enfin, pour mieux optimiser des ressources réduites, il conviendra de renforcer mobilité et formation internes.

Dernier point : dans ce contexte, la baisse du taux de chômage devrait s'accélérer. Les taux d'activité pourraient être remontés, allégeant pour partie la facture des retraites.

Mais, pour que cette heureuse conséquence survienne, encore faudra-t-il qu'on daigne s'intéresser à ce problème que tous les politiques taisent et qui semble tabou : mettre un peu plus de flexibilité dans la législation de l'emploi et du travail. Si tel n'était pas le cas, notre croissance s'en ressentirait durablement.

Retraites : faut-il y croire ?

Les deux principaux candidats se sont engagés à s'attaquer au sujet des retraites. Ils l'ont fait dans des termes qui ne sont pas très différents. Tous deux souhaitent conserver les régimes de répartition comme pilier central, appellent de leurs vœux un second pilier de capitalisation et entendent procéder par concertation ou négociation. Les différences portent en fait sur l'organisation de ce pilier répartition, encore qu'en première analyse elles soient surtout sémantiques.

Ces prises de position traduisent un triple consensus sur la nécessité d'agir, les objectifs, ainsi que les voies et moyens d'une réforme. On voit mal dans ces conditions comment le candidat se refuserait à avancer, une fois les élections passées. Un point reste cependant ambigu. Tout ne pourra pas être réglé par la négociation. Il faudra bien qu'à un moment – le moment de vérité – le pouvoir politique prenne ses responsabilités.

Dialogue social : mythes et réalités.

Le dialogue social est un concept chéri des politiques, observateurs et sociologues de tous ordres. Il paraît simple, de bon aloi, évident : un thème idéal pour les discours de campagne électorale.

En vérité, le sujet est plus complexe qu'il n'y paraît. Le dialogue social est porteur d'une valeur positive. Chacun suppose que ce qui est négocié est mieux conçu et accepté que ce qui ne l'est pas. C'est sans doute en grande partie vrai. Il reste que la légitimité politique appartient d'abord aux élus du suffrage universel, Parlement et exécutif, et non à des organisations « corporatistes », aussi représentatives soient-elles. Il ne faut donc pas opposer les uns aux autres mais plutôt mettre en place, quand l'accord ne suffit pas à lui seul à créer la règle de droit, une procédure créant une séquence négociations, préparation du projet de loi, adoption par le Parlement.

Un autre point doit être souligné. Souvent, pour le politique, l'appel au dialogue social (même s'il n'a pas l'intention d'y avoir réellement recours) est une incantation qui lui épargne des propositions sur le fond. C'est ainsi que la proposition d'organiser des conférences tripartites gouvernement, syndicats, patronat ne doit pas être prise très au sérieux dans un programme. Comme l'a encore prouvé l'épisode d'octobre 1997 sur les 35 heures, elle échoue presque toujours.

Auteur

  • Raymond Soubie