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Un tiers des entreprises e-recrutent

Dossier | publié le : 01.02.2002 | S. D., A.-C. G.

Notre sondage exclusif « Liaisons sociales »-France Télécom montre qu'en matière de recrutement en ligne il reste des progrès à faire. De plus en plus d'entreprises recourent, certes, à des sites Internet, mais généralement en complément de moyens classiques. Petites annonces, cabinets de recrutement et agences pour l'emploi ont encore de beaux jours devant eux. Quant aux bourses internes en ligne et ouvertes à tous, elles restent l'exception.

Dites-moi comment vous recrutez et je vous dirai quelle entreprise vous êtes ! En matière d'embauche, les entreprises font feu de tout bois. Recrutement externe et interne, chasseurs de têtes, Web, cooptation, tous les moyens sont bons pour trouver des talents. Hervé Bertrand, directeur du développement des ressources humaines du groupe Accor, ne jure plus que par le recrutement en ligne. Depuis que son site Web comporte un chapitre dédié au recrutement, le leader du tourisme et de l'hôtellerie a enregistré la bagatelle de 20 000 candidatures spontanées ! Et plus de 450 postes ont été pourvus grâce à Accorjob. Une véritable manne pour un groupe en recherche permanente de candidats.

Et en avance, en matière de technologie, sur ses homologues français. Selon notre sondage exclusif Liaisons sociales-France Télécom, réalisé par Ipsos en novembre 2001 auprès de 300 responsables du recrutement d'entreprises de plus de 100 salariés*, ces dernières continuent de recourir largement aux bonnes vieilles méthodes de recrutement, par annonces dans la presse, ou par l'intermédiaire des agences spécialisées et des cabinets de recrutement. « Internet est un phénomène encore trop récent en France pour bousculer les habitudes », commente François Silva, professeur au Cnam et auteur de Devenir e-DRH (éditions Liaisons). Selon lui, « la lettre manuscrite qui nourrit les analyses graphologiques reste une véritable institution ».

Hormis une infime minorité qui ne procède que par mobilité interne, la majorité des entreprises va chercher les futurs collaborateurs à l'extérieur. Et lorsqu'il s'agit d'un cadre dirigeant, 64 % des sociétés interrogées font appel aux services de chasseurs de têtes. Un investissement important justifié par une embauche fondamentale. Plus surprenant, plus de la moitié d'entre elles s'adressent à l'Agence pour l'emploi des cadres. Et la moitié passent une annonce dans la presse. Même tiercé, mais dans le désordre, pour les postes de cadres opérationnels. Trois quarts des employeurs privilégient les petites annonces, avant l'Apec (62 %) et les cabinets spécialisés (52 %). Enfin, l'ANPE reste le partenaire privilégié pour 79 % des entreprises qui veulent pourvoir un poste d'employé ou d'ouvrier, avant les petites annonces (70 %) et la cooptation (30 %). Ce sont les entreprises encore « à taille humaine », celles qui comptent entre 500 et 1 000 personnes, qui se fient le plus aux recommandations de leurs salariés.

Ce n'est pas encore la révolution annoncée

Quel que soit le type de salarié recherché, les responsables du recrutement interrogés ne font appel que de façon complémentaire à Internet. Ce n'est donc pas encore la révolution annoncée. Mais, à coup sûr, une nouvelle tendance puisqu'un tiers des entreprises surfent déjà sur le Web pour trouver des cadres. La moitié même des sociétés employant 500 à 1 000 salariés s'aventurent sur la Toile. « Les recruteurs affectionnent encore la presse spécialisée, qui permet d'identifier facilement leur cible, ajoute Tania Dammert, chef de projet à la DRH du groupe France Télécom. Ce qui n'est pas le cas des job boards, qui s'adressent à un public plus large. » Les sites généralistes sont pourtant les plus fréquentés (dans 60 % des cas), loin devant les sites dédiés à un secteur ou à une catégorie de salariés. Lorsqu'elle est en chasse d'un cadre dirigeant, une entreprise sur quatre (26 %) met une annonce sur un site d'emploi. « Les entreprises considèrent encore le recrutement des cadres dirigeants comme stratégique, estime Stéphane Barthe, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les ressources humaines et l'emploi (Lirhe) de l'université Toulouse I. D'après elles, Internet ne permet pas d'en respecter la confidentialité. Et les entreprises partent du principe qu'elles ne pourront pas toucher les ouvriers via le Net. » Au palmarès des secteurs d'activité les plus branchés, les services battent l'industrie d'une courte tête : 36 % des entreprises de notre panel opérant dans le tertiaire recourent aux job boards, contre un petit tiers (32,5 %) dans le secondaire.

Montés en puissance avec l'avènement de la Net économie, les sites spécialisés sont davantage utilisés que les sites maison. En quête d'un cadre dirigeant, un quart des entreprises sollicitent un job board, seulement 16 % se servent de leur site. Pour un cadre opérationnel, un tiers privilégient le recours à un site spécialisé, un quart utilisent leur site. Avantages prêtés aux sites spécialisés par les recruteurs : ils possèdent une audience plus large que les sites propres et ils permettent d'accéder à des CV en ligne, voire à des services en ligne. « Aux États-Unis, les recruteurs utilisent même ces bases de CV en ligne comme autant de réseaux virtuels. Ils joignent directement des candidats déjà inscrits dans la base de données pour profiter de leurs contacts personnels. Une pratique qui n'a pas traversé l'Atlantique », souligne le chercheur Stéphane Barthe. « Le marché n'est pas encore mature. Mais le recours aux sites spécialisés devrait progresser rapidement », renchérit Tania Dammert, de France Télécom.

En revanche, quelle que soit leur taille, les entreprises comptent davantage sur le site maison pour embaucher employés ou ouvriers. Parmi les pionnières qui se servent de leur propre site pour recruter (au total 26 %), rares sont celles qui utilisent toutefois les multiples fonctionnalités de l'outil Internet. Certes, les internautes peuvent spontanément déposer leur candidature (dans 82 % des cas). Mais moins d'un tiers de ces entreprises ont mis en ligne des CV préformatés. 17 % ont un moteur de recherche fondé notamment sur les compétences et 13 % assurent un suivi en ligne des dossiers. « Les entreprises ne sont pas encore entrées dans une logique de compétences. Résultat, leurs sites ne font pas encore le lien entre les savoir-faire des candidats et le profil des postes à pourvoir », indique Tania Dammert.

En affichant leurs offres d'emploi sur leur site, l'immense majorité des entreprises cherchent avant tout à… soigner leur image de marque. Comme si Internet faisait déjà partie du standing. C'est l'un des grands enseignements du sondage Liaisons sociales-France Télécom : le Net est un mode de recrutement valorisant pour l'entreprise. Les critères d'économie ou de facilité ne viennent qu'ensuite. Précision révélatrice, un gros tiers seulement des entreprises font valoir des considérations techniques, par exemple le fait qu'un CV déposé sur le site maison puisse être intégré directement au système d'information de l'entreprise. « Mais attention, la condition sine qua non pour e-recruter, c'est que la société bénéficie déjà d'une bonne image, nuance Jean-Marie Simon, responsable du système d'information en ressources humaines de Schlumberger (voir page 66). Dans le cas contraire, les candidats n'iront même pas surfer sur le site et, par conséquent, n'auront pas connaissance des postes disponibles. »

Le look passe avant la gestion des candidatures

En tout cas, sur le Web, les entreprises soignent leur look : 40 % d'entre elles placent en tête des facteurs « clés de succès » de l'e-recrutement l'ergonomie du site, juste devant la clarté des annonces (31 %). En revanche, la gestion des candidatures (16 %), les délais et la qualité des réponses (11 %) ne sont pas identifiés comme des critères décisifs. « C'est dommage. Car, par exemple, les entreprises qui envoient automatiquement un accusé de réception aux candidats déposant leur CV en ligne soignent leur image », estime Stéphane Barthe. « Un gadget loin d'être suffisant, ajoute Tania Dammert. Des études qualitatives menées auprès de candidats potentiels il ressort que les entreprises perdent en crédibilité en négligeant d'informer les internautes sur l'état de leur dossier. »

Dans une course aux talents où la réactivité est un atout, plus de quatre responsables du recrutement sur cinq mettent en avant la rapidité de traitement des candidatures. « Dans certaines entreprises, l'e-recrutement a entraîné une diminution de moitié des délais, entre le moment où l'employeur dépose l'offre sur son site et celui où le contrat est signé », observe François Silva. Un gain de temps considérable puisque le délai moyen de simple réponse à une candidature est de quatorze jours, selon notre sondage. Il n'empêche que 13 % des entreprises qui déposent une petite annonce sur leur site n'assurent pas un suivi régulier des dossiers ! Autre caractéristique appréciée : la collecte directe de candidatures supprime l'intermédiation et réduit d'autant le coût d'un recrutement.

Interrogés plus généralement sur les avantages comparés du recrutement en ligne et des moyens plus traditionnels comme les petites annonces, plus de la moitié des managers RH citent en premier lieu la rapidité, loin devant le nombre de candidatures recueillies (14 %) et le coût (8 %). Les entreprises qui embauchent déjà via Internet en sont, bien entendu, encore plus convaincues puisque les trois quarts considèrent la rapidité comme l'atout majeur du Web.

Des candidatures pléthoriques

En revanche, pour ces pionnières, Internet a les défauts de ses qualités. La moitié des e-recruteurs citent comme inconvénient majeur le nombre de candidatures recueillies, pléthoriques et pas assez ciblées. Un tiers estiment que c'est d'abord la qualité des CV qui pèche et 8 % évoquent même le coût. Pour éviter de crouler sous la masse des CV, les entreprises commencent d'ailleurs à présélectionner les internautes. L'Oréal demande ainsi aux candidats de remplir un interminable « guide pratique du dossier de candidature ». Après avoir décliné leur état civil et leur formation, ces derniers détaillent expérience et motivation. Une opération qui dure environ vingt minutes. « C'est notre façon de tester la motivation des candidats, assure Maïté Cristiani, responsable de l'e-recrutement au siège. Un formulaire mal renseigné n'intégrera pas la base de données. »

L'autre révolution attendue d'Internet, c'est de doper la mobilité interne. À commencer par celle des entreprises qui possèdent un intranet RH. En juin 2001, un précédent sondage Liaisons sociales-France Télécom réalisé par Ipsos montrait ainsi que près de la moitié des entreprises utilisant leur intranet dans le cadre des ressources humaines disposaient déjà d'outils pour la mobilité interne (centralisation des CV et des compétences des salariés, affichage des postes disponibles) et que 84 % de celles ayant un projet d'intranet RH envisageaient de mettre en place de tels outils. La réalité est plus nuancée. En effet, quand elles veulent pourvoir en interne un poste de cadre dirigeant, les trois quarts des entreprises interrogées sollicitent directement les candidats potentiels. La moitié n'hésitent pas non plus à faire fonctionner le bouche-à-oreille. Paradoxalement, pour des postes moins stratégiques, les usages restent les mêmes. La très grande majorité des entreprises cultivent la discrétion. « Elles privilégient les méthodes traditionnelles et informelles, plus opaques », estime Stéphane Barthe, de l'université Toulouse I.

Toutefois, lorsqu'elles recherchent un cadre opérationnel, 65 % des entreprises… agroalimentaires, 53 % de celles du BTP et moins de la moitié dans les services utilisent leur intranet. Le secteur transport-télécommunications est, paradoxalement, plus timoré : l'intranet ne sert que dans un cas sur cinq. Sans surprise, les grandes entreprises se sont davantage mises au diapason des nouvelles technologies que les PME. Tous secteurs confondus, plus d'un tiers des entreprises de plus de 1 000 salariés passent une annonce sur leur intranet pour trouver un cadre dirigeant. Un taux qui dépasse la barre des 50 % pour un cadre opérationnel. Les petites entreprises (de 100 à 199 salariés) ont moins d'appétit pour ce nouvel outil. Le marché interne de l'emploi, par définition plus réduit dans ce cadre, ne les incite guère à utiliser l'intranet. Quelle que soit la nature du profil recherché, cadre dirigeant, cadre opérationnel, employé ou ouvrier, moins d'un tiers des PME passent une annonce sur leur intranet.

Statistique éloquente, les trois quarts des entreprises interrogées n'ont tout simplement pas de bourse à l'emploi. Une moyenne qui recouvre cependant d'importants écarts entre les PME de 100 à 199 personnes et les entreprises de 1 000 salariés et plus : seulement 14 % des premières ont une bourse à l'emploi alors que 67 % des secondes s'en sont dotées. « Les managers sont jaloux de leur pré carré et veulent sélectionner leurs collaborateurs, dont ils attendent loyauté et fidélité, sans devoir justifier leur choix », analyse Stéphane Barthe.

Une bourse à l'emploi gênerait, en quelque sorte, les rapports de force et les logiques de pouvoir. La majorité des entreprises (64 %) qui ont créé un tel marché du travail interne n'hésitent pas à mettre leur bourse à l'emploi sur l'intranet. Mais toutes les offres n'y transitent pas, loin s'en faut : seulement 18 % des responsables RH interrogés font systématiquement passer toutes les offres internes par la bourse à l'emploi. « Les autres estiment qu'une bourse exhaustive réduirait considérablement leur marge de manœuvre et celle des managers », analyse Stéphane Barthe.

La transparence, talon d'Achille

Mais, dans le même temps, les entreprises sont bien conscientes qu'un intranet où figurent toutes les offres d'emploi favorise la mobilité et contribue à fidéliser les salariés. C'est le cas chez Schneider Electric où la bourse à l'emploi est disponible sur l'intranet RH depuis 1998. « À la fin de 1997, nous avions mené une grande enquête au niveau mondial pour savoir qu'elles étaient les attentes des salariés par rapport à l'intranet. Ils revendiquaient surtout plus de transparence vis-à-vis des postes à pourvoir en interne », souligne Danielle N'Guyen, responsable du développement e-RH pour le groupe. Aujourd'hui, sur l'intranet RH baptisé He@rt, les salariés peuvent visualiser l'ensemble des postes ouverts, demain ils pourront également, comme les candidats extérieurs, faire de la veille interne et déposer leur CV dans un vivier de candidatures spontanées.

Toutes les entreprises ne s'appellent pas Schneider. Selon notre sondage, les responsables du recrutement se montrent soucieux d'informer les salariés des opportunités de carrière au sein même de l'entreprise : 70 % estiment ainsi que lorsqu'un poste se libère, il faut en informer les salariés équitablement. Les trois quarts d'entre eux assurent que n'importe quel collaborateur peut faire acte de candidature à un poste sans condition particulière… alors que, dans la plupart des cas, les salariés doivent préalablement en informer leur supérieur hiérarchique. Dans un tiers des entreprises interrogées, le feu vert de ce supérieur est même impératif. En matière de recrutement, il y a décidément loin des déclarations d'intention aux actes !

* Notre sondage exclusif « Liaison sociales »-France Télécom a été réalisé par téléphone, sur le lieu de travail des personnes interrogées, du 21 au 29 novembre 2001, par l'institut Ipsos auprès de 301 responsables du recrutement, au sein d'un échantillon représentatif d'entreprises de plus de 100 salariés.

Auteur

  • S. D., A.-C. G.

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