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La GRH s'externalise à pas comptés

Dossier | publié le : 01.03.2002 | S.D.

Si l'externalisation de certaines fonctions RH s'accélère dans les entreprises anglo-saxonnes, le mouvement est plus lent en France. Certes, des pans entiers de la paie, de la formation ou du recrutement sont déjà confiés à des prestataires extérieurs grâce, notamment, aux nouveaux outils RH. Mais les DRH freinent des deux pieds, craignant de perdre leurs prérogatives.

Le verdict est sans appel : selon une récente étude de Gartner Group, 70 % des entreprises américaines interrogées externalisent déjà ou envisagent d'externaliser leurs services du personnel. Le cabinet de conseil prévoit un quasi-triplement du chiffre d'affaires de l'externalisation des ressources humaines d'ici à 2003, qui passerait de 14 milliards de dollars (16,2 milliards d'euros) à 37,7 milliards de dollars (43,6 milliards d'euros) aux États-Unis. En France, le décollage est beaucoup plus lent. Et, dans les entreprises, le sujet reste plutôt tabou. « Nos clients rechignent à avouer qu'ils externalisent une partie de leur activité liée aux RH », reconnaît Armand Angéli, directeur du développement de l'activité externalisation chez PricewaterhouseCoopers. Pourtant, d'après le baromètre Outsourcing 2001 réalisé par Andersen auprès de 220 dirigeants français, 20 % des grandes entreprises confient tout ou partie de la gestion de leurs ressources humaines à l'extérieur, contre 17 % en 1999. Et 12 % envisageraient de le faire au cours des deux prochaines années, un chiffre stable depuis 1999. « Contrairement à celle de la logistique ou de l'informatique, l'externalisation des ressources humaines reste difficile, commente Thierry Muller, responsable de l'externalisation chez Andersen. Mais, lentement, le marché s'organise, les entreprises cernent mieux leurs besoins et l'offre des prestataires s'améliore. » C'est notamment pour se débarrasser des tâches administratives sans valeur ajoutée et dévoreuses de temps que les entreprises confient à l'extérieur la gestion de certaines fonctions comme la paie ou l'administration du personnel. De plus en plus souvent confrontées à une logique de réduction des coûts, les DRH jugent plus rentable de « faire faire » que de faire en interne. Sans compter que l'externalisation leur permet d'accéder à des compétences pointues dont elles ne disposent pas toujours au sein de l'entreprise. Pour la paie et l'administration du personnel, par exemple, des cabinets d'experts donnent aujourd'hui moult conseils juridiques, mettent en place des cellules de veille sociale. Les directions des ressources humaines peuvent alors se recentrer sur leurs métiers de base et consacrer davantage de temps à des missions plus valorisantes. « Par exemple, elles vont pouvoir réfléchir à leur communication interne, peaufiner en amont leur politique de formation ou de rémunération », énumère Patrick Miliotis, président des salons Externaliser. Le rôle des DRH consiste également à définir précisément les fonctions stratégiques qui doivent impérativement rester dans leur giron. Par exemple, la gestion prévisionnelle des compétences ou des temps est jugée trop stratégique pour être mis entre les mains d'un prestataire. « Même une fonction comme la paie est rarement externalisée en totalité, indique Bertrand Quélin, professeur à HEC Paris. Au mieux, les entreprises en sous-traitent une grosse partie. Plutôt que de jongler avec une multitude de législations, les multinationales préfèrent confier la gestion de la paie à des cabinets spécialisés. Dans tous les cas, les DRH restent les donneurs d'ordres. 

BP France s'est délesté de la paie

Chez BP France, il y a longtemps que le service paie est assuré par un prestataire extérieur. Depuis 1996, les bulletins de salaire des 750 salariés ont été édités successivement par Andersen Consulting, PricewaterhouseCoopers et BPO. « Nous ne nous occupons plus de rien, excepté d'ouvrir le dossier d'un salarié au moment de l'embauche, témoigne Jean-Luc Sortais, responsable RH chez BP France. Le reste est entièrement géré informatiquement par notre partenaire. Ses équipes saisissent tous les éléments de la paie, intègrent les augmentations de salaire, l'intéressement, les absences. Elles se chargent aussi des déclarations sociales à l'Urssaf ou aux caisses de retraite. Et, une fois par mois, notre responsable de l'administration du personnel fait le point avec l'un des gestionnaires de paie. » En raison, notamment, de la complexification de la législation et des fréquentes modifications conventionnelles, BP France a préféré confier la gestion de sa paie à un spécialiste. Une externalisation qui s'est accompagnée du transfert de quatre salariés de BP France à PWC.

Pour la formation, l'externalisation est encore partielle. Si la partie pédagogique est souvent confiée à des organismes spécialisés, les directions des ressources humaines n'envisagent pas pour autant de supprimer le service formation de leur organigramme. L'élaboration d'un plan de formation implique en effet une connaissance parfaite des métiers de l'entreprise et de ses besoins. « Nous observons même une tendance inverse à l'internalisation, avec notamment la naissance d'universités d'entreprises chargées de transmettre la culture et le savoir-faire de la société », note Bertrand Quélin, de HEC. Pourtant, des prestataires comme Externalis Formation parient sur le développement de la sous-traitance. Avec, en ligne de mire, les PME qui n'ont pas le temps de définir précisément leur politique de formation. « Nous leur proposons de nous occuper de tout, de A à Z, comme si nous étions leur propre service de formation, explique Sakina Dureuil, responsable d'Externalis Formation. Par exemple, nous pouvons recueillir et analyser leurs besoins, élaborer leurs plans de formation, constituer les demandes de financement, trouver les formateurs… »

Pas de DRH dans les start-up

Afin d'optimiser leurs chances d'attirer les meilleurs éléments, les entreprises peuvent choisir de déléguer en partie le recrutement. « Aujourd'hui, les besoins des entreprises en termes de recrutement évoluent rapidement, avoue Charles Chabod, directeur de la division RH chez Michael Page. Un prestataire extérieur, aussi intégré soit-il, n'aura pas assez de visibilité pour bien les analyser. Le recrutement est une fonction d'autant plus difficile à externaliser que le capital humain est une matière vivante, qui exige un suivi régulier. » Ce qui n'empêche pas les cabinets spécialisés d'intervenir de plus en plus à tous les stades du recrutement, de la définition des profils, en amont, à l'intégration des candidats, en aval. Ainsi, Michael Page s'informe de la bonne intégration des candidats six mois après leur entrée dans l'entreprise. Et propose gratuitement un nouveau candidat en cas de rupture du contrat durant la période d'essai. Les interventions des spécialistes du recrutement peuvent être de longue durée. Pendant trois ans, Mercuri Urval a aidé Eurotunnel à constituer ses équipes. « L'entreprise démarrait, il fallait que nous comprenions le type de management qu'elle voulait mettre en place avant de sélectionner les futurs salariés, se rappelle Henry de Montjoye, directeur de Mercuri Urval. Ensuite, nous l'avons aidée à définir les profils en fonction des postes et à faire passer les entretiens. »

Selon leur taille ou leur potentiel de croissance, les entreprises ne sont pas toutes au même stade de réflexion. Les start-up, par exemple, sont de farouches partisanes d'une sous-traitance des RH. Elles consacrent leur énergie au cœur de leur activité, préférant souvent remettre à plus tard la création d'une DRH. Ainsi, selon le baromètre d'Andersen, plus d'une entreprise sur deux (56 %) cotée au Nouveau Marché externalise ses ressources humaines, contre 32 % en 1999. De son côté, ADP-GSI, leader des solutions pour la paie et l'administration du personnel, note que « les petites entreprises externalisent autant que les grandes. Les premières parce qu'elles manquent de ressources internes, les secondes parce qu'elles se concentrent sur leur métier et réclament des expertises pointues. Toutes recherchent une flexibilité accrue ».

Il reste que les entreprises françaises ont encore du mal à envisager une externalisation globale de leurs ressources humaines. D'abord, parce qu'en France un cadre juridique strict – l'article L. 122-12 du Code du travail, l'arrêt Perrier rendu par la Cour de cassation en juillet 2000 – s'applique au transfert d'activité et de personnel. Mais surtout en raison de blocages culturels, les responsables RH craignant de ne plus posséder le contrôle des fonctions externalisées et de perdre de leur importance dans l'entreprise. « Ils ont peur de divulguer à l'extérieur des données confidentielles et s'interrogent sur la fiabilité du prestataire et sur la sécurité du système informatique mis en place », souligne Bertrand Quélin.Bref, il reste encore du chemin avant que le DRH ne soit plus qu'un intermédiaire entre l'entreprise et des prestataires extérieurs.

Une offre très diversifiée

Si, aujourd'hui, en matière d'externalisation, les entreprises savent mieux ce qu'elles veulent, c'est en partie parce que l'offre s'est considérablement améliorée. Les prestataires de services et autres éditeurs de logiciels, animés d'un esprit offensif, ont élargi leurs gammes de produits et de services. C'est le cas sur le marché de la paie et de l'administration du personnel, où le leader ADP-GSI et Cegedim SRH font preuve d'une belle agressivité commerciale. Le premier, qui compte essentiellement des grandes entreprises dans son portefeuille, a créé une assistance téléphonique pour toucher les moins de 50 salariés. Pour satisfaire les desiderata de leurs clients, les deux proposent aussi différents degrés d'externalisation. « À travers deux modes baptisés processing outsourcing ou management outsourcing, nos clients peuvent nous confier tout ou partie de leur fonction paie », indique Marc Ginestière, directeur commercial chez Cegedim SRH.

Le constat vaut aussi pour les spécialistes du recrutement, qui étoffent leur offre de services et de conseils. « Nous voudrions être une sorte de magasin unique pour nos clients, explique Charles Chabod, directeur de la division RH chez Michael Page. Notre objectif est d'être des multispécialistes, tant au niveau des méthodes proposées – de la chasse aux petites annonces – que des métiers couverts – finance, ressources humaines, marketing… De son côté, Mercuri Urval, outre son activité de recrutement, propose par exemple d'assurer le coaching des dirigeants ou la détection de hauts potentiels.

Sur le marché de la formation, l'offre est plus segmentée. Il y a ceux qui se sont tournés vers l'ingénierie de formation, conseillant les entreprises dans l'élaboration de leur plan, la recherche de financement, etc., et ceux qui se sont spécialisés dans l'offre pédagogique. « Ce sont deux aspects qui exigent des compétences particulières », estime Daniel Aubert, consultant d'Expertise et Consulting de l'Arcade, filiale du groupe Demos, spécialisée dans l'ingénierie de formation. Pour les prestataires, les nouvelles technologies ouvrent également de nouveaux horizons. Ainsi, CCMX, éditeur de progiciels de paie et d'administration du personnel, mise sur l'essor de l'ASP (application service providers), une méthode permettant aux clients d'accéder à des progiciels hébergés chez l'éditeur. Les frères ennemis ADP-GSI et Cegedim SRH parient plutôt sur l'ERM (employee relationship management) pour prendre en charge une partie de la gestion des temps de leurs clients. Les salariés pourront ainsi déclarer leur temps de présence et poser leurs jours de congé via Internet. Quant aux organismes de formation, ils ont rapidement investi le domaine de l'elearning.

S.D.

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