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Débat

L'allocation personnalisée d'autonomie est-elle la bonne réponse à la dépendance ?

Débat | publié le : 01.02.2002 |

Votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, l'allocation personnalisée d'autonomie remplace depuis le 1er janvier le dispositif très critiqué de la PSD. Plutôt que de créer un cinquième risque, géré par la Sécurité sociale, le législateur a opté, comme avec la PSD, pour une aide confiée aux départements. En quoi cette nouvelle prestation se distingue-t-elle de la précédente et que peut-on en attendre ? La réponse de trois experts.

« L'APA relève d'une politique cohérente centrée sur la personne et sur ses besoins réels. »

JEAN-RENÉ BRUNETIÈRE Responsable de la mission Marthe.

Enfin, l'aide à l'autonomie des personnes âgées est correctement traitée dans notre pays.

De l'aide sociale à l'ACTP puis à la prestation spécifique dépendance (PSD) en passant par force rapports, expérimentations et tentatives législatives malheureuses, l'aide à la dépendance a connu, en France, une histoire bien chaotique. L'aide personnalisée à l'autonomie (APA) et la politique d'ensemble dont elle est la colonne vertébrale changent la donne.

« Personnalisée » : c'est sur les services réels apportés à la personne que le dispositif est centré. Il s'agit de résoudre effectivement les problèmes de la personne âgée en lui procurant ce dont elle a besoin, quelle que soit la nature des besoins : aide ménagère, adaptation du logement, accueil temporaire, déplacements, sans exclusive dans la nature du contenu du « plan d'aide ». Ces services sont traités dans les comités de liaison, d'information et de coordination où la personne âgée ou sa famille trouveront d'un coup tout renseignement utile.

Aider des personnes fragiles requiert beaucoup de professionnalisme, notamment relationnel, d'où le Fonds de modernisation de l'aide à domicile, doté de sommes considérables, d'où également « Le cahier des charges de la qualité », pièce centrale de la réforme des établissements. C'est au service de cette politique cohérente centrée sur la personne et ses besoins réels que sont mobilisés des moyens financiers énormes, à la hauteur du problème posé.

Les montants de l'aide à domicile (jusqu'à plus de 1 000 euros par mois pour les personnes les plus dépendantes) permettent de porter les plans d'aide au niveau du besoin réel. Dans les établissements, où l'APA suit le tarif consacré à l'aide à l'autonomie, le besoin de soins est également couvert par l'assurance maladie, qui augmente sa contribution de 30 % en cinq ans.

Depuis le 1er janvier, toutes les personnes âgées en perte d'autonomie moyenne à grave ont droit à ces aides, sans condition de ressources ni obligation alimentaire ni récupération sur succession. À partir d'un certain niveau de revenu, et de manière progressive, une participation au plan d'aide est légitimement demandée à la personne.

Le choix d'en confier la gestion aux départements distingue l'APA de ce qu'on nomme communément le « 5e risque ».

C'est pourtant, sans doute, le meilleur choix dans le contexte français. Les départements ont eu mauvaise presse dans la gestion de l'ancienne prestation spécifique dépendance, mais c'est le système mal conçu et restrictif de la PSD qu'il faut mettre en cause, beaucoup plus que l'attitude des départements.

Leurs équipes médico-sociales ont de fait constitué un savoir-faire original et précieux. Elles ont clairement à cœur de réussir le nouveau dispositif et se sont organisées pour cela. Le financement l'APA est assuré conjointement par des ressources locales (les départements augmentant leur contribution) et par la solidarité nationale au travers de la CSG et de la Sécurité sociale. La réussite à terme de cette politique se jouera sur la qualité. On crée un grand appel d'emplois qualifiés, dans des spécialités déjà en pénurie quantitative et qualitative de main-d'œuvre. La clé de la réussite future réside dans un gigantesque effort de formation, entrepris simultanément.

« À l'inverse de la PSD, l'APA est érigée en prestation à caractère universel. »

ALAIN VILLEZ Conseiller technique à l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss).

Cette fois semble être la bonne : la prestation autonomie est devenue pratiquement opérationnelle. La PSD, dont le bilan est calamiteux, n'aura vécu qu'à peine plus de quatre années et n'aura profité qu'à moins de 139 000 personnes parmi les plus âgées, les plus démunies et les plus dépendantes. Quand bien même le dispositif retenu par le législateur n'épuise pas nos attentes, les débats parlementaires ont permis de mettre en perspective les principaux objectifs. Ainsi, légration dans le cadre de la Sécurité sociale de la future allocation a été reconnue comme l'objectif final ; la solution hybride, retenue par le législateur, d'allocation d'aide sociale répondant à un objectif de solidarité nationale ne constitue qu'une étape soumise à l'évaluation du Parlement à l'échéance du 30 juin 2003. Par ailleurs, la perspective d'harmoniser dans le cadre de ce dispositif les prestations destinées à compenser le handicap des personne âgées de plus ou moins de 60 ans est devenue un objectif réaliste.

L'avancée que représente l'APA repose à l'évidence sur l'ambition du législateur à l'ériger en prestation à caractère universel. Trois mesures confortent cet objectif qui devrait permettre à terme d'ouvrir un droit à 800 000 personnes : la suppression du plafond de ressources, l'extension aux personnes présentant un niveau moindre de perte d'autonomie et la suppression de la procédure de récupération des sommes versées sur les successions et les donations. Si les critères de ressources sont abrogés pour apprécier le droit à prestation, celles-ci seront néanmoins prises en considération pour fixer le montant de la participation financière que devront acquitter les personnes vivant à leur domicile et disposant de plus de 914,69 euros de ressources mensuelles. Parmi les avancées du dispositif d'APA à domicile, il faut citer la préférence donnée à l'intervention en prestation de service pour les personnes dont le besoin d'aide est le plus important du fait de leurs handicaps ou de l'insuffisance de leur entourage. L'incidence du Fonds de modernisation d'aide à domicile devrait permettre de renforcer la qualification et la professionnalisation des intervenants. En tout cas, ces dispositions devraient réduire le nombre des personnes très dépendantes contraintes d'assumer les prérogatives de la fonction employeur, qui leur incombent dans le cadre de l'emploi de gré à gré ou du service mandataire. Enfin, le service de l'APA peut être complété par les prestations d'action sociale facultative des caisses de Sécurité sociale et des départements. Cette complémentarité est indispensable si l'on veut que le niveau d'aide à la personne ne soit pas en régression par rapport à la situation actuelle compte tenu du plafonnement financier de l'allocation et de sa vocation à financer un panier de services, et non la seule aide à la personne. Nous ne pourrions nous satisfaire d'une structuration de l'action gérontologique et d'un calibrage des prestations sur le seul critère du niveau de perte d'autonomie.

« Avec la nouvelle allocation, on sort de la logique d'aide sociale implicite dans la PSD. »

LUC BROUSSY Délégué général de l'Union nationale des établissements privés pour personnes âgées (Uneppa).

Sans nul doute, l'allocation personnalisée d'autonomie constitue un progrès considérable eu égard à la législation précédente, et notamment par rapport à la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997, avec laquelle les différences sont notables. L'APA profitera à toutes les personnes âgées dépendantes, quel que soit le montant de leurs ressources, alors que la PSD était réservée aux plus bas revenus. Avec l'APA, les classes moyennes sont réintégrées dans le dispositif d'aide. Elle élargit également son champ d'action en incluant les personnes atteintes d'une perte d'autonomie « moyenne ». Enfin, et c'est là que se situe la différence majeure, l'APA ne fait plus appel au mécanisme de recours sur succession. On sort donc bien d'une logique d'aide sociale. La conséquence des critères évoqués plus haut est mécanique : environ 800 000 personnes âgées pourront bénéficier de l'APA, alors que la PSD était perçue en 2001 par seulement 130 000 personnes âgées.

Sur le mode de financement, là aussi, la différence est majeure. La PSD était entièrement financée par les conseils généraux. Désormais, la solidarité nationale, via une affectation d'une part de CSG, interviendra en complément, permettant ainsi la création d'un fonds de péréquation entre départements. Les inégalités territoriales avaient été une des principales tares de la PSD : désormais les départements les plus « vieux », qui sont généralement aussi les plus défavorisés en termes de recettes fiscales, seront plus aidés que les autres.

Dans tous ces domaines, l'APA constitue donc un saut qualitatif majeur par rapport à la PSD et même à l'ACTP, en vigueur avant 1997. Pour autant se pose le problème des personnes âgées hébergées en établissement. Le tarif dépendance en établissement excédera difficilement 460 euros par mois pour les personnes les plus dépendantes. Si l'on y retranche le montant du ticket modérateur, l'APA en établissement ne pourra quasiment jamais dépasser 350 euros par mois. Contre des montants d'APA à domicile qui pourront aller jusqu'à 1 070 euros par mois. Cette inégalité entre domicile et établissement ne se justifie pas. En tout cas pas à un tel degré. De plus, les tarifs « hébergement » payés par la personne âgée ou par sa famille restent encore à des niveaux qui ne permettent pas à tous d'être solvables. Ainsi, en établissement, l'APA ne répond pas à tous les problèmes de solvabilisation des personnes âgées. Un effort devrait, à l'avenir, porter sur une amélioration des aides au logement afin qu'une fois la solvabilisation des soins et de la dépendance réglée celle de la partie « hébergement » le soit aussi. Mais, au final, l'APA semble rencontrer déjà un certain succès puisque, dans les départements, les demandes affluent depuis le début de l'année à un rythme allant jusqu'à une centaine par jour. Les pouvoirs publics pourraient être confrontés plus rapidement qu'ils ne le pensaient à un problème de financement.

Plus le succès de l'APA sera important auprès des populations concernées, plus la question financière se posera.

Pour une raison simple : le gouvernement pourrait devoir faire face en quelques mois à la dépense qu'il pensait lisser sur trois ans !