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Les quinquas et les trentas concernés

Dossier | publié le : 01.06.1999 | V. L.

L'outplacement individuel concerne généralement les salariés de 40 à 50 ans. Mais les cabinets accueillent aussi des trentenaires, voire des quinquagénaires.

Outplacé à moins de 30 ans : c'est ce qui est arrivé à Patrick. « Je ne pensais pas que l'outplacement était destiné aux gens de mon âge », souligne ce cadre marketing de 29 ans. C'est pourtant ce que lui a proposé, il y a trois ans, un ancien employeur avec lequel il était « en complet désaccord ». Dans le cadre d'une séparation à l'amiable avec cet équipementier automobile, Patrick choisit, après réflexion, de bénéficier d'un outplacement plutôt que d'empocher les 65 000 francs correspondants. Yves Ignazi, lui, connaissait ce type de reclassement, avant d'y être directement confronté. Et pour cause : il était DRH dans une société informatique. Âgé de « plus de 55 ans », il a quitté son entreprise après treize ans de bons et loyaux services. « La société était en restructuration permanente. Je ne voyais plus quel sens donner à mon action. » Avant de partir, il a négocié un outplacement.

Yves et Patrick ne sont pas des exceptions. Malgré les dispositifs de préretraite, qui limitent les licenciements des plus âgés, et en dépit de la reprise des recrutements, a priori favorable aux plus jeunes, quinquas et trentenaires fréquentent les cabinets d'outplacement. Certes, ils ne représentent encore qu'une faible part des candidats. « 5 % de nos candidats ont entre 25 et 30 ans », observe Pascal de Longeville, consultant chez Eos. Mais l'outplacement est aujourd'hui une procédure que les entreprises proposent au cas par cas, sans distinction d'âge. Aux mêmes causes, les mêmes solutions : « Les fusions-acquisitions sont les premiers motifs de licenciement de nos candidats », assure Étienne Daugny, directeur du cabinet Transition Carrières. Et les départs liés à ces restructurations, comme aux licenciements économiques ou aux mésententes entre employeurs et salariés, concernent a priori toutes les tranches d'âge. Avec, toutefois, des nuances. « Les motifs de départ des anciens sont souvent d'ordre structurel, précise Gérald de Bourmont, directeur chez Garon Bonvalot. Cette génération a connu, à ses débuts, les embauches massives. Aujourd'hui, les entreprises cherchent à s'en séparer, même au risque de perdre des compétences. » Désormais, les impératifs sont le rajeunissement de la pyramide des âges et l'allégement des coûts salariaux.

Réticences et septicisme…

Les motifs de départ des jeunes, hors licenciement pour faute, sont différents. « Certains prennent le premier poste qui se présente, et, au bout de deux à trois ans, ils ne sont pas satisfaits », avance Dominique Hislaire, directeur de BPI Mobilité. « D'autres n'arrivent pas à s'adapter à l'entreprise ou ne sont pas à l'aise dans un grand groupe », poursuit Thierry Moreau, gestionnaire de carrière chez Total. « La greffe ne prend pas pour des raisons de personnalité », renchérit Jean-Pierre Leclerc, du cabinet Conviction Right France. L'entreprise peut, elle aussi, se tromper. « Il arrive que nous accordions une promotion à tort », estime Michel La Clavière, responsable RH de Kodak. Autant de paramètres ou de risques que l'entreprise n'a pas su détecter ou évaluer. « Elle veut alors se dédouaner », analyse Jean-Michel Court, directeur général de Garon Bonvalot. Avec le souci de ne pas laisser tomber un jeune salarié qui a fait une erreur d'orientation. Une entreprise privée de services a ainsi confié quatre-vingts de ses salariés au cabinet BPI Mobilité. « Des jeunes d'un bon niveau intellectuel, embauchés pour des fonctions peu qualifiées, précise Dominique Hislaire. L'entreprise n'arrivait pas à les faire évoluer. D'où l'idée de leur proposer une démarche d'outplacement, avant de les laisser partir. » Embauché en contrat de qualification pendant quatorze mois par une entreprise publique pour obtenir une double compétence technique et commerciale, Sylvain, 24 ans, a suivi pendant dix jours un parcours accéléré qui ressemble à un outplacement. « J'ai appris à classer mes compétences, à faire un curriculum vitae approprié, à me servir des petites annonces, à utiliser mon réseau. J'ai fait des simulations d'entretiens. » BPI Mobilité se voit ainsi confier des missions de la part d'entreprises publiques et de collectivités locales pour faire bénéficier d'un outplacement les jeunes qu'elles ne peuvent pas recruter.

Trentas et quinquas ne sont pas forcément des adeptes de l'outplacement. « Les jeunes sont réticents, remarque Thierry Moreau, de Total. Ils se sentent capables de mener une nouvelle recherche d'emploi et ne voient pas la valeur ajoutée que représente un outplacement. Les plus vieux sont sceptiques. Mais ils ont moins le choix. » Jeunes et anciens attendent autre chose qu'une simple aide à la recherche d'emploi. « J'aurais pu trouver un travail seul et très vite. Mais je souhaitais valider mon projet », assure Jean-Luc Delord, 35 ans, ancien outplacé. Même souci pour Yves Ignazi : « Je voulais faire une remise à plat. » Avec, en plus, une détermination farouche : « À 55 ans, le marché ne veut plus de moi ? Je reviendrai autrement ! » Licencié par une grande entreprise de BTP à 53 ans, Claude a bénéficié d'un outplacement dans de bonnes conditions. Non seulement il l'a effectué avant son départ effectif de l'entreprise, mais il avait déjà une proposition d'embauche de la part d'une PME avant d'être licencié. Reste que Claude est sceptique quant aux résultats de l'outplacement : « Je ne comptais pas sur ce dispositif pour trouver un travail. Dans le BTP, tout le monde se connaît, les postes sont pourvus par cooptation. J'avais un réseau et je savais déjà m'en servir. » Il a, malgré tout, apprécié les conseils : « Ça m'a permis de me remettre en cause. J'ai particulièrement aimé l'atelier de décontraction, au sein duquel on nous a appris à gérer le stress. »

Les quinquas orientés vers le conseil ou les PME

Pour ces candidats d'une tranche d'âge très particulière, l'outplacement n'est pas mené de la même façon. « Avec les jeunes, on insiste sur le bilan, afin de trouver la bonne orientation. Nous travaillons également le comportement », précise Pascal de Longeville, d'Eos. « C'est une bénédiction quand l'outplacement intervient à cet âge, s'exclame Jean-Pierre Leclerc, de Conviction Right France. Plus il est réalisé tôt, plus il est bénéfique par la suite. » Jean-Luc Delord est du même avis : « Si je n'avais pas suivi la démarche, j'aurais sans doute choisi un poste équivalent à celui que j'occupais avant. Et, au bout d'un moment, j'aurais été insatisfait. » Résultat, après outplacement, ce jeune directeur des achats, issu d'une grande entreprise, travaille aujourd'hui dans une PME, participe aux comités de direction, ce qu'il souhaitait, et prévoit d'effectuer une formation, ce qu'il n'avait pas envisagé. « Pour les jeunes, il faut aussi coller le projet professionnel au projet de vie, rappelle Gérald de Bourmont, de Garon Bonvalot. À 30 ans, on peut plus facilement changer de voie. »

Pour les quinquas, les priorités sont différentes. « Une personne de 55 ans a une expérience très poussée, donc une grande valeur. Mais elle ne le sait pas toujours, assure Gérald de Bourmont. À nous de la convaincre que ses compétences intéressent le marché. » L'âge ne disparaît pas pour autant d'un coup de baguette magique. Yves Ignazi en a fait l'amère expérience en se voyant refuser un poste pour cette raison. « Il faut anticiper la question, assure Dominique Hislaire, au cabinet BPI. En entretien, s'attarder seulement un tiers du temps sur le passé, et le reste sur les projets d'avenir. Ça change tout. » Le meilleur atout pour une bonne réinsertion professionnelle reste encore le réseau de relations. « J'ai constitué une sorte de conseil d'administration, composé de personnes qui me connaissent et qui me conseillent », raconte Yves Ignazi. D'un rendez-vous à l'autre, le réseau se structure et les propositions de missions ont suivi. Parfois au prix d'un changement de fonction, de métier ou de secteur. « Toute une partie du marché est fermée, rappelle Gérald de Bourmont. Les grandes entreprises n'embauchent pas ces profils de quinquas, sauf pour des missions ponctuelles. Il faut donc s'orienter vers le conseil ou les PME. » Un travail de persuasion qui est aussi l'une des missions des experts de l'outplacement.

Comment choisir un prestataire ?

Souvent, les entreprises recommandent plusieurs cabinets d'outplacement, en général deux ou trois, à leurs salariés. Voici quelques clés pour faire un choix :

• Le consultant : il doit être senior, avec une bonne expérience de l'entreprise. C'est le profil type de la majorité des consultants. Surtout, le contact doit bien passer entre lui et le candidat, car ils travailleront ensemble pendant les six à huit mois que dure la mission. Un interlocuteur unique et disponible doit piloter l'ensemble de la démarche. Certains cabinets proposent aussi l'appui d'experts, internes ou externes, spécialisés dans des secteurs d'activité ou la création d'entreprise, par exemple.

• La méthode utilisée : tous les cabinets affirment personnaliser la démarche pour chaque candidat. Et tous utilisent grosso modo la même méthode : bilans personnel et professionnel, définition du projet, apprentissage de techniques de recherche d'emploi et suivi de la campagne de recherche. La différence se fait au niveau de l'adéquation de la méthode avec le projet du candidat. « Il faut déterminer soi-même le type d'aide qu'on souhaite obtenir, explique un ancien outplacé. J'avais le choix entre deux cabinets. La problématique du premier était de placer les candidats le plus rapidement possible. Or j'avais avant tout besoin de conseils. J'ai privilégié le second, qui me permettait d'approfondir ma réflexion. » La phase de diagnostic préalable est donc primordiale.

• Les outils : tous les cabinets se targuent d'utiliser les nouvelles technologies, l'Internet ou les CD-ROM. Mais c'est le moins qu'ils puissent faire aujourd'hui ! En revanche, l'existence d'un centre de documentation fourni peut constituer un plus. Ainsi que le réseau mis en place : beaucoup délèguent au moins une personne spécialement chargée de prospecter les entreprises et de détecter les postes à pourvoir. Une association d'anciens outplacés peut être utile pour récolter conseils et encouragements et, parfois, obtenir un emploi.

• Les « plus » : attention à la poudre aux yeux ! Des libellés d'atelier peuvent être trompeurs et certaines techniques ne sont pas forcément utiles. Certains cabinets font eux-mêmes le ménage. Par exemple, PCM Europe a abandonné le théâtre dans ses séminaires de communication. Fini aussi l'achat de pages entières dans « Le Monde » pour présenter en deux mots les compétences des candidats. En revanche, PCM utilise la même formule avec un journal interne, qu'il diffuse aux entreprises et aux anciens candidats. Parmi les autres initiatives intéressantes, BPI et Garon Bonvalot ont mis en place des structures d'accueil aux créateurs d'entreprise, avec possibilité de portage chez le second. Transition Carrières et Garon Bonvalot pratiquent également l'outplacement pour les conjoints de salariés mutés par leur entreprise.

Auteur

  • V. L.