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Le bloc-notes

Retraites : tout pas en avant, même partiel, sera le bienvenu

Le bloc-notes | publié le : 01.02.2002 | Raymond Soubie

Le vrai succès de la législature Jospin

Le plus grand succès de ce gouvernement est d'avoir réussi à créer en France un climat de confiance et d'optimisme. Les Français étaient las des années de galère, du long tunnel d'une croissance médiocre et de l'augmentation ininterrompue du chômage. Voici que, depuis 1997, réapparaissent croissance massive d'emplois, baisse ininterrompue du chômage, joies de la consommation, dans un contexte général de plus de temps libre dû aux 35 heures. Aujourd'hui encore, alors que le ciel s'est assombri, les Français continuent à consommer et à croire qu'ils éviteront le pire. Ils ont peut-être tort, mais ce qui est pris n'est plus à prendre. Bien malheureux serait le gouvernement qui viendrait aux affaires et serait obligé d'annoncer les mauvaises nouvelles. Les Français lui en voudraient beaucoup. Pourtant, semble-t-il, les candidats sont nombreux.

Retraites : une réforme possible

La plus importante réforme du prochain quinquennat, qui devrait coïncider avec la prochaine législature, sera celle des retraites. À force d'en retarder l'échéance, celle-ci est maintenant devenue inévitable. Comment pourrait s'y prendre le nouveau gouvernement ? Il ne peut pas décemment demander à de nouveaux sages un nouveau diagnostic. De rapport en rapport, celui-ci est confirmé et il n'est pas bon. La seule question concerne le contenu de la réforme et plus encore sa méthode.

Le contenu consistera sans doute, si on lit bien entre les lignes du rapport du Conseil d'orientation des retraites, à retenir une gamme de mesures, d'un accroissement (léger) des prélèvements à un allongement de la durée des cotisations, en passant par une politique destinée (enfin) à accroître les taux d'activité. La méthode est un sujet bien plus difficile, pour une raison évidente. L'écart qui subsiste en faveur du secteur public rend impossible toute réforme des retraites du secteur privé si les problèmes beaucoup plus critiques de la fonction publique et des régimes spéciaux ne sont pas abordés et traités parallèlement. Or ceux-ci sont beaucoup plus explosifs, comme l'ont montré les réactions de fin 1995 aux intentions exprimées en ce domaine par Alain Juppé.

En vérité, une seule démarche paraît possible si on veut réunir quelques chances de succès. Dans un premier temps, le gouvernement issu des élections fixerait l'architecture générale de la réforme : objectifs (par exemple, en matière de taux de remplacement), méthodes et calendrier. Dans une deuxième étape, il renverrait chaque sous-ensemble du projet, régime général, régimes complémentaires, fonction publique, régimes spéciaux, à des négociations déconcentrées.

Il faut être conscient que, dans plusieurs cas (par exemple, la fonction publique), obtenir non pas un accord en bonne et due forme mais un simple constat de neutralité des syndicats serait une victoire. Il faut aussi comprendre que ces négociations parallèles n'avanceraient pas au même rythme et qu'il demeurerait des îlots de résistance (la SNCF, pour ne citer que ce cas vraisemblable) qui ne devraient pas bloquer l'ensemble du mouvement, et qui pourraient être réductibles à terme. Dans un troisième temps, il appartiendrait au gouvernement de proposer au Parlement les modifications législatives nécessaires.

Il ne faut pas être trop perfectionniste : tout pas en avant, même partiel, sera le bienvenu dès lors que les inégalités entre régimes commenceront à être réduites. Une dernière question se pose : doit-on croire les politiques (tous) qui jurent qu'ils entreprendront une telle réforme s'ils sont élus ? Pour une fois, croyons-les, car ils n'ont plus le choix, ni le temps.

Une leçon à tirer

La décision du Conseil constitutionnel, rétablissant les anciennes règles sur la justification du licenciement économique, en a ravi plus d'un : les entreprises, bien sûr ; l'opposition, qui avait déposé le recours ; mais aussi le gouvernement, qui se demandait (et pas seulement Laurent Fabius) comment il sortirait cette épine de son pied si la majorité actuelle venait à être réélue ; et, naturellement, les syndicats, furieux d'avoir été écartés de la préparation du texte. C'est une bonne décision, plutôt consensuelle, si l'on excepte le PC, les Verts, et si l'on relativise et interprète bien les protestations de pure forme du PS.

Reste à tirer les leçons de cette affaire : éviter si possible des textes de circonstance sur des domaines aussi sensibles, mieux les préparer, les faire précéder d'une vraie consultation et enfin, accessoirement, mieux les rédiger. Si, à l'avenir, il en était ainsi (ce dont on peut douter car on ne changera pas les politiques d'un coup de baguette magique), voici un faux pas qui aura été bien utile.

Auteur

  • Raymond Soubie