Si l'outplacement collectif reste l'apanage des grands cabinets, une multitude de petits prestataires, voire d'indépendants, les concurrencent sur le terrain du reclassement individuel.
Les cabinets d'outplacement vivent des heures agitées. Dernier événement en date, le groupe Cogeplan (37 millions de francs de chiffre d'affaires, dont 6 millions via l'outplacement) rejoint TMP Worldwide, l'un des leaders mondiaux des ressources humaines (chiffre d'affaires mondial de 1,8 milliard de dollars). Depuis trois ans, le secteur fait l'objet d'une concentration de plus en plus sévère. Les cabinets d'outplacement les plus importants tombent les uns après les autres dans l'escarcelle de grands groupes spécialisés dans les RH. Les grandes manœuvres ont commencé en 1994, quand Garon Bonvalot (110 millions de francs de chiffre d'affaires) est passé dans le giron du britannique Coutts Consulting Group. En 1997, Leroy Consultants a rejoint BPI (plus de 260 millions de chiffre d'affaires), déjà constitué des cabinets MOA, Arcodev, Mediator et Ipem. Il y a un an, Altedia (285 millions de chiffre d'affaires) a racheté le groupe Courtaud (dont le cabinet PCM Europe, qui réalise 75 % de son chiffre d'affaires, 40 millions de francs, avec l'outplacement). Début 1988, Plus Intérim s'est rapproché d'Eos Conseil (14 millions de francs de chiffre d'affaires). Et la liste n'est pas exhaustive.
Le marché français de l'outplacement, qui comprend au total une centaine d'acteurs, est dominé par moins d'une dizaine de poids lourds. Ces grands cabinets sont les seuls à pouvoir intervenir sur les reclassements collectifs, consécutifs aux plans sociaux. Car ces reclassements nécessitent des savoir-faire variés, relatifs au coaching, à la mobilité ou aux techniques de réindustrialisation. D'autant que les consultants interviennent de plus en plus en amont du plan social. « La logistique est lourde, assure Jean-Michel Court, directeur général de Garon Bonvalot. Et les enjeux d'un reclassement collectif sont plus importants pour une entreprise que ceux d'outplacements individuels. En revanche, un bon consultant peut se mettre à son compte pour accueillir des candidats à titre individuel. » C'est donc sur ce terrain que grands et petits se font concurrence.
La force des grands réside dans leurs moyens. Du centre de documentation de BPI, occupant quatre salariés à plein temps, à l'entité Savoir-Faire et Cie, une société créée par Garon Bonvalot pour assister les créateurs d'entreprise, les candidats bénéficient d'une multitude de supports techniques et méthodologiques. Les entreprises apprécient la large gamme des services proposés. Avec leurs multiples départements, les grands cabinets peuvent couvrir toute la palette des prestations liées aux ressources humaines, du recrutement au bilan de compétences en passant par le coaching ou l'accompagnement au changement. « Je travaille plutôt avec de gros cabinets, car leur offre de services est globale, assure Michel La Clavière, responsable RH chez Kodak. On peut y choisir la prestation dont on a besoin. » Robert de Vaucorbeil, responsable du recrutement des sites de Blois et de La Rochelle chez Lucas Varety Diesel System, approuve : « J'utilise actuellement Eos pour des outplacements, mais j'ai également travaillé avec ce cabinet dans mon entreprise précédente pour préparer un changement d'organisation. »
L'offre diversifiée facilite la vie des entreprises. Mais pas forcément celle des candidats. Patrick, actuellement en cours d'outplacement, le souligne : « Il ne faut pas croire que les passerelles sont évidentes entre les différentes activités d'un cabinet. Les départements chasse de têtes ou recrutement, par exemple, cherchent d'abord des gens en activité, selon les souhaits de leurs clients. Ils n'iront pas piocher dans le fichier des outplaceurs. » Autrefois accusés de mélanger les genres, les grandes structures, dont une quinzaine sont regroupées au sein de l'Ascorep, veillent à bien séparer leurs activités. Souvent, les grands cabinets bénéficient aussi d'un réseau international. Ainsi, BPI représente la France dans le réseau international OI, qui rassemble des cabinets spécialisés en transition de carrière et compte 200 bureaux dans vingt-deux pays. AKR, racheté il y a un an et demi par DBM, se positionne clairement sur le même terrain. « Un tiers de nos candidats réalisent leurs recherches d'emploi sur l'Europe », assure Jacques Éliard, son directeur général. Ces réseaux permettent ainsi aux multinationales de monter des opérations d'outplacement similaires dans plusieurs pays.
À cette débauche de moyens et à cette logistique pointue, les petits prestataires répondent par la qualité du contact avec le candidat. « Quand un consultant gère vingt à trente candidats, c'est de l'industriel ! La relation est forcément moins personnelle, estime Bruno Baudelaire, président d'Eurocca, qui regroupe une dizaine de petits cabinets. Les candidats retrouvent du travail grâce à la qualité de la méthode utilisée et à celle du consultant, à son expérience, à son ancienneté. » Quand les petits cabinets se diversifient, c'est souvent sur des techniques très proches de l'outplacement, comme le coaching ou le bilan de carrière. Certains se spécialisent dans des niches. Bourin Conseil (cinq consultants) n'accueille que des cadres dirigeants. Transition cCarrières (trois consultants) propose une alternative à l'outplacement, qui fait appel aux mêmes méthodes que cette démarche : le détachement. Il s'agit de soumettre une mission en PME à un cadre en stand-by dans une grande entreprise. Avec, souvent, l'espoir que cette dernière l'embauche. Quant à la guerre des prix, il est difficile de dire si elle fait rage entre petits et grands : les tarifs d'un outplacement individuel varient de 70 000 à 120 000 francs. Les honoraires étant calculés à partir d'un pourcentage du salaire du candidat (de 12 à 17 % en moyenne), avec des frais fixes de 15 000 à 18 000 francs. Mais impossible de chiffrer le coût d'un reclassement collectif, qui varie en fonction des interventions à réaliser. Et du bassin d'emplois concerné.