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Siemens Nixdorf innove

Dossier | publié le : 01.06.1999 | S. P.

Siemens voulait éviter le traditionnel plan social d'une entreprise en pleine restructuration. Il a créé une division baptisée Agence de développement personnel (ADP). Sa mission : parvenir au zéro licenciement pour l'ensemble des personnes en sureffectif.

« Bilan encourageant » : c'est l'avis d'Évelyne Leroy, directrice de l'Agence de développement personnel (ADP), lancée par Siemens Nixdorf il y a un an. Montée en collaboration avec le cabinet BPI, cette division vise à accompagner les salariés dont les postes sont supprimés. « Nous manquons encore de recul. Mais, sur onze mois, 150 des 206 salariés pris en charge par ADP bénéficient déjà d'une solution identifiée. » À savoir, quarante-trois reclassements internes, soixante-cinq emplois externes, quatre mesures d'âge (préretraites AS-FNE) et trente-huit projets personnels, dont six créations ou reprises d'entreprise. « Il reste cinquante-six personnes sans solutions identifiées. Quarante sont arrivées seulement en janvier dernier », ajoute Évelyne Leroy.

L'ADP est née début 1998 lorsque Siemens Nixdorf a décidé de se recentrer sur ses activités informatiques. Stratégie qui conduit le groupe à stopper la production de produits standards et à filialiser totalement ses activités de maintenance au sein d'une société nommée I-nea. 480 postes sur 1 800 sont concernés par le plan social. « 201 salariés ont été transférés au sein d'I-nea, soixante ont été reclassés en interne, huit personnes ont été externalisées et cinq autres ont trouvé un emploi au sein de l'ADP », précise Évelyne Leroy. Ce sont donc 206 personnes qui ont rejoint les rangs de l'ADP en avril 1998. « Le projet initial était moins beau à voir, précise Patrick Majka, ex-technicien de Siemens Nixdorf et délégué CGT. Le groupe voulait qu'I-nea récupère les salariés en sureffectif. Et faire de la sous-traitance de plan social. » « Nous avons purement et simplement refusé, ajoute François Boutin, secrétaire du comité central d'entreprise. Nous voulions que ce soit l'entreprise qui assume ce plan. »

Un investissement de 550 000 francs par personne

Siemens Nixdorf ayant révisé son plan, l'ADP se charge donc d'accompagner 206 salariés entre avril 1998 et août 2000. Leur profil ? Leur moyenne d'âge est de 43 ans, leur ancienneté dans le groupe est importante (dix-sept ans), la majorité d'entre eux sont techniciens de maintenance (du CAP au BTS), le tiers est employé dans le tertiaire (secrétariat, logistique…) et comme agents de production (contrôleurs de montage, câbleuses…). Siemens leur propose d'adhérer au dispositif ADP, sans les y obliger. « Il faut qu'ils aient envie de s'y impliquer, ajoute Évelyne Leroy. Dans ce cas, leur adhésion sous-tend à la fois des droits et des devoirs. » Au chapitre des devoirs, l'obligation de présence de vingt heures par semaine dans les locaux de BPI les plus proches. Ils doivent aussi se consacrer entièrement à la recherche d'emploi. En contrepartie, Siemens Nixdorf multiplie les aides financières.

Tous postes confondus (prestations BPI, rémunération du salarié, budget de formation…), l'entreprise évalue son investissement à 550 000 francs environ par personne. Les adhérents de l'ADP gardent leur statut de salarié pendant vingt mois et continuent de percevoir une rémunération, certes dégressive, mais qui ne peut descendre au-dessous de 75 % de leur salaire antérieur. En outre, le plan social prévoit une aide temporaire garantissant au candidat, pendant deux ans, le versement d'une allocation compensant en partie l'éventuelle différence entre son ancienne rémunération et celle qu'il se voit proposer. Le salarié peut également percevoir une prime de retour rapide à l'emploi, dont le montant décroît en fonction de la durée de recherche. Celui qui se reclasse dans les deux premiers mois peut percevoir l'équivalent de huit mois de salaire.

« Nous ne voulions pas courir le risque que les salariés se retrouvent dans une situation similaire dans six ou neuf mois, explique Évelyne Leroy. D'autant que les compétences de certains étaient quelque peu obsolètes. » La panoplie classique de l'accompagnement est donc déployée : bilan professionnel, définition du projet, formation, étude de marché pour les créateurs d'entreprise, activation du réseau, mailing… « On s'est rendu compte que ce n'était pas des paroles en l'air », témoigne Jean-Philippe Vibert, fraîchement embauché par une SSII grâce à l'acquisition de nouvelles compétences en administration de systèmes Sun. La plupart des reclassés ont choisi de s'en tenir à leur métier d'origine en élargissant, éventuellement, leurs connaissances à certaines spécialités. Mais d'autres se sont reconvertis. C'est le cas de Patrick Majka. Technicien depuis dix ans chez Siemens, il a préféré se diriger vers la maintenance aéronautique. À l'issue de neuf mois et demi de formation, il est optimiste : il a déjà pris contact avec des employeurs éventuels.

Le succès d'une reconversion dépend en grande partie du partenariat entre l'ADP et les entreprises prêtes à accueillir les salariés. La convention de détachement permet à ces dernières d'embaucher le candidat, pour un à trois mois. L'ADP assume le paiement des salaires et de la formation nécessitée par le nouveau poste. En contrepartie, l'entreprise s'engage à transformer l'essai en CDI. Le système est incitatif, notamment auprès de PME. « Il nous permet de tester la personne », confirme Tania Blanchard, DRH de SME, une PME de quatre-vingt-cinq personnes, spécialisée dans la maintenance en intégration, qui vient de recruter un candidat de l'ADP. Il subsiste deux inconnues. Que vont devenir les douze personnes de plus de 50 ans (voire de plus de 55 ans) que l'ADP compte encore, si elles ne sont pas reclassées en interne comme la loi l'impose pour cette population ? Et combien d'emplois de reconversion seront vraiment pérennes ? Reste que cette opération est citée en exemple par le ministère de l'Emploi. Il faut dire que Siemens s'est passé des deniers de l'État pour son financement.

Auteur

  • S. P.