Pour Élisabeth de Mauld, directrice associée chez Pierre Audoin Conseil, pas de doute, depuis plusieurs années, un nombre croissant d'entreprises évoluent vers un traitement externalisé de la gestion de la paie dans sa totalité. « Pratique déjà ancienne, l'externalisation de la paie tend à s'intégrer de plus en plus grâce aux progrès des technologies informatiques », affirme-t-elle. Il ne s'agit plus seulement d'édition de bulletins et de mailings, c'est l'ensemble du traitement qui est confié à un prestataire, grand cabinet de conseil, cabinet d'expertise comptable ou cabinet d'infogérance. Celui-ci effectue le calcul des cotisations, des plafonds… et assure le suivi des RH (entrées, sorties, congés, RTT…). Les équipes internes spécifiquement chargées de saisir toutes ces données et de les envoyer au prestataire tendent à disparaître, car les nouveaux applicatifs permettent aux salariés de les envoyer directement au prestataire. C'est le principe du BPO, ou business process outsourcing. Aux États-Unis, le prestataire adresse aussi souvent aux banques les ordres de virement des salaires et paie directement lui-même les charges sociales. On n'en est pas encore là en France. Il n'empêche que la sous-traitance complète de la fonction paie tend à se développer, même dans les petites entreprises. Facilement identifiable, la fonction paie ne concerne pas directement les processus liés au cœur de métier ; elle offre donc une moindre résistance. Et, selon une étude de PricewaterhouseCoopers, elle arrive largement en tête des fonctions qu'il paraît le plus judicieux aux entreprises de déléguer à l'extérieur.

Les bénéfices sont clairs. « Je suis tranquille, confie Alain Négrier, P-DG de Gesco, société de développement de logiciels, qui emploie neuf salariés. Nous avons recours à un prestataire indépendant pour l'ensemble de la gestion de la paie et les relations avec les organismes sociaux. Ma seule tâche consiste à lui fournir une fois par mois le montant des primes et les dates des congés de mes salariés. En contrepartie d'un honoraire fixé à 38 euros par feuille de paie, il fournit les bulletins tous les mois, suit les budgets de paie, gère les indices de tous les organismes sociaux et effectue tous les choix nécessaires. » Un gain de temps et d'argent significatif pour cette petite société : « Nous avons eu un contrôle de l'Urssaf le mois dernier. Tous nos comptes ont été passés au peigne fin. Commentaire de l'Urssaf : néant ! Je me sens totalement en sécurité. »

Pour Thomas Verdier, DRH monde du groupe espagnol de distribution de jouets Imaginaria, l'externalisation complète de la paie en France présente trois avantages : la plus grande compétence du prestataire, dont c'est le métier, la flexibilité et le moindre coût. « Les responsables de magasin envoient mensuellement via Internet les données à notre prestataire, qui prend en charge la gestion administrative et notamment tout le traitement de la paie, la gestion des tickets de repas, ainsi que l'édition et l'envoi de contrats de travail. » Avec un fort turnover en région parisienne et des pics d'activité saisonniers, l'entreprise – une quarantaine de salariés en France, pour une dizaine de magasins – multiplie les contrats de travail. « Nous n'aurions pas les moyens de mettre en place une structure RH spécifique à la France », souligne le DRH. « La sécurisation des données liée à l'amélioration des protocoles sur Internet est un facteur important de l'externalisation de plus en plus intégrée de la paie, souligne par ailleurs François Silva, consultant et professeur associé au Cnam. Du coup, l'enjeu devient la gestion des systèmes d'information internes et leur connexion avec les prestataires externes. »